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Marketing vert: on vous fait bouffer du concept!

Abrutis par les publicités et le marketing de produits supposément bons pour la planète, nous sommes noyés sous une quantité industrielle de produits qui n'ont rien de sain ni de vert.
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Nous ne prenons plus de plaisir à combler nos besoins vitaux. Nous les expédions comme des tâches ingrates que l'on doit satisfaire pour survivre et non plus pour vivre.
Mellisa Stockdill / EyeEm via Getty Images
Nous ne prenons plus de plaisir à combler nos besoins vitaux. Nous les expédions comme des tâches ingrates que l'on doit satisfaire pour survivre et non plus pour vivre.

Entrepreneure sociale dans le domaine de l'alimentation et militante environnementale, c'est avec plaisir que j'ai reçu la nouvelle de l'existence d'un festival québécois ayant pour vocation de «promouvoir l'alimentation saine, l'écologie et la santé globale». Dans une rétrospective visant à comprendre l'évènement qui vient de me décevoir profondément, je décide de partager le secret d'un mythe bien gardé: le marketing vert nous fait gober n'importe quoi.

Ce festival partait d'une initiative visant à promouvoir une saine alimentation, un mode de vie «santé». Pour la fondatrice, «la préparation des repas devrait être un temps privilégié pour la famille». Mais les probiotiques et compléments alimentaires ont-ils vraiment leur place dans la cuisine et la transmission du savoir culinaire? S'agit-il encore de «réapprendre à cuisiner aux Québécoises et aux Québécois»?

Voyage en terres inconnues

10am: Je commence ma visite par un shooter (en plastique) de probiotiques. La vendeuse de la trentaine me prêche par l'exemple qu'en prendre chaque jour constitue un remède à presque tout. Moi qui pensais avoir du temps devant moi avant d'avoir à ingérer gélules et pilules... Juste à côté, une femme insiste pour m'offrir un magazine sur la santé des aînés. Décidément, il semblerait que le temps se soit subitement accéléré.

Shana Novak via Getty Images

J'arrive devant un stand de chips «100% cuit dans l'huile d'avocat». Il faudra prendre le temps de lire la liste d'ingrédient pour s'apercevoir que la recette comprend également de l'huile de tournesol et de canola. Les vendeurs n'ont aucune information sur le processus de production, mais m'affirment que «c'est plus santé». D'ailleurs, sont-ils au courant qu'au Mexique, non seulement «on brûle les forêts et on assèche les cours d'eau pour planter l'avocat, mais on tue pour l'or vert»? Plus qu'une innovation, c'est une révolution santé et écologique!

11am: L'excitation est à son comble. Les allées grouillent. Je suis sollicitée de tous côtés. Quelqu'un me propose de passer à son stand au plus vite pour tester des produits parfaits lorsqu'on n'a «pas le temps de manger un vrai repas». Et si on passait à côté du véritable problème de notre société? L'important est-ce de trouver une solution pour remplacer des repas qu'on n'a plus le temps de prendre? Ou comment retrouver ce temps que l'on a perdu?

Les gens se poussent. Je me sens étouffée au milieu de milliers de sacs en plastique gracieusement offerts à l'entrée du festival par une entreprise de «probiotiques actifs préparés avec soin». Heureusement, le sac est vert.

Je me sens déshumanisée. Nous ne sommes alors plus que du bétail prêt à ingérer tout ce qui sera mis à notre portée. Tout est fait pour que le citoyen retrouve sa place de consommateur: on achète, on remplit son sac de produits, on fait son épicerie. On n'utilisera sûrement pas tout ça, mais au moins, on se sent sain.

12am: Je me sens définitivement perdue. Pour chaque bouteille d'eau de forêt tropicale embouteillée dans un contenant en aluminium à acheter, un arbre sera planté au Costa Rica. Comble de l'ironie que de vendre des bouteilles d'eau qui ont voyagé depuis le Costa Rica dans le pays détenant 20% des ressources d'eau douce mondiale.

«La maison brûle et nous regardons ailleurs» - Jacques Chirac

Mais quelle est donc la logique d'une course à la recherche de solution pour perdre moins de temps? La perpétuelle quête de produits pour combler le plus rapidement possible nos besoins vitaux? Quel en est le but ultime?

Nous ne prenons plus de plaisir à combler nos besoins vitaux. Nous les expédions comme des tâches ingrates que l'on doit satisfaire pour survivre et non plus pour vivre.

Se nourrir ne serait plus une source de plaisir, de goût, de partage ou de convivialité, mais une nécessité permettant simplement d'accomplir la tâche suivante de notre journée. S'asseoir pour manger n'a jamais été une si grande perte de temps. Mais je m'interroge... une saine alimentation passe-t-elle nécessairement par l'absorption de «collagène liquide»?

Je revois l'usine Tricatel du film «L'aile ou la Cuisse» (avec Louis de Funès). Des poulets en pâte à modeler recouverts de peinture et des gélules «repas complet» sorties de Charlie et la Chocolaterie, est-ce cela l'avenir?

woraput via Getty Images

Le «vert» devient pourtant une parure, un habit que les plus aisés aiment se voir porter. Un marché sexy et porteur dont beaucoup ont su se saisir. Abrutis par les publicités et le marketing de produits supposément bon pour la planète, nous sommes noyés sous une quantité industrielle de produits qui n'ont rien de sain ni de vert. Le paradoxe de notre société se résume à arborer un tee-shirt «sauvons la planète», une pancarte «stop au plastique» dans la main droite avec une bouteille individuelle de Coca en plastique dans la gauche.

«Vous êtes le changement que vous voulez voir dans ce monde» - Gandhi

Comment nous situer? Que choisir? Comment reconnaître le vrai du faux dans ce monde d'information et de désinformation? Et bien, l'écoresponsabilité ne réside pas dans la complexité. Bien au contraire: la clef, c'est la simplicité.

Manger sainement ne doit pas s'apparenter à ingérer des compléments. Tout ceci passe avant tout par l'amour de la nourriture, de la cuisine, du partage, et surtout, le fait de savourer ce que l'on goûte et de prendre son temps.

L'alimentation devrait être au cœur de nos priorités et non pas la maximisation du temps de notre journée. Profitons du temps qu'il nous reste plutôt que de lui courir après!

Cliquez ici pour écouter l'entrevue de l'auteure sur le sujet, à la radio CISM 89,3.

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