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La culture de l'ignorance

Aujourd'hui, notre environnement quotidien, c'est la planète, pas 10 km de rayon. À nous de comprendre notre environnement comme nos aïeuls essayaient de comprendre le leur. Le défi est plus grand pour nous, mais nous avons plus d'outils. À nous de les utiliser.
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Parfois le hasard fait bien les choses. Je regarde l'Assemblée nationale, les débats au Parlement et je me dis : pourquoi ?! Non seulement le niveau intellectuel est bas, il est aussi souvent futile. Un gouvernement majoritaire fait comme bon lui semble, point final. Il n'est pas redevable envers l'opposition, encore moins envers les électeurs. Il fait tout ce qu'il lui plaît, que ce soit en rapport direct, indirect ou pas du tout avec sa plateforme électorale et pendant la dernière année et demie de son mandat, il distribue les largesses et s'évertue à effacer les souvenirs. Je me disais que la façon la plus simple de changer cela était de modifier complètement le processus électoral.

Il y a fort longtemps, l'idée d'élire des représentants du peuple, les mettre en poste à Québec, Ottawa était logique. Pas facile d'acheminer le vote populaire en calèche à partir de Percé en 1873... Aujourd'hui ce n'est plus le cas. Nous avons internet. Les gens votent à chaque semaine pour leur candidat de téléréalité, font leurs achats en ligne, leurs transactions bancaires aussi. Bref, toutes sortes de choix, sans l'intervention d'autrui. Pourquoi alors avoir encore un intermédiaire (député) entre l'électeur et la loi ? La réponse est simple : Donald Trump.

Les électeurs ont choisi un misogyne raciste, menteur, fraudeur et j'en passe comme leur représentant parce que...ils trouvent qu'il leur ressemble. Donald Trump est ignorant de la politique internationale (déclare pouvoir annuler tous les traités et accords), ignorant des droits de l'Homme (partisan du recours à la torture, à la discrimination raciale, religieuse, etc.), ignorant de la constitution de son pays, ignorant scientifique (le réchauffement climatique étant selon lui une conspiration chinoise visant à ralentir l'économie américaine) et plus encore. Il a été élu par des gens qui s'identifient à lui. Des gens confiants et fiers de leur ignorance. Ce point a été bien débattu, beaucoup mieux que je ne pourrais jamais le faire, par le président Obama dans un discours aux finissants de Rutgers au printemps dernier .

Depuis 1955, le gouvernement américain a transformé le mode de vie américain en changeant le citoyen en consommateur. On encourage depuis le gouvernement d'Eisenhower à dévouer le maximum de ressources à consommer, proclamant que le bonheur est dans la consommation et non pas dans l'accomplissement social, culturel, émotionnel, ou scientifique. La population en est venue à arrêter de cuisiner pour acheter de la nourriture toute prête. On ne mange plus en famille autour de la table, on bouffe sur le divan en regardant la publicité qui nous demande d'acheter plus en nous passant le message qu'on doit être malheureux si l'on n'a pas ce produit miracle, garant du bonheur.

Dans un pays où seulement 5 % des gens seraient prêts à voter pour un athée aux élections présidentielles, il n'est pas surprenant de constater que la religion est centrale pour les électeurs américains. Cette clientèle en est une de choix pour les gens comme Donald Trump.

Le concept du bullshit est merveilleusement expliqué ici, mais je vais tenter de résumer. Ceux qui bullshittent créent une réalité alternative où l'histoire est plus importante que la correspondance avec la véracité de l'histoire. Tout le monde sait que le pêcheur qui raconte sa pêche va distordre la réalité de manière à créer une histoire plus intéressante. Elle ne sera pas vraie, mais plus distrayante, étoffée, voire même plus mémorable, pour l'auditeur que la pêche réelle a pu l'être. C'est cette technique que Donald Trump a utilisée. Il a menti sur 70 % de ses affirmations et les gens ont aimé la bullshit qu'il a raconté. Les ignorants ont préféré la réalité alternative d'un message mensonger à celui d'une réalité qui colle avec les faits. Les gens aiment la religion parce que l'histoire les réconforte. Ils croient aux miracles (qui ne peuvent jamais être vérifiés) parce qu'ils trouvent l'histoire intéressante. Ils ignorent la réalité au profit d'un imaginaire qui leur sied.

Sérieusement, quoi de mieux que de vivre éternellement sans douleur en compagnie de ceux qu'on aime, des gentils alors que les méchants souffriront pour toujours. Qui ne veut pas ça ? Tout le monde aimerait ça, cela n'est pas vrai pour autant. Trump a été chercher ceux qui vivent dans l'illusion, ceux qui se réfugient dans les "téléréalités, ceux qui dévouent leur temps à débattre du Canadien 24/24h, ceux qui s'abrutissent de toutes sortes de façons.

En 2014, 30 millions d'Américains étaient sous antidépresseurs, c'est 10 % de la population, 16,3 millions ont un problème d'alcool. Ce n'est pas parce que ça va bien de toute évidence. Et là on ne parle pas encore des drogues illégales. 24,6 millions d'Américains avouent avoir consommé des drogues illégales en 2013. C'est une tentative de fuite de la réalité, une tentative pour créer un monde, un moment hors du monde réel. Je n'insinue pas que les gens avec des problèmes de dépendances soient ceux qui ont voté pour Trump. Ce que je crois, c'est que ceux qui tentent de fuir la réalité en créant, en croyant une réalité alternative sont ceux qui ont voté pour Trump. Ceux qui préfèrent l'histoire à la réalité ont voté pour Trump.

Au Québec, 14 % de la population était sous antidépresseur en 2009, 26 % de la population ayant des problèmes de dépendances en 2012. La population vote pour les libéraux alors que la Commission Charbonneau a démontré clairement l'étendue de la corruption gouvernementale. Pendant ce temps, les Québécois se tournent vers le Canadien de Montréal, les téléromans et achète à crédit le bonheur vendu par les publicités.

Pourquoi ? Une fuite de la réalité. Au lieu d'assumer ses erreurs, ses carences, ses manques, au lieu de faire de son mieux pour les corriger, on tente de les oublier, de s'évader.

Pour remédier à cela, la solution est simple : regarder les États-Unis et faire le contraire. Le mouvement populaire est anti élite. On appelle ça du nivellement par le bas. Il ne faut pas chercher des leaders qui ressemblent aux médiocres, aux déplorables, il faut que la population élève ses standards. Choisir des modèles qui méritent d'être imités. Si la population cherchait à comprendre la politique nationale et internationale, Trump n'aurait pas été élu, Couillard non plus. La solution passe par l'éducation. Pas seulement celle qui se passe à l'école, où là aussi on doit relever les standards (particulièrement au primaire-secondaire), mais surtout à la maison. Les gens doivent lire, s'informer, discuter, réapprendre à argumenter de manière logique. Apprendre comment le monde, les choses fonctionnent.

Parfois le hasard fait bien les choses. Je regarde l'Assemblée nationale, les débats au Parlement et je me dis : même à ce niveau, c'est mieux que le Québécois, le Canadien, l'Américain qui s'abrutit avec la bullshit de son choix. Le monde est complexe et l'accès à l'information ne le simplifie pas nécessairement, du moins en apparence. Il y a 100 ans, la plupart des interactions économiques et sociales s'effectuaient à moins de 10 km du domicile. Aujourd'hui, notre environnement quotidien, c'est la planète, pas 10 km de rayon. À nous de comprendre notre environnement comme nos aïeuls essayaient de comprendre le leur. Le défi est plus grand pour nous, mais nous avons plus d'outils. À nous de les utiliser.

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