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Homme de succès ou homme de valeur?

Quoi que puissent en penser certains, le fait d'être très gentil n'est pas un problème.
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Try not to become a man of success, but rather try to become a man of value. He is considered successful in our day who gets more out of life than he puts in. But a man of value will give more than he receives. - Albert Einstein

L'expression «les bons gars finissent derniers» est malheureusement devenue un truisme dans le monde des affaires, en politique, et même en amour. Cette expression synthétise bien les propos du marquis de Sade qui affirmait «que si le malheur persécute la vertu, et que la prospérité accompagne presque toujours le vice (...) il vaut infiniment mieux prendre parti parmi les méchants qui prospèrent que parmi les vertueux qui périssent».

Or, devrions-nous, comme le laisse sous-entendre Sade, accepter l'idée que le malheur persécute la vertu et que la prospérité accompagne le vice? En d'autres termes, que le seul choix réside entre la vertu et le succès?

Dans ce court texte, nous tenterons de répondre à ces questions.

Sur le marché du travail, «l'agréabilité» comme trait de personnalité est corrélé négativement avec le revenu. En d'autres termes, les personnes qui sont gentilles, empathiques, compatissantes, altruistes, modestes, prosociales et coopératives sont généralement moins bien payées et ont, par conséquent, moins de succès sur le marché du travail (état entendu que le salaire est la principale mesure objective du succès sur le marché du travail).

À l'inverse, pour les hommes (mais pas pour les femmes), la «désagréabilité» paie. Par exemple, les hommes qui ont une personnalité narcissique ou machiavélique (la triade noire) sont favorisés. Pourquoi en est-il ainsi? Simplement parce que l'«agréabilité» et la compétence sont perçus à tort comme mutuellement exclusifs.

Un trop grand degré de «désagréabilité» peut être associé à la psychopathie. Or, même les «psychopathes», qui sont par définition dénués de toute conscience morale, ont généralement beaucoup de succès sur le marché du travail, bien que leur succès relève davantage du style ou de la forme (à savoir leur habileté à charmer, à manipuler et à tromper) que de la substance (leur performance). Le professeur de psychologie à l'Université d'Oxford, Kevin Dutton, compare la psychopathie à une exposition aux rayons de soleil et suggère ainsi que la psychopathie (l'absence de conscience morale) à faible dose peut être bénéfique sur le marché du travail. Dit autrement, les gens qui sont dépourvus de conscience morale auraient de sages leçons à nous apprendre. Or selon Martha Stout, psychologue à Harvard, M. Dutton fait erreur et confond le narcissisme (qui peut être bénéfique à une certaine dose) avec la psychopathie (qui est toujours nuisible et destructrice).

Bien que certaines études semblent démontrer que sur le marché du travail être un homme de valeur est un handicap au succès, d'autres études tendent à démontrer le contraire à savoir que les hommes de valeur (les givers, ceux qui donnent plus qu'ils ne reçoivent) ont étonnamment beaucoup de succès. Par conséquent, la solution n'est pas de demander aux hommes de valeur de devenir cruels afin d'être mieux payés, mais plutôt, comme le mentionne Emma Seppala de l'Université de Stanford, de changer les normes du milieu du travail.

Ce changement exigerait notamment de démystifier l'idée pernicieuse selon laquelle l'«agréabilité» et la compétence sont mutuellement exclusifs et d'éliminer du milieu de travail les dirty dozen, c'est-à-dire les techniques agressives employées par ceux que le professeur Robert I. Sutton de l'Université de Stanford appelle volontairement les «trous de culs», à savoir notamment les insultes, les menaces, l'intimidation et le sarcasme.

Qu'en est-il en amour? Dans la conscience collective, les hommes de valeur finissent derniers, car les femmes auraient une attirance pour les bad boys, notamment les hommes qui ont une personnalité narcissique, machiavélique ou psychopathique (la triade noire).

Or, les études tendent à démontrer que bien que les femmes considèrent l'apparence plus importante que la gentillesse dans la recherche d'une relation à court terme, elles préfèrent la gentillesse à l'apparence et au statut social pour une relation à long terme.

Comme le mentionne Delroy L. Paulhus, professeur de psychologie à l'Université de Colombie-Britannique, la société humaine est tellement complexe qu'il existe différentes façons d'accroître son «succès reproductif» : certaines impliquent d'être gentil et d'autres d'être méchant. En conséquence, les propos de la blogueuse Isabelle Tessier sont empreints de sagesse :

«T'es le bon gars, le gentil. T'es celui qu'on voit dans les films et qui fait soupirer les filles parce qu'on en voudrait un comme toi dans nos vies (...) t'es un gentil et ça en prend des gentils! Ça en prend pour aimer, pour construire de belles relations saines (...) Ne cesse pas d'être gentil à cause des filles comme moi. Ne deviens pas un méchant, ne change pas ok? C'est à moi de changer, c'est aux filles comme moi de changer.»

Les hommes qui ont des mœurs, disait Jean-Jacques Rousseau, «sont les vrais adorateurs des femmes. Ils n'ont pas comme les autres je ne sais quel jargon moqueur de galanterie ; mais ils ont un empressement plus vrai, plus tendre, et qui part du cœur. Je connaîtrais près d'une jeune femme un homme qui a des mœurs et qui commande à la nature entre cent mille débauchés».

Conclusion

En introduction, j'ai cité le marquis de Sade qui laissait sous-entendre que dans ce monde, où les vertueux ne rencontrent que des épines alors que les méchants ne cueillent que des roses, il valait mieux prendre parti parmi les méchants qui prospèrent que parmi les vertueux qui périssent. Or, j'avais volontairement omis de citer le reste du passage dans lequel Sade mentionne que penser ainsi est un sophisme dangereux.

La vertu et le succès ne sont pas mutuellement exclusifs et il n'est donc pas nécessaire de renoncer à l'un pour jouir de l'autre. En revanche, un conflit est toujours possible. Par conséquent, l'homme de valeur doit nécessairement renoncer au succès à tout prix. En effet, seul un sophiste oserait résoudre ce conflit en laissant faussement prétendre que le succès est la règle du juste et de l'injuste et le critérium de la moralité.

L'homme de valeur accepte ainsi de renoncer au succès à tout prix afin d'honorer la dignité humaine en cultivant ce qu'il y a de meilleur en lui. Pour approfondir le sujet, cliquez ici. Quoi que puissent en penser certains, le fait d'être très gentil n'est pas un problème. À ce sujet, le psychiatre Pierre Mailloux disait :

«Le fait d'être très gentil n'est absolument pas un problème. Ça devient un problème si vous côtoyez des mauvaises personnes (...) Y'a certains êtres humains, dans leur caractère, qui ont comme caractéristique d'être très gentils de façon naturelle. Ce trait de caractère là va devenir problématique seulement si vous côtoyez des crétins, des mesquins ou des petites personnes. Ce qu'il y a beaucoup au Québec.»

Pour une version plus complète de ce texte avec toutes les références, cliquez ici.

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