Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

La peur du grand remplacement dans l'une des villes les plus blanches d'Amérique

Il s'agit de changements dans la douleur, qui étaient prévisibles et ne signent pas le retour d'une Amérique raciste, mais les contorsions d'une vieille Amérique qui disparait sous nos yeux.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.
Plutôt que de regarder les manifestations, je reste pour ma part impressionné par les décisions courageuses qui en sont à l'origine.
Joshua Roberts / Reuters
Plutôt que de regarder les manifestations, je reste pour ma part impressionné par les décisions courageuses qui en sont à l'origine.

Aujourd'hui, le monde est ainsi fait que c'est grâce à un lien de CNN, envoyé par mon petit-frère depuis le Cameroun, que j'ai pris conscience de l'actualité qui se déroulait dans ma rue, autour de moi, dans le campus de mon université, à Charlottesville où je vis depuis bientôt trois ans.

Sans lui, je ne l'aurais appris que par les ravages (sur les biens, les personnes et l'image de cette ville) causés et rapportés en continu dans la presse nationale américaine depuis plusieurs heures. Charlottes-VILE! a-t-on pu lire dans certains titres.

En effet, pour la deuxième fois en l'espace de deux mois des rednecks, ou pour le dire plus poliment des manifestants alt-right, ont pris d'assaut la ville universitaire de Charlottesville, pour crier leurs haines et leurs peurs, avers et revers de leur résistance au changement.

Il ne s'agit pas en effet de manifestations spontanées de racisme, mais d'actions de nature politique.

Les rues américaines sont suffisamment larges pour que tout le monde y manifeste sans se marcher dessus, alors j'aurais volontiers battu le pavé pour contremanifester... Mais le dilemme (commun à tout Noir: d'être éventuellement arrêté par la police ou ramassé par des fachos) posait comme issue possible de ma témérité de me retrouver à l'ombre avec un membre du Klan, si les choses tournaient mal.

Tout bien pesé, j'ai choisi de m'en tenir à l'ombre du chez-moi et de ne me faire valoir que par une avalanche de publications Facebook plus indignées les unes que les autres. Les individus les plus insupportables sont ceux qui fourrent leur gros nez épaté partout, sans se demander si ce faisant, ils versent de l'huile sur le feu. Pour hygiénique et intéressante que soit l'activité de marcher, ce week-end je m'en suis abstenu, s'il y a bien quelque chose de pire qu'un Noir, c'est un Noir importun.

La peur du «grand remplacement» comme en France?

Dans cette vidéo, les manifestants hurlaient "you won't replace us", j'ai désactivé le son parce que cela s'accompagnait d'autres paroles haineuses.

A priori, on ne peut que s'incliner avec toute la grâce possible devant des hommes et des femmes défendant leur patrimoine. Au-delà de cette manifestation, il faut se rappeler des événements récents qui nous y conduisent. Non pas pour la légitimer. Elle était légale et s'est délégitimée toute seule en attaquant à mort, à la voiture-bélier, la contre-manifestation pacifique qui avait lieu en plein jour au centre-ville.

À l'origine, il y a donc cette décision municipale de démanteler les statues d'esclavagistes et de confédérés qui toute leur vie les ont présentés comme des héros et des bâtisseurs.

À l'origine, il y a donc cette décision municipale de démanteler les statues d'esclavagistes et de confédérés qui toute leur vie les ont présentés comme des héros et des bâtisseurs. Cela aurait dans tous les pays du monde provoqué des tensions. Dans tous les pays du monde, cela aurait suscité de vives tensions et des dérapages.

Au Cameroun par exemple, malgré les aspirations du peuple à voir les statues de ses héros remplacer les statues des anciens administrateurs et gouverneurs coloniaux, les autorités n'ont jamais accédé à ce désir et ont enfermé et condamné les initiatives civiles visant à démanteler ces statues de la honte.

Il ne s'agit donc pas de crainte de «grand remplacement» à la Renaud Camus et Alain Finkielkraut. À tort ou à raison, ils défendent leur histoire, c'est à ceux qui ont amorcé les changements de ne pas céder et c'est aux autorités de mener encore plus rapidement le train de mesures correctrices d'une histoire lourde.

Plutôt que de regarder les manifestations, je reste pour ma part impressionné par les décisions courageuses qui en sont à l'origine.

Plutôt que de regarder les manifestations, je reste pour ma part impressionné par les décisions courageuses qui en sont à l'origine. Cette décision n'ayant pas été retirée, il est possible que des flambées de violence éclatent encore dans les mois à venir.

Il s'agit de changements dans la douleur, qui étaient prévisibles et ne signent pas le retour d'une Amérique raciste, mais les contorsions d'une vieille Amérique qui disparait sous nos yeux, mais qu'on ne voit pas changer, trop occupés que nous soyons à considérer Donald Trump comme la seule vérité actuelle au sujet de l'Amérique.

Enfin, ce n'est pas pour m'en réjouir, mais les cris de haine n'étaient pas des cris destinés aux seuls Noirs. Ils disaient en effet: «White lives matter» et «Jews won't replace us». Ce que cela prouve c'est bien que la seule différence entre l'esclave et l'homme libre est que l'esclave est pauvre et l'homme libre, riche. Ces manifestants disent leurs peurs, leur inconfort, mais ignorent qui sont leurs véritables ennemis: la finance, le système, les injustices sociales, qui jamais n'ont été le fait de pauvres comme eux.

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.