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La hausse vient renforcer les inégalités pourtant déjà flagrantes au Québec. En effet, obnubilés par le mensonge de l'égalité déjà-là, nous semblons oublier que les femmes, à travail égal, gagnent toujours moins que les hommes. En 2008, les statistiques du gouvernement du Canada démontraient que les femmes gagnaient en moyenne 71% du salaire des hommes. Donc, puisque les femmes, dans la majorité des cas, ont un statut économique précaire, demander à la population étudiante de faire sa juste part se résume à demander aux femmes de s'appauvrir davantage.
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Le 21 mars dernier, féministes et pro-féministes, suite à l'appel de l'Association générale étudiante du CEGEP du Vieux-Montréal, ont marché dans les rues de Montréal afin de dénoncer la récupération du féminisme lors de la manifestation du 8 mars, mais aussi pour aller occuper le bureau de la ministre Christine St-Pierre. Ceci, tout comme les analyses féministes de la hausse des droits de scolarité, a malheureusement eu peu de répercussions dans les médias.

En dépit d'un certain élargissement du débat entourant la hausse des droits de scolarité, il reste que le débat s'articule principalement autour de l'aspect économique et de ladite capacité à payer des étudiant.e.s. Or, il faut absolument ramener le débat autour de l'enjeu principal, c'est-à-dire l'égalité. L'égalité intergénérationnelle, certes, mais aussi, et surtout, l'égalité entre les hommes et les femmes.

Matérialiser l'égalité

L'éducation a toujours été un enjeu central au mouvement féministe. L'éducation, droit fondamental, outre de permettre l'acquisition de connaissances et des compétences, rend possible le développement d'une conscience sur ses droits; elle appuie l'indépendance économique; elle renforce la confiance en soi; elle favorise l'émancipation et la liberté. Encore aujourd'hui, en dépit des avancées importantes entourant l'accessibilité à l'instruction publique, les féministes se mobilisent afin de matérialiser l'égalité. D'ailleurs, la FFQ, l'IREF, l'Institut Simone de Beauvoir et d'autres groupes féministes, mais aussi des syndicats, ont pris position contre la hausse des droits de scolarité.

Périodiquement, à des fins électoralistes, le gouvernement libéral nous rappelle que l'égalité entre les sexes est un pilier central de la société québécoise (rappelons-nous le débat sur les accommodements raisonnables!). Or, les politiques néolibérales orchestrées par nos gouvernements conservateurs viennent directement miner l'égalité entre les hommes et les femmes.

Étudier maintenant, payer plus tard

En fait, la hausse vient renforcer les inégalités pourtant déjà flagrantes au Québec. En effet, obnubilés par le mensonge de l'égalité déjà-là, nous semblons oublier que les femmes, à travail égal, gagnent toujours moins que les hommes. En 2008, les statistiques du gouvernement du Canada démontraient que les femmes gagnaient en moyenne 71% du salaire des hommes. Donc, puisque les femmes, dans la majorité des cas, ont un statut économique précaire, demander à la population étudiante de faire sa juste part se résume à demander aux femmes de s'appauvrir davantage. En fait, l'étudiante, gagnant moins durant ses études, contractera une dette plus importante que l'étudiant au cours de celles-ci. Le diplôme en main, en raison de son taux d'endettement, la femme aura payé davantage sa scolarité. Finalement, une fois diplômées, les femmes sont souvent confinées dans des ghettos d'emplois dans lesquels les conditions salariales et de travail sont fragiles. À cet égard, faire miroiter à une étudiante que sa vie professionnelle sera lucrative est en partie mensonger puisqu'elle gagnera, tout au long de sa vie, 863 268$ de moins qu'un homme titulaire du même diplôme, selon la Fédération étudiante universitaire du Québec. Ne pas appliquer une analyse différenciée selon les sexes aux politiques sociales a de grands impacts sur les femmes. Ainsi, « investir dans son avenir », d'un simple point de vue individuel, revient à demander aux femmes de perpétuer l'écart entre les hommes et les femmes.

Dans cette ère néolibérale, la hausse des droits de scolarité jumelée au démantèlement des programmes sociaux renvoient aux femmes les responsabilités de l'État. Pauvres et surchargées, les femmes refusent de s'appauvrir davantage. Présentée comme une solution rationnelle, la hausse des droits de scolarité reflète davantage un appauvrissement collectif puisqu'il s'agit bel et bien de restreindre l'accès aux femmes à l'éducation supérieure et, ultimement, à leurs enfants. Ceci est particulièrement vrai pour les familles monoparentales dont 80% des chefs sont des femmes.

L'égalité entre toutes les femmes

En plus de creuser le fossé entre les hommes et les femmes, la hausse des droits de scolarité renforcera les inégalités entre les femmes. Déjà aux prises avec des enjeux sociaux importants, les communautés autochtones seront particulièrement affectées par la hausse de 75% des droits de scolarité. En effet, selon Statistique Canada, en 2006, seulement 9% des femmes autochtones âgées de 25 ans et plus détenaient un diplôme universitaire comparativement à 20% chez les femmes non autochtones. Cet écart est considérable. Restreindre l'accessibilité aux études perpétuera le cycle de la pauvreté chez les femmes autochtones, déjà marginalisées.

Le gouvernement affirme que la hausse des droits de scolarité est nécessaire afin d'être compétitif au niveau mondial. Or, le système universitaire mondial actuel est déjà marqué par la compétitivité et la hiérarchie. La non-reconnaissance des diplômes est une problématique importante qui doit être ramenée dans le débat actuel. En 2006, 31,4% des femmes immigrantes (12,6% de la population féminine au Québec) détenaient un diplôme universitaire contre 22% des Québécoises. Or, chez la population féminine immigrante, le chômage est 11 fois plus élevé que chez les Québécoises. Déjà précaires, l'État québécois demande à ces femmes de s'appauvrir encore davantage.

Politique sexiste

Devant ce survol de la problématique vue d'une perspective féministe, il est tout à fait à propos d'affirmer que cette hausse est sexiste et minera l'égalité entre les hommes et les femmes. Cette politique sans précédent est un signe clair du manque de volonté politique de la part du gouvernement d'atteindre réellement l'égalité et de mettre fin à la reproduction d'un système injuste.

La hausse, un choix de société?

Plus de 200 000 étudiant.e.s. sont actuellement en grève, et le mouvement prendra encore de l'ampleur, au cours des prochains jours. Dire que c'est un choix de société, c'est fausser le débat, puisqu'un choix sous-entend un débat, un dialogue. Or, le gouvernement refuse de discuter avec les étudiant.e.s. et leurs alliés. La hausse des frais n'est pas incontournable. Une des solutions proposées par les mouvements étudiants repose sur la redistribution de la richesse, soit par les impôts ou par les redevances aux compagnies minières et aux entreprises, la part des sociétés dans l'assiette fiscale ayant grandement fondu au cours des trente dernières années pour des raisons idéologiques, portant ce fardeau additionnel sur le dos du contribuable moyen. Partager ces richesses qui, elles, n'ont pas disparu relèverait d'une politique « juste » et égalitaire pour tous et toutes.

Les femmes se sont battues pour l'accès à l'éducation, nous nous battrons encore. Québécois et « Québécoises debouttes » contre un Québec de plus en plus inégalitaire! Et comme le disait déjà Éva Circé-Côté en 1920 : « les insoumis sont les vrais libérateurs. »

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