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Comment élever un enfant féministe dans un monde genré

«Élever un enfant pour être féministe, c'est lui donner le choix, lui laisser la liberté d'être lui-même.»
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Les stéréotypes de genre sont partout. Dans les livres, les médias, les jouets, jusque dans les commentaires irréfléchis de certaines personnes. Ils sont imposés et incrustés dans l'esprit de nos enfants, à mesure que ceux-ci avancent dans le monde qui les entoure.

C'est un champ de mines dans lequel il nous faut naviguer si nous voulons élever nos filles, et nos garçons, pour devenir féministes.

Ces clichés commencent dès la naissance: rose pour les filles et bleu pour les garçons. Les filles sont jolies ou belles. Les garçons sont intelligents ou malins. Les garçons doivent être des meneurs, dynamiques; les filles doivent se garder d'être autoritaires. Les garçons sont encouragés à se conformer à l'idéal toxique de virilité qui les pousse à devenir des "casse-cous", tandis que les filles doivent être polies et patientes, bien-élevées et élégantes.

En tant que mère de trois filles, j'y fais très attention. J'ai grandi en Inde, avec deux sœurs, dans une culture qui ne valorisait pas les femmes. J'ai vécu en personne ce que c'est d'être considérée comme le "deuxième sexe". J'ai grandi en apprenant à défendre mon territoire, à relever les préjugés et les clichés de mon entourage

L'une des sept femmes dans une classe de quarante étudiants en architecture, j'ai dû faire face aux commentaires de mes camarades masculins qui soutenaient que les femmes ne faisaient qu'occuper la place d'un homme qui en avait vraiment besoin, dans la mesure où nous nous marierions puis quitterions la profession. Ca a été vraiment douloureux: j'avais étudié et travaillé aussi dur que n'importe qui pour en arriver là. La culture de ces hommes les conditionnait à croire que leur opinion avait davantage d'importance.

Je suis devenue une rebelle du genre. J'ai décoré la chambre de mes filles en jaune plutôt qu'en rose ou bleu. J'ai choisi leurs vêtements dans le rayon garçon, des tons neutres et des salopettes, plutôt que de petites robes roses. Je leur ai offert des petits camions, des blocs et des ballons de football, des livres sur les dinosaures, les planètes et les oiseaux.

Je les ai aussi entourées de microscopes et de bouliers, essayant ainsi de leur inculquer l'amour des sciences et des maths, comme celui des arts et des travaux manuels. Je leur ai raconté des histoires de filles rebelles et me suis assurée qu'elles voyaient leur père effectuer autant, sinon plus, de travaux ménagers. S'occuper d'elles n'était pas une tâche masculine ou féminine. Je dirige des ateliers sur les genres et le sexisme dans les écoles pour encourager les enfants à discuter et à débattre des préjugés et des stéréotypes de genre.

Il faut que les filles sachent qu'être féministe, c'est exiger et s'attendre à l'égalité. Pas renoncer à sa féminité. Les dirigeantes peuvent être jolies.

Alors imaginez mon état d'esprit quand soudain, mes filles décident de porter cet unique T-shirt rose à paillette et à motif de licorne qu'elles ont reçu pour leur anniversaire, qu'elles veulent se promener avec un sac à main sorti d'on-ne-sait-où et jouer à "mettre leur nounours au lit"! Comment réagir quand mes filles sont obsédées par le rose et le violet, les tutus et les couronnes?

Je grimace, je désespère et je me sens coupable. Peut-être leur ai-je communiqué une image subliminale de la manière de se conduire en fille. Je repense et réévalue mes propres actes. Peut-être n'en ai-je pas fait assez pour élever des filles féministes.

Et c'est à ce moment-là que nous devons faire attention à ce qu'en cherchant à éduquer nos enfants de manière à briser les barrières entre les genres et à réformer les normes sociales, on ne leur impose pas nos propres préjugés, nos propres choix et idées, de façon si rigide qu'ils n'aient plus la liberté d'explorer leurs propres sentiments et leurs propres souhaits.

Il est important d'enseigner à nos enfants, filles ou garçons, à voir au-delà des stéréotypes de genre. Mais il est tout aussi essentiel de leur laisser la liberté d'explorer leurs propres choix en dehors de ces paramètres et de ces cases. En grandissant, on leur dira maintes fois ce qui est bien et ce qui ne l'est pas, ce qu'il faut penser et ce qu'il faut ressentir. Notre rôle de parent est de les aider à avoir confiance en leurs propres instincts et à se fier à leur jugement.

Tant que nous sommes capables de discuter avec eux des avantages et des inconvénients d'être une princesse, de la raison pour laquelle les couleurs ne sont pas représentatives d'un certain genre, et de la manière de s'exprimer sans ressentir le besoin de se conformer à ce que disent nos pairs, nous pouvons leur insuffler la résilience et la force qui les aidera à se battre pour leurs croyances.

Il faut que les filles sachent qu'être féministe, c'est exiger et s'attendre à l'égalité. Pas renoncer à sa féminité. Les dirigeantes peuvent être jolies. Elles peuvent aussi porter du rose et des tutus si elles le veulent. Les filles ont le droit de choisir d'être des princesses, pourvu qu'elles sachent qu'elles peuvent conquérir le monde et prendre en main leur destin sans attendre qu'on vienne les délivrer.

Élever un enfant pour être féministe, c'est lui donner le choix, lui laisser la liberté d'être lui-même. Tant que nos enfants ont des modèles sous les yeux ­– et nous discutons activement avec les nôtres de toutes les occurrences de stéréotype de genre – ils ont le droit d'être des princesses ou des pirates.

J'apprends à me faire confiance, et à faire confiance à mes enfants.

Ce blog, publié à lʼorigine sur le HuffPost britannique, a été traduit par Lison Hasse pour Fast for Word.

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