Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

La contre-culture

Pour plusieurs, adhérer à une «contre-culture» serait une façon de refuser de faire partie de la «masse», du «conformisme».
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Pour faire simple, la contre-culture est un concept qui peut être défini comme une pratique, une attitude ou un comportement visant à dénoncer, à contester ou à renverser la culture dominante, qui peut quant à elle être définie comme la culture établie et la culture répandue. Pour illustrer ces concepts, un exemple provenant des pratiques de consommation peut être utilisé.

L'Occident est parfois caractérisé comme étant une société de consommation. Les Occidentaux consommeraient de manière excessive et cela aurait des impacts néfastes sur plusieurs plans, dont sur le plan environnemental. Dans ce cas, la consommation excessive serait un aspect central de la culture dominante et une forme de contre-culture serait une pratique visant à réduire de façon notoire sa consommation, comme la simplicité volontaire.

C'est cette opposition à la culture dominante qui explique d'ailleurs l'utilisation du terme «contre». En quelque sorte, la logique est alors qu'en adoptant des pratiques, des attitudes et des comportements ou en effectuant des actions contraires à celles qui alimentent la culture dominante, cette dernière sera ébranlée et une nouvelle culture émergera. Dans le cas de la simplicité volontaire, la logique est donc que moins les individus achèteront, moins les individus s'endetteront, moins les entreprises produiront, moins il y aura de gaspillage, moins il y aura d'impacts négatifs sur l'environnement, etc. La contre-culture se veut par conséquent un agent de changement social.

Or, un des premiers problèmes de la contre-culture, c'est qu'elle n'est pas en réalité subversive, à savoir qu'elle ne représente pas une menace pour le «système», pour la culture dominante. Elle n'est pas subversive, car la capacité de résilience du «système», c'est-à-dire sa capacité à encaisser les coups, à s'y adapter et même à les utiliser à son avantage, semble infinie.

Plusieurs groupes de musique phares des années 1960 et 1970 critiquaient la distribution inéquitable de la richesse et la société de consommation tout en clamant l'absurdité du système capitaliste. Ironiquement, leur popularité et celle du mouvement dans lequel ils s'inscrivaient ont fait en sorte qu'ils ont vendu des millions d'albums, d'affiches, de chandails et de marchandises de toute sorte. Les membres de ces groupes sont désormais millionnaires, continuent de vendre des milliers d'albums et d'accessoires parallèles et réclament des cachets faramineux pour donner des prestations. Cela indique deux possibilités par rapport à leur idéologie : elle n'était pas honnête dès le départ ou bien le « système » a été capable de l'utiliser à son avantage.

Les grandes chaînes de restauration rapide ont longtemps été critiquées en raison de leurs politiques d'achats. Le mouvement des achats responsables, par exemple l'achat des produits équitables ou locaux, avait indirectement comme objectif de déstabiliser ces grandes chaînes. La logique était donc qu'en privilégiant les produits responsables, les individus n'iraient plus dans ce genre de restaurants. Or, plutôt que d'être déstabilisées, ces chaînes de restauration ont su intégrer le mouvement à leurs pratiques. Non seulement elles n'ont pas connu de baisse de clientèle, il est désormais courant d'y retrouver du café équitable ou des produits locaux. La critique a été absorbée par les restaurants, et ce, à leur avantage.

Cette énorme capacité de résilience face aux secousses représente l'un des aspects du système capitaliste. Ce dernier possède une aptitude considérable, voire infinie, à s'adapter à tout ce qui vise à l'ébranler ou à le changer. Au final, il en ressort souvent encore plus fort. Il est un peu comme un monstre mythique qui se nourrirait de l'âme de ses adversaires pour devenir encore plus puissant.

Un deuxième problème de la contre-culture est que, si bien intentionnée soit-elle, elle est surtout esthétique, donc soumise aux lois de la mode et de la tendance. Elle est par le fait même éphémère. Les différentes tendances vestimentaires ou corporelles qui se veulent subversives en témoignent. Qui n'a pas déjà vu ou entendu parler d'une femme qui ne se rase pas les jambes ou les aisselles en prétendant que cela est une forme de résistance à la société patriarcale et sexiste dans laquelle nous vivons? Pour une femme, ne pas se raser représenterait alors une forme de résistance à la culture dominante, une façon de dénoncer les modèles sociaux et les normes. Pourtant, on voit mal comment une telle action pourrait en vérité constituer une menace pour le «système», à moins de prétendre que la pilosité affichée des femmes modifiera à long terme les rapports de sexe, ce qui est discutable. Il n'est pas nécessaire de multiplier les allusions, mais celle des cheveux en dreads est intéressante. L'origine de cette coupe de cheveux n'est évidemment pas occidentale. Elle a par contre été très populaire il y a quelques années auprès des hippies, des punks et des activistes. Avoir cette coupe de cheveux représentait supposément la rébellion. Comme dans l'exemple précédent, on voit mal comment une coupe de cheveux peut être subversive pour le «système». Une coupe de cheveux peut-elle renverser un gouvernement? Peut-elle inciter à modifier des lois? Peut-elle avoir un impact sur l'économie?

Les effets contradictoires et ironiques de la contre-culture sont d'autres problèmes courants qui l'empêchent encore une fois d'être subversive. Le cas des groupes de musique mentionné précédemment le démontre. Des jeunes se rendent à un spectacle d'un groupe de musique punk dénonçant la société de consommation et y achètent des chandails, des affiches et des vidéos. Il est aussi possible d'évoquer le fameux portrait de Che Guevara. Se voulant au départ un icône révolutionnaire dénonçant le capitalisme, il est aujourd'hui imprimé sur des millions de chandails vendus à travers le monde.

Pour plusieurs, adhérer à une «contre-culture» serait une façon de refuser de faire partie de la «masse», du «conformisme». Le hippie, le punk, le gothique, le skinhead et d'autres styles refusent d'être dans le «moule» et veulent s'en distinguer. Leurs modes de vie, leurs valeurs et leurs habillements représenteraient alors un pied de nez à la culture dominante. En réalité, ils se recréent leur propre conformité, en adhérant à une sous-culture dans laquelle il y a tout autant de normativité.

En résumé, oui la contre-culture peut être un refus de la culture dominante et un refus des normes et des valeurs sociales répandues. Une chose apparaît par contre évidente : la contre-culture n'est pas subversive. Elle ne l'est pas en raison des capacités de résilience du «système». Les structures et les ramifications de la société moderne, dont le capitalisme sur lequel elle repose, pourront toujours absorber les critiques et même s'en nourrir. La contre-culture n'est également pas subversive, car elle est aussi culture, donc soumise aux tendances, aux modes et à leurs côtés éphémères. Le «système» n'a pas eu peur des pantalons pattes d'éléphant, ni des nez percés, ni des jeans délavés. Il n'a pas peur de l'esthétisme.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Avril 2018

Les billets de blogue les plus lus sur le HuffPost

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.