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Préoccupations climatiques ou PréOccupations Doubles?

Si jamais, à la fin de mon prochain rendez-vous chez le dentiste, on me demande de choisir entre une brosse à dents rouge et... une brosse à dents rouge, je vais probablement être ébahi face à l'illogisme de la question! Je vais sans doute penser que mon dentiste est devenu fou!
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Notre système politique trouve sa légitimité démocratique, notamment, lors des campagnes électorales. Les citoyens ont alors le droit, et je dirais même le devoir, d'aller aux urnes. Ils y choisiront le député qui les représentera à la Chambre des communes selon ses convictions, ses principes, ses valeurs, ou les engagements de son parti.

Mais qu'arrive-t-il lorsque les citoyens n'ont pas réellement le choix? Qu'arrive-t-il lorsque tous les partis, ayant des chances de former le prochain gouvernement, se positionnent de la même façon face à un enjeu? Qu'arrive-t-il lorsque ces partis, dont ceux se disant environnementalistes, ne rejettent pas l'idée d'exploiter le pétrole le plus polluant du monde?

Si jamais, à la fin de mon prochain rendez-vous chez le dentiste, on me demande de choisir entre une brosse à dents rouge et... une brosse à dents rouge, je vais probablement être ébahi face à l'illogisme de la question! Je vais sans doute penser que mon dentiste est devenu fou!

Pourtant, c'est cette question à laquelle on nous demande de répondre le 19 octobre! Malgré la ressemblance frappante entre ces deux situations, celles-ci ne sont pas identiques. En effet, depuis le début de la présente campagne électorale, je ne trouve pas que les politiciens sont fous. Au contraire, je trouve qu'ils sont très rusés, et très manipulateurs. Manipulateurs ou manipulés? Force est de croire que l'un ne vient pas sans l'autre actuellement. Il faut se rendre à l'évidence. Lorsqu'aucun des chefs des partis les plus notoires n'ose s'attaquer au projet de Transcanada. Lorsque plusieurs de ces chefs brandissent de concert l'excuse de la création d'emplois, alors que les énergies renouvelables en créent sept fois plus. On constate rapidement que quelque chose ne tourne pas rond.

Je vais vous donner quelques chiffres que je détiens du livre de Naomi Klein, Tout peut changer. Vous ferez vos déductions par vous-mêmes par la suite. De 2008 à 2012, l'Association canadienne des producteurs pétroliers a eu 536 échanges avec des représentants du gouvernement fédéral, Transcanada en a eu 279 et, pendant cette même période, Réseau Action Climat, «la plus grande coalition à réclamer une réduction des émissions» en a eu... 6. Quand on dit que les chiffres parlent...

Malheureusement, ce n'est pas le seul exemple flagrant des malaises que vit actuellement notre système politique. Au cours de cette campagne électorale exceptionnellement longue, les chefs des partis tentent de prendre le moins de positionnements politiques possible. La campagne électorale actuelle a des allures de téléréalités, où on tente de vendre des personnalités et des images plutôt que de défendre des idées. Et je n'exagère que très peu, car, c'est vrai, disons-le, nos politiciens ne font qu'effleurer des débats de société, se contentant de rester en surface. Comme si prendre position sur un enjeu polémique était devenu tabou pour l'élite politique. Belle ironie ! Ceux qui demandent aux citoyens de se faire payer et de se faire choisir pour les représenter selon les prises de positions qu'ils souhaitent défendre tentent de se faire élire en affichant le moins possible ces mêmes prises de position.

Par exemple, plusieurs de nos politiciens ne veulent pas choisir entre écologie et économie, affirmant que les deux sont interdépendants alors que c'est faux - dans leur état actuel, je dirais, au contraire, qu'ils sont nuisibles l'un à l'autre. Si on veut sauver le système économique actuel et sa croissance infinie, l'environnement en prendra un coup qui sera catastrophique pour la faune, pour la flore et pour l'humanité. Si on veut sauver l'environnement, et nos vies, notre économie devra changer de fond en comble. Je ne vois pas signe d'interdépendance dans cela. Les politiciens valsent donc entre ces deux principes, tentant d'attirer le plus d'électeurs possible des deux sphères sociales.

Par ailleurs, nos politiciens veulent défendre simultanément la liberté et la sécurité des citoyens canadiens. Mais en même temps, ils ne veulent pas trop insister sur les mesures qu’ils planifient prendre pour y parvenir, de peur de pencher trop du côté de la liberté, ou trop du côté de la sécurité. On pourrait les comparer à des prétendus funambules se targuant d’être capables de garder l’équilibre sur un fil, sans pour autant nous en faire la démonstration. Effectivement, depuis le début de la campagne électorale les différents partis veulent nous rassurer, mettant davantage l’accent sur l’équilibre entre libertés fondamentales et sécurité nationale que sur les moyens concrets pour défendre ces deux valeurs. Certes, à la suite du projet de loi C-51 du gouvernement Harper, quelques partis d’opposition - principalement le Bloc québécois et le Parti libéral du Canada - ont proposé des amendements, d’une précision notable, pour améliorer ce projet de loi, mais depuis le début de la campagne électorale, ils ne détaillent que très peu ce qu’ils comptent faire pour nous protéger et protéger nos libertés. Au débat du magazine Macleans par exemple, le chef du Parti libéral Justin Trudeau n’a fait que mentionné qu’il appuyait le projet de loi C-51, et qu’il souhaitait « apporter la surveillance adéquate que nos alliés des Cinq Yeux ont tous par des législateurs élus au-dessus de nos agences nationales de sécurité […], apporter une clause de révision, et s’assurer que [son parti précise] les définitions», plutôt que d’expliquer en détail et en profondeur ces différentes propositions. Peut-être qu’on ne veut pas trop préciser les mesures qu’on projette parce qu’on mettrait alors en lumière les imperfections que comportent celles-ci ? Mais peut-être que préciser ces mesures, quitte à mettre en lumière leurs défauts et à tenter de les résoudre, relève beaucoup plus de la démocratie ? Parce que jusqu’à maintenant, on promet un juste milieu entre deux valeurs, sans expliquer concrètement comment on compte l’obtenir et on demande littéralement aux électeurs de nous élire sur des promesses en l’air ! Dans ce sens, bien que leurs définitions sont parfois vagues et que leurs explications comportent certains flous, les Conservateurs sont les seuls qui nous expliquent ce qu’ils ont l’intention de faire s’ils sont élus en matière de sécurité intérieure. En effet, depuis le début de la campagne électorale, hormis le Parti conservateur, aucun autre parti n'a présenté, et expliqué, des actions qu’il projetait mener, s’il prenait le pouvoir, pour lutter contre la menace terroriste en territoire canadien. Et encore, permettez-moi de douter que le Parti conservateur ait réellement tenté de trouver l’équilibre entre la sécurité et les libertés fondamentales !

On ne parle pas trop non plus du statut du Québec dans le Canada. On n’en a pas beaucoup entendu parlé depuis le début de la campagne électorale. On ne nous promet pas, à nous, Québécois, le statut particulier que nous réclamons depuis l’accord du lac Meech et qui a causé l’échec de ce dernier; on n’aborde pas trop le sujet, l’électorat québécois leur étant trop précieux, tout comme l’électorat de l’Ouest. En promettant ce statut, on décevrait plusieurs provinces occidentales, et en ne le promettant pas on décevrait un grand nombre de Québécois. Alors on se tait, on n’en parle pas. Ou, si on s’appelle Justin Trudeau ou Stephen Harper on n’en reparle pas, espérant que cette question ne refasse pas surface pour nous mettre des bâtons dans les roues dans notre campagne électorale québécoise. Si on s’appelle Thomas Mulcair on promet « une vraie place respectueuse et respectée pour le Québec au sein du Canada». Autant dire qu’on ne promet rien du tout !

Le Nouveau Parti Démocratique s’est d’ailleurs trouvé dans une situation similaire concernant les sables bitumineux de l’Alberta. Sachant qu’une bonne partie des électeurs québécois étaient opposés à ce projet, et que bon nombre de Canadiens de l’Ouest l’approuvaient, on pèse nos mots, ne rejetant pas le projet d’oléoduc d’Énergie Est, sans pour autant l’approuver. Habile, le chef du NPD s’en sauve en affirmant qu’il fera faire une évaluation environnementale du projet et que son parti prendra une décision par la suite. Ainsi, il peut reporter sa décision après… les élections ! Il aura alors le beau jeu, les électeurs lui ayant donné le mandat de prendre une décision après cette évaluation il pourra s’appuyer sur cette élection pour justifier sa décision au moment opportun. Je dois avouer que la stratégie peu sembler prometteuse. En restant toujours entre les deux camps d’un débat, on ne contredit aucun de ces derniers. On peut donc croire qu’on a des chances d’attirer des électeurs de ces deux partis. Cependant, la réalité est tout autre. En voulant rester dans les deux camps, on se rend vite compte qu’on fait partie d’aucun d’eux. En tentant de plaire à tout le monde, on finit par ne satisfaire personne.

Bref, le 19 octobre, il nous reste toujours l’option de voter pour le Bloc québécois qui s’oppose au projet Énergie Est, non pas, parce qu’il exploite un pétrole émettant extrêmement de gaz carbonique alors qu’on devrait rapidement nous tourner vers des énergies renouvelables, mais principalement parce que ce projet menace les cours d’eau québécois, parce qu’«il n’y a pas de rentabilité» pour le Québec, parce que «les Premières nations ne sont pas consultées» et parce que « les Québécois doivent avoir le dernier mot» . Mais bon, il faut choisir nos batailles, et je ne reprocherai pas à ce parti de n’avoir pas mentionné une des raisons que j’espérais pour s’opposer à ce projet.

Si on veut s’opposer à Énergie Est, le Bloc constitue toujours une alternative électorale pour les Québécois. Mais cette formation politique n’a aucune chance de former le prochain gouvernement. Plusieurs Québécois, par peur de diviser les votes, ne voudront donc pas voter pour ce parti craignant la réélection d’un parti conservateur par souci des droits humains ou de la diplomatie. Et les fédéralistes québécois…? Et les Canadiens des autres provinces…? Pour quel parti voteront-ils s’ils sont opposés à ce projet controversé d’exploitation pétrolière ? Ils seront probablement forcés de voter pour le moins mauvais des partis fédéraux. Mais lorsqu’on vote de cette façon, ne peut-on pas dire que notre système politique présente certaines lacunes ? Le pouvoir au peuple est-il véritable, lorsque les citoyens doivent choisir un représentant pour être le porte-parole de leurs convictions et de leurs opinions parmi une panoplie de représentants ne représentant pas leurs convictions ?

D’ici le jour du scrutin, on peut continuer à nous apitoyer sur notre sort. On peut tenter de trouver le parti que nous endurions le mieux s’il était au pouvoir. On peut trouver le parti qui se rapproche le plus de nos façons de penser, en oubliant les divergences d'opinion que nous avons avec celui-ci. On peut continuer dans cette façon de concevoir la politique et la démocratie pendant des décennies durant lesquelles la crise du climat deviendra de plus en plus éminente. Ou, on peut décider de changer. On peut décider de réclamer ce que nous voulons vraiment. On peut revendiquer que les partis fédéraux s’opposent à ce projet qui nous précipiterait que plus rapidement vers le précipice. On peut réellement décider de vivre dans une démocratie en santé en exerçant notre liberté d’expression pour s’opposer à ce projet pétrolier et revendiquer que les partis fédéraux se positionnent réellement sur les différents enjeux de premier plan pour le futur de notre pays s’ils souhaitent se faire élire. On peut inverser la tendance, à coup de lettres ouvertes, de manifestations, d’initiatives populaires comme l’Élan global, et en faisant entendre nos voix dans les divers évènements des différents partis politiques. Le vent peut et doit tourner, au nom du bien-être de la démocratie, au nom de l’avenir de l’humanité, au nom de nos enfants et de nos futurs enfants.

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