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À la recherche du jardin d’Éden: un jardin d’Éden allégorique, la relation homme-femme

Bien d’autres enseignements peuvent être retirés du récit du Jardin d’Éden et il n’est pas étonnant qu’il ait suscité autant d’intérêt chez les exégètes et les linguistes.
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Erastus Salisbury Field - Wikimedia Commons

L'hypothèse à l'effet que les langues anciennes furent le plus souvent monosyllabiques, et que les mots voulant exprimer des notions plus avancées ont eu recours à ce que l'on pourrait qualifier de combinaison de mots distincts semblerait correspondre à une évolution naturelle des parlers primitifs et primaires. En outre, un mot n'est pas sans évoquer d'autres mots similaires véhiculant des notions ou des connotations d'idées sous-jacentes. Le récit du Jardin d'Éden, dont la tradition doit vraisemblablement remonter à la plus haute Antiquité, fut de surcroît abondamment étudié et commenté au fil des âges. Le mythe qu'il véhicule a fasciné toute l'humanité. Aussi, les associations à caractère linguistique revêtent une importance particulière en ce qui a trait au subconscient si ce n'est le conscient du lecteur, de l'interprète ou de l'exégète. L'humanité en quête de direction a souvent trouvé refuge et cherché des réponses dans une lecture obsessionnelle de la Bible, lecture qui a fini par mouler des esprits et donner des schèmes de pensée à l'être humain. Le langage est plus qu'un simple médium composé de termes et de règles. Il revêt un ensemble de symboles culturels et d'associations si profondément ancrés, que l'on en est arrivé à ne plus en être conscient. Dans les cultures inspirées de la Bible, la conception et la compréhension de l'être au sein de l'Univers sont tributaires de la Bible en général, et de ce texte en particulier.

Adam et Ève

L'homme a été façonné à partir de la «poussière du sol». Il a été créé et le radical hébraïque du verbe utilisé a également une signification d'instinct. Ses instincts attisent ses mauvais penchants: «car l'instinct de l'homme est mauvais dès sa jeunesse (Genèse 8-21). » Il est à remarquer que lors de la création d'Ève, le terme utilisé dérivant du radical hébraïque signifiant bâtir ou construire se rapproche des termes dérivés dont le sens est «comprendre. »

La Bible commence par une ambiguïté: la femme est faite pour être une «aide contre l'homme (Genèse 2-18)». Beaucoup interprètent ceci comme étant un aspect du défi posé par la femme qui va aider l'homme à s'accomplir, ou encore de la nécessaire opposition qui permet de renforcer le couple. Après l'expulsion du Jardin d'Éden, Ève devra enfanter dans la douleur et il est précisé: «Vers ton homme ton désir, et il te gouvernera (trouvera exemple en toi – Genèse 3-16). » L'homme trouvera en la femme énigme et exemple. La femme dont l'intuition est sous-entendue alors qu'elle est bâtie (radical hébraïque qui peut être rapproché du verbe comprendre) va donc refléter à l'homme une perception qui va lui permettre d'en arriver à une meilleure synthèse de la réalité. Ève devra abonder en souffrance (tristesse, sensibilité, adulation). En plus d'être intuitive, la femme sera plus vulnérable de par sa sensibilité plus prononcée. Elle modèlera la vie et suscitera admiration, convoitise et même adulation. Ce sont là autant d'éléments de la féminité. Par la continuité biologique, elle régénérera la renaissance de la dimension humaine naturelle, crue, faisant miroiter ainsi une facette fraîche de soi, et une prise de conscience de la réalisation de soi.

Notons qu'Ève prend le temps de voir, d'admirer, de toucher le fruit défendu avant d'en manger, alors qu'Adam semble obéir à l'appel de ses instincts, car, aussitôt que le fruit défendu lui est offert, il en mange. Le jugement et le discernement de la femme sont autrement plus développés, et il en découle un sens des responsabilités plus marqué. Si l'on conçoit la création comme une progression allant du chaos initial au monde minéral, végétal, animal pour culminer à l'humain, la femme en représente la forme la plus complexe et la plus développée.

Une inconsistance linguistique

Quel sens donner alors au but premier «travailler et garder» le Jardin d'Éden (Genèse 2-15 ) ? Le rôle de l'homme semble s'apparenter bien plus à celui d'un jardinier qu'à celui d'un cultivateur. Travailler (observer ou servir YHWH) et garder (protéger, préserver, observer dans le sens de respecter), semble de prime abord se référer au Jardin d'Éden si ce n'est que l'inversion de genre du masculin au féminin dans le texte hébreu permet une relecture du texte comme suit: YHWH Élohim dépose Adam dans le Jardin d'Éden pour la travailler et la garder (noter le changement du genre, alors que le jardin est décliné au masculin dans les versets 3-6 et 3-13). Quoique la référence au jardin semble être l'explication la plus plausible, il n'en reste pas moins que l'on ne retrouve que par deux autres fois le mot jardin au sens féminin dans la Bible (Jérémie 28-5, 28-28).

Il arrive également que l'on se réfère à YHWH Élohim au féminin, mais dans un contexte littéraire tout à fait différent, tout comme dans la liturgie. Ceci pourrait nous amener à la lecture distincte qui suit: l'homme a été placé au Jardin d'Éden pour servir YHWH Élohim et le respecter. Il y aurait à cet égard une similarité avec la tradition sumérienne pour qui l'homme doit être au service des dieux.

Le genre féminin pourrait également se rapporter au sol ou Adama (féminin d'Adam), ou encore à la femme. Dans le cas où l'article féminin se rapporte au sol, le rôle de l'homme serait d'entretenir le sol et de le préserver comme il l'a été mentionné plus haut. Dans le cas où l'article féminin se rapporte à la femme, il s'agirait de travailler pour la femme et de la garder.

La relation masculin-féminin

Il est intéressant de noter à quel point les comportements sociaux des cultures inspirées de la Bible, semblent correspondre aux diverses interprétations de ce texte particulier en ce qui a trait à la relation homme-femme.

Certaines de ces cultures considèrent la sexualité comme une faiblesse sinon un danger et s'évertuent à «lui écraser la tête» (Genèse 3-15) en étouffant toute manifestation sexuelle qui n'est pas exclusivement dédiée à la procréation.

D'autres cultures «gardent» littéralement la femme hors de la vue des autres, la femme étant par définition une source de tentation et de convoitise pour autrui. Certaines cultures trouvent normale la situation d'infériorité de la femme qu'il revient à l'homme de dominer, la condition de souffrance féminine faisant partie de la nature des choses. En ce qui a trait au sens des responsabilités, il est intéressant de souligner que l'on est beaucoup moins tolérant à l'égard des écarts de conduite de la femme envers la morale sexuelle traditionnelle dans les cultures inspirées de la Bible. Ceci découlerait du fait que l'on attribue à la femme une plus grande force de caractère et un discernement supérieur par rapport à l'homme qui lui, est livré à des instincts qu'il peut moins contrôler. C'est à l'homme que revient généralement la tâche de gagne-pain «à la sueur de son front (Genèse 3-19)».

Dans le contexte des cultures inspirées de la Bible, l'on retrouve également la femme comme objet d'adulation, de respect et comme partenaire égale et engagée dans l'épanouissement du couple à titre « d'aide contre l'homme». Cet aspect important de la relation homme-femme prévaut très fréquemment, fut-ce de façon subconsciente.

Bien d'autres enseignements peuvent être retirés du récit du Jardin d'Éden et il n'est pas étonnant qu'il ait suscité autant d'intérêt chez les exégètes et les linguistes. (Une étude plus poussée se trouve dans l'ouvrage La Bible prise au berceau).

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