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Polars québécois: deux bons crus

Au Québec, on se targue d'être une société distincte, une culture à part. Mais lit-on nos écrivains, voit-on nos films, fréquente-t-on les expositions de nos artistes? Bref, mérite-t-on une culture (clin d'œil ici à mon ami Robert Laplante), et, ça va de soi, tout ce qu'il en coûte? Voici deux polars québécois qui méritent l'attention de tous. C'est dit!
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Nos auteurs sont-ils prophètes en leur pays? Au Québec, on se targue d'être une société distincte, une culture à part. Mais lit-on nos écrivains, voit-on nos films, fréquente-t-on les expositions de nos artistes? On se prétend citoyens du monde pour ne voir ensuite que des films américains, lire Stephen King et triper sur Game of Thrones. Ça ne fait pas grand sens. Le monde, c'est aussi chez nous. Ce qui se fait ici est aussi bon que ce qui se fait ailleurs, les moyens financiers en moins. Les moyens ne venant qu'avec l'auditoire... Mérite-t-on une culture (clin d'œil ici à mon ami Robert Laplante), et, ça va de soi, tout ce qu'il en coûte? Voici deux polars québécois qui méritent l'attention de tous. C'est dit!

Excellence poulet de Patrice Lessard

Un petit matin de printemps, Mélissa se rend à la garderie où elle travaille. La porte est close, le patron, Luc Touchette, n'est pas arrivé. Ainsi commence la journée dans le quartier montréalais La Petite-Patrie. L'absurdité urbanistique dans toute sa splendeur éveille immédiatement la curiosité. Un salon de massage érotique côtoie la garderie alors que de l'autre côté de la ruelle, la rôtisserie Excellence poulet entasse ses restes dans une benne à ordures et embaume les commerces de proximité d'effluves que l'on perçoit jusque dans la cour des petits. À ceci s'ajoute Gil qui s'ennuie dans son « pawn shop » et joue au détective privé. Il aura l'occasion d'exercer ses talents, puisque le patron de la garderie vient d'être trouvé sans vie parmi les os de poulet et le jus de « coleslaw »!

L'un des charmes d'Excellence poulet tient dans sa forme narrative alors que chacun des personnages -- tous plus colorés les uns que les autres -- vient raconter sa propre version qui finit par donner une vision d'ensemble. On en apprend un peu sur leurs alibis et beaucoup d'informations suintent sur les liens obscurs qui lient les commerces entre eux, propriété de la pègre, de la mafia, des Hells. L'auteur a su entremêler avec une grande justesse, et dans le même paragraphe, la description, la narration et les voix des protagonistes, ce qui ajoute une sorte de frénésie au récit. Un dynamisme assez proche du langage parlé. Sans compter les différents niveaux de langue et quelques nuances d'humour.

Excellence poulet de Patrice Lessard s'avère un court polar aussi ludique qu'excellent! J'en aurais bien repris une centaine de pages!

La Misère des laissés-pour-compte de Maxime Houde

À l'autre bout de la 20, l'éditeur Alire propose la septième enquête du détective privé montréalais Coveleski avec La Misère des laissés-pour-compte.

Réveillé en pleine nuit par un de ses indicateurs en pleine panique, Coveleski se rend au rendez-vous dans un bar louche de la ville. Sans le savoir, le privé vient de mettre le pied dans un engrenage qui lui fera découvrir les dessous honteux de la spéculation foncière alors que les terres cultivables disparaissent pour faire place à des immeubles dans la ville de Saint-Michel. Coveleski découvre rapidement que sous le vernis des biens nantis, le chantage, la violence et la corruption se mêlent aux vices nommés alcool, drogue et jeu pour assouvir la soif du pouvoir.

La narration est construite sur des images fortes qui s'incrustent rapidement, ce qui permet à Maxime Houde d'aller à l'essentiel. Concision et fracas! Le style est tout ce qu'il y a de plus percutant et les dialogues sont vifs, drôles et vont droit au but, au point qu'on les croirait tout droit issus des films de gangsters des années '50.

Le polar suit rigoureusement les règles du roman noir établies depuis longtemps, sans tomber dans la recette, voire la routine. Les policiers sont un peu bêtes et plutôt prompts à cogner pour obtenir des réponses. Les vilains sont plus violents que malins. Dans ce sombre univers où Montréal apparaît comme une ville misérable et périlleuse, le privé Coveleski, poli et rusé, fait figure de personnage contemporain, et annonce un certain modernisme perçant à travers la crasse.

La Misère des laissés-pour-compte de Maxime Houde est un polar noir parodique qui se lit d'une traite. Un petit régal pour lecteurs affamés de nouveautés!

Patrice Lessard, Excellence poulet, Éditions Héliotrope noir. Mai 2015. 237 pages.

Maxime Houde, La Misère des laissés-pour-compte, Éditions Alire. Avril 2015. 274 pages.

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