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«Mort à Florence» de Marco Vichi

Dans ce livre, il ne se passe rien, sinon pas grand-chose, et pourtant c'est captivant!
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Troisième volet des enquêtes du commissaire Bordelli de la police de Florence, un subtil croisement entre Maigret et Wallander, version italienne.

Automne 1966 à Florence, la police est sur les dents. Un jeune adolescent disparu est retrouvé mort, violé à répétition. Le commissaire Bordelli déniche un seul indice, très mince, et va risquer sa carrière pour mener les coupables devant les tribunaux, mais des forces obscures sont à l'œuvre pour l'empêcher d'arriver à ses fins, d'autant plus que l'Arno qui serpente à travers la ville sort de son lit et détruit tout sur son passage.

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Les romans de Marco Vichi se déroulent dans les années soixante. Il n'y a donc aucun apport technologique pour supporter les enquêtes du commissaire Franco Bordelli. Que du travail de terrain; c'est l'homme contre l'homme. On sent très bien que la société florentine est en voie de changement. Les vêtements de la jeunesse italienne se colorent, les cheveux allongent et les jupes rétrécissent. La période hippie déteint doucement et le taciturne commissaire la regarde s'installer avec son regard mélancolique. Mais l'autre monde, celui de la guerre et de la misère ne sont pas pour autant disparus et leurs ombres maudites pèsent toujours. Le commissaire entend presque le bruit des mitraillettes allemandes au détour d'un sentier, il croit bien apercevoir des corps de résistants pendus aux branches d'un vieux chêne. Dans la Florence de Bordelli, le fétide Mussolini n'est jamais bien loin, à son plus grand malaise.

Dans la Florence de Bordelli, le fétide Mussolini n'est jamais bien loin, à son plus grand malaise.

Et Bordelli, entre deux repas trop lourds, en vieux loup solitaire, transporte sa langueur dans tous les coins de la ville et de la banlieue à la recherche du — ou des — tueur(s) d'un malheureux adolescent. Pas de trace, pas de piste et un seul indice, minime, dérisoire : une facture trouvée à proximité du corps et qui n'a peut-être aucun lien avec le meurtre. Par acquit de conscience, le commissaire fait surveiller et suivre des suppôts du Duce et croit bien pouvoir arriver au lieu même de l'assassinat, jusqu'à ce que l'Arno, gorgée de cette pluie incessante, déborde de son lit et envahisse les rues et les maisons de sa boue malodorante.

À mesure que l'Arno déborde et que la boue coule dans les rues, l'enquête, tout en piétinement de Bordelli, patauge dans la fange.

Dans Mort à Florence, il ne se passe rien, sinon pas grand-chose, et pourtant c'est captivant! La vie fait souvent cet effet-là et l'écriture de Marco Vichi semble puiser dans une énergie vitale. La société florentine coule dans toutes les pages, à travers ce personnage particulièrement sympathique. Qu'il s'agisse de ses pensées sur la guerre, son enfance, son travail ou sa retraite anticipée, sa façon débonnaire de traiter en égal une ex-prostituée ou encore un ex-taulard cuisinier à ses heures et détrousseur de serrure à d'autres, Bordelli ne s'embête pas avec la morale bourgeoise.

D'ailleurs, si son travail de policier le force à pister les criminels, on sent bien que c'est un peu à regret. Les délits de droit commun ne l'intéressent pas et tous ces petits brigands ont droit à son regard bienveillant, une sorte d'ignorance volontaire, à la seule condition qu'ils ne blessent personne, que leur méfait soit dicté par l'instinct de survie. Ce sont les autres qui n'ont pas son aval, les politiciens adeptes des pots de vin, les hommes qui abusent de leur pouvoir, les meurtriers.

Bordelli est un monstre de contraste et de contradiction, ce qui fait de lui un personnage extraordinaire.

Mort à Florence se termine sur un revirement qui pousse la nostalgie encore plus loin. Le commissaire Bordelli devra vivre longtemps, sinon toujours, avec cette enquête tordue et la mort violente du gamin.

Sur les tablettes

Jacky Schwartzmann, Demain c'est loin (Éd. Seuil/cadre noir).

« J'avais un nom de juif et une tête d'Arabe, mais en fait j'étais normal. » Voici François Feldman, originaire de la cité des Buers à Lyon, plus tout à fait un gars des quartiers, mais n'ayant jamais réussi non plus à se faire adopter des Lyonnais de souche, dont il ne partage ni les valeurs ni le compte d'épargne. Il est entre deux mondes, et ça le rend philosophe. Juliane, elle, c'est sa banquière. BCBG, rigide et totalement dénuée de sens de l'humour, lassée de renflouer le compte de François à coups de prêt. « Entre elle et moi, de sales petites bestioles ne cessaient de se reproduire et de pourrir notre relation, ces sales petites bêtes contre lesquelles nous ne sommes pas tous égaux : les agios. » Mais le rapport de force va s'inverser quand, un soir, François lui sauve la mise, un peu malgré lui, à la suite d'un terrible accident. Et la banquière coincée flanquée du faux rebeu des cités de se retrouver dans une improbable cavale, à fuir à la fois la police et un caïd de banlieue. Pour survivre, ils vont devoir laisser leurs préjugés au bord de la route, faire front commun. Et c'est loin d'être gagné!

Marco Vichi, Mort à Florence,Éditions Philippe Rey/noir. Traduit de l'italien par Nathalie Bauer (Morte a Firenze, 2009). Novembre 2017. 395 pages.

Avril 2018

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