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Justin Trudeau, premier ministre?

En voulant finasser sa réélection, Stephen Harper aura tout perdu.
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Au moment où j'écris ces lignes (le 12 octobre au matin), une seule certitude est acquise: les Canadiens se donneront un gouvernement minoritaire lundi soir prochain. Sera-t-il bleu, sera-t-il rouge? Tout demeure encore possible pour MM. Harper et Trudeau. En tout cas, il ne sera pas orange, la vague québécoise de 2011 s'étant brisée sur les falaises d'une campagne ratée.

Le gouvernement issu de la volonté du peuple sera donc minoritaire. Faiblement minoritaire, ainsi que je l'avais prédis avec tant d'autres, il y a plusieurs semaines. De l'ordre de 125 à 135 sièges. Si la tendance se maintient, comme disait Bernard Derome, Justin Trudeau créera la surprise des surprises et emménagera avec femme et enfants au 24 Sussex Drive, qu'il a bien connu dans sa jeunesse. Je pense que la lente, constante et méthodique remontée qu'il a amorcée dès les premiers jours de cette campagne marathon s'avérera suffisante, si elle se poursuit cette semaine, pour nous débarrasser du gouvernement de Stephen Harper.

Harper s'est trompé

Car c'est de cela plus que jamais qu'il s'agit. Les conservateurs ont déjà suffisamment changé l'image du Canada, tant à l'interne qu'au plan international, ils ont suffisamment chamboulé ce que nous sommes pour ne pas avoir envie d'en redemander.

Cela prendra des années et beaucoup de leadership pour effacer leurs pires politiques et repartir sur des bases nouvelles.

En voulant finasser sa réélection, Stephen Harper aura tout perdu. Les onze semaines de campagne électorale auront permis à Justin Trudeau de se faire mieux connaître et apprécier. Le parti conservateur croyait ce dernier incapable de subir la pression aussi longtemps sans trébucher. Une campagne «normale» de 6 semaines aurait pu s'avérer trop courte pour le chef libéral. Celle qui s'achève lui aura permis de donner sa pleine mesure.

Grossière erreur donc des stratèges conservateurs, canadiens ou australien. Visant le rouge, Stephen Harper a tué l'orange. Dans ce cas, son calcul fut le bon, Thomas Mulcair ne réussissant pas à maintenir l'avance qu'il détenait au début du mois d'août. On dit que les conservateurs craignaient plus les libéraux que les néo-démocrates. Ils ont cependant misé sur le mauvais cheval, étant convaincus que leurs manœuvres douteuses, les faux débats qu'ils ont soulevés, leur mépris des institutions, suffiraient à faire oublier le très fort désir de changement dans la population.

Mulcair s'est coulé

En août, j'étais de ceux qui croyaient que le changement était mieux incarné par Thomas Mulcair, plus expérimenté que monsieur Trudeau. Au fil des semaines, j'ai déchanté devant la faiblesse de la campagne néo-démocrate et la perspective de confier les destinées du pays à son chef.

Celui-ci s'était avéré un excellent chef de l'opposition, notamment sur la question du Sénat. En parcourant le Canada, Thomas Mulcair s'est révélé inccapable de démontrer qu'il incarnait le changement, encore moins qu'il était autre chose qu'un bon débatteur au caractère guerrier. Cela sied à un chef de l'opposition. Ce n'est pas suffisant pour diriger un pays.

D'autant plus que le Thomas Mulcair de jadis, ce politicien doué doté d'un caractère bouillant, abrasif, souvent méchant, a vite refait surface, incapable de subir la critique et surtout, trop sûr d'avoir raison sur tous les autres. On s'attendait à une vision claire du Canada qu'il envisageait pour nous. Il nous a offert des réactions à l'emporte-pièce sur le niqab et le projet de Partenariat transpacifique. Ses propositions budgétaires ne tiennent pas la route. Assumant l'histoire centralisatrice de son parti, il a fait de nombreuses propositions sur des questions relevant de la juridiction des provinces. L'équipe qu'il nous propose reste faible et largement inconnue. Rappeler, dans une tentative de dernière minute au goût douteux, le souvenir du «bon Jack» ne la rendra pas meilleure, ni n'accroîtra sa notoriété.

Largement favori en août, monsieur Mulcair devra maintenant assumer la responsabilité d'une défaite certaine. Il n'a pu battre un gouvernement devenu largement impopulaire. Pire, il a perdu son poste de chef de l'opposition et devra retourner à la tête, s'il reste bien sûr, du second parti d'opposition, une place familière au NPD.

Trudeau a grandi

On a sous-estimé Justin Trudeau, comme on semblait, en début de campagne, sous-estimer le Parti libéral et sa légendaire habilité électorale. Le jeune chef (est-il si jeune à l'âge où Bill Clinton (46), John Kennedy (43) et Barack Obama (47) étaient élus président des États-Unis?) n'a ni trébuché, ni dit de sottises. Il s'est sorti fort honorablement des pièges des 5 débats auxquels il a participé, triomphant de façon assez nette dans celui portant sur les affaires étrangères. Son programme (pour ne pas dire son ou ses «plans») renferme des propositions audacieuses, notamment celle relative à un «léger» déficit.

Son style de leadership, bien assis sur la recherche de compromis et le dégagement de consensus, est aux antipodes de celui plus belliqueux de Mulcair ou plus chirurgicalement froid et calculateur de Stephen Harper.

Son habilité avec la foule, la simplicité de sa personnalité (aux antipodes de celle de son père), son entregent et un amour certain pour son pays et ses institutions (avec lesquelles on peut certes différer d'opinion) ont quelque chose de profondément rassurant. L'homme a déjà grandi depuis le début du mois d'août. De chef de parti, il est devenu un premier ministre en devenir crédible, parcourant en sens inverse, mais vers l'avant, la même route que Thomas Mulcair.

Au moment où l'avenir du Canada passe par un nécessaire changement de gouvernement, je crois Justin Trudeau prêt à assumer l'importante fonction de premier ministre, bien entouré et conseillé par l'une des meilleures fonctions publiques au monde.

Duceppe égal à lui- même

Gilles Duceppe s'est révélé égal à lui-même, c'est-à-dire combatif, convainquant pour ceux qui partagent sa vision, opportuniste et un brin cynique. L'exploitation de la question du niqab et, dans une moindre mesure, celle du pipeline pancanadien, ainsi que sa grande connaissance des dossiers l'auront bien servi. Si les sondages reflètent la réalité au Québec, il pourrait surprendre et récolter entre 3 et 10 sièges. Déjà un exploit qu'on aurait mauvaise grâce de ne pas souligner.

Une prévision...

Pour satisfaire les amateurs de prévisions et faire rire de moi dans le cas probable où je me tromperais, voici mon tableau pour la fin de soirée le 19 octobre:

• PLC 35 % et 134 députés ;

• PC 32 % et 120 députés ;

• NPD 23 % et 75 députés ;

• Parti vert 5 % et 1 député ;

• Bloc québécois 5 % (national) et 8 députés.

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