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La sécularisation qu'a connue l'Occident au cours du XXe siècle est compromise depuis une vingtaine d'années par les revendications de plus en plus insistantes des fondamentalistes religieux. On assiste en effet à une nette recrudescence du religieux à travers le monde, en particulier dans le domaine public.
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La sécularisation qu'a connue l'Occident au cours du XXe siècle est compromise depuis une vingtaine d'années par les revendications de plus en plus insistantes des fondamentalistes religieux. On assiste en effet à une nette recrudescence du religieux à travers le monde, en particulier dans le domaine public. Cette remontée des religions est d'autant plus inquiétante pour le progrès du rationalisme et de la laïcité que le sacré conserve encore tout son ascendant sur l'ensemble de la population. Ce qui peut se manifester, chez les non-pratiquants, par un respect indulgent à l'égard du religieux et, chez les fidèles les plus engagés, par la vénération et la soumission. Les croyances, les pratiques et les coutumes religieuses jouissent ainsi d'une considération toute spéciale qui, si l'on n'y prend garde, risque d'inhiber l'esprit critique et de conduire à l'acceptation inconditionnelle de tout ce qui émane des religions.

Le débat sur le projet de Charte de la laïcité a été un bon révélateur de la déférence au religieux qui règne encore dans la société québécoise. Au nom de la liberté de religion, d'ailleurs souvent mal interprétée (cf. mon billet La liberté de religion : une notion bien mal comprise), les opposants à la Charte défendent farouchement le port de signes religieux dans les organismes publics au mépris même du principe de la laïcité et de la neutralité de l'État. Dans leur argumentaire, ils ne se rendent pas compte qu'ils mettent la religion au-dessus de tout, même au-dessus du politique. Obnubilés par le sacré, ils ne perçoivent pas la contradiction flagrante dans laquelle ils se sont empêtrés.

Leur discours autorise en effet les représentants de l'État à afficher des signes religieux, alors que la loi de la fonction publique les oblige à une stricte neutralité politique et leur défend expressément de porter dans les lieux de travail des signes reflétant leurs opinions partisanes. Pourquoi devrait-on permettre sur le plan religieux ce qui est interdit sur le plan politique? Pourquoi les signes convictionnels d'ordre religieux devraient-ils être considérés différemment des signes convictionnels d'ordre politique? Pourquoi devraient-ils avoir préséance sur eux, contrairement à l'avis de certains juristes qui martèlent que les droits ne sont pas hiérarchisables? Le politique ne constitue-t-il pas un des piliers des sociétés démocratiques? Ne façonne-t-il pas la vie des êtres humains tout autant, voire davantage que les religions? Et qu'on ne nous serve surtout pas le faux argument de la ferveur, car la ferveur politique peut être aussi vive et aussi sincère que la ferveur religieuse.

Les privilèges extraordinaires consentis aux religions s'observent non seulement dans les discours, mais aussi dans les comportements. Aux dernières élections municipales de Montréal, une juive hassidique a été élue comme conseillère de l'arrondissement d'Outremont. Conformément aux prescriptions de sa confession, cette femme refuse de donner la main aux hommes qui ne font pas partie de sa famille. Même dans sa fonction d'élue, elle ne s'avoue nullement gênée d'observer cette coutume archaïque qui assimile la femme à un bien appartenant exclusivement à son clan. Cette conseillère municipale contrevient ainsi à une règle élémentaire de politesse à l'égard des citoyens qu'elle représente et elle manifeste par là un sexisme rétrograde.

Son comportement irrespectueux a été rapporté par les médias comme un simple trait culturel distinctif au lieu d'être condamné pour ce qu'il est: une incivilité sexiste inadmissible de la part d'une représentante officielle de la population. Imaginons que le maire de Montréal, le soir des élections, avait déclaré qu'il ne donnerait plus la main à ses adversaires à cause du pouvoir dont il a été investi par ses électeurs. Une pareille grossièreté aurait été dénoncée sur-le-champ et elle aurait fait scandale. Le maire aurait dû se rétracter dans l'heure sous la pression sociale. La morale de cette histoire, c'est qu'il suffit d'invoquer la religion pour faire accepter les pires absurdités.

Le christianisme n'est pas en reste. Le clergé catholique interdit aux femmes de devenir prêtres. Il les relègue ainsi à des fonctions subalternes et les empêche de participer aux grandes décisions de leur Église. Si la prêtrise était considérée comme une profession, on estimerait que les autorités mâles catholiques écartent injustement les femmes de la fonction de prêtre. Une telle exclusion antiféministe pourrait donner lieu à des poursuites judiciaires en vertu de nos lois régissant le monde du travail ainsi que les rapports entre les femmes et les hommes. Mais l'immunité religieuse réussit encore une fois à faire tolérer les idées les plus réactionnaires.

Pour n'exclure aucune grande confession monothéiste, passons maintenant à l'islam. Les élèves inscrits dans les écoles musulmanes du Québec doivent, comme tous les autres petits musulmans du monde, étudier le Coran, base de leur foi. Parmi les 6226 versets coraniques, on en compte des centaines et des centaines qui sont discriminatoires, voire haineux. Plusieurs sont d'ailleurs très sexistes (cf. mon billet Le Coran et les femmes). Citons notamment le verset 34 de la sourate IV: «Les hommes ont autorité sur les femmes en raison des qualités par lesquelles Dieu les a élevés au-dessus d'elles et en raison des dépenses qu'ils font pour assurer leur entretien. Les femmes vertueuses sont obéissantes et préservent en l'absence de leur mari ce que Dieu a prescrit de préserver. Exhortez d'abord celles dont vous craignez la désobéissance, reléguez-les ensuite dans des lits à part et frappez-les enfin.» En d'autres termes, Dieu fait figure de macho encourageant la violence conjugale.

Si un texte aussi violent était soumis au Bureau d'approbation du matériel didactique du ministère de l'Éducation, il serait refusé pour cause de sexisme et les fonctionnaires mèneraient une enquête pour débusquer l'auteur de propos aussi misogynes. Mais comme il provient du saint Coran, il circule actuellement en toute impunité dans notre pays et il est même appris par cœur par les élèves des écoles musulmanes qui sont largement subventionnées par l'État québécois.

Bien d'autres exemples pourraient être donnés pour illustrer les non-sens qu'entraîne la déférence aveugle qu'on voue aux religions. Il est temps d'y mettre fin. L'adoption de la Charte de la laïcité est un bon pas dans cette voie. Le religieux, comme tout autre phénomène humain, doit être appréhendé non avec crédulité et complaisance, mais de façon critique et rationnelle. Il ne faut jamais s'agenouiller devant l'intolérable, même s'il se réclame du sacré. Au contraire, il faut lutter contre ce que Voltaire appelait la «superstition».

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