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Le viol d'une jeune fille douce

1990. La jeune femme devant moi racontait péniblement à un homme ce qu'un autre homme lui avait fait subir. Je la sentais honteuse, mal à l'aise, prête à pleurer, je ne pouvais que l'écouter.
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1990. La jeune femme devant moi racontait péniblement à un homme ce qu'un autre homme lui avait fait subir. Je la sentais honteuse, mal à l'aise, prête à pleurer, je ne pouvais que l'écouter.

La période d'examen était chose du passé. Nathalie, jeune cégépienne, était sortie prendre un verre sur une des terrasses de la rue Saint-Denis. Un jeune homme avait entamé la conversation, un joli garçon, propre, poli et attentionné. La soirée s'annonçait bien. Le jeune homme lui raconta qu'il était le fils d'un millionnaire venant de décéder. Un peu triste, il s'était son premier soir de sortie et il avait un peu peur d'abuser de l'alcool. Elle lui servirait de chaperon en quelque sorte. L'idée semblait intéressante et quelle jeune fille n'a pas en elle, la fibre maternelle?

D'une chose à l'autre, il l'avait invité à passer chez lui. Elle n'était pas encore rassurée. Bêtement, il lui avait montré au loin la limousine qu'il conduisait mais, ce soir, comme il avait bu, il prendrait le taxi. Sûrement un garçon responsable.

- « Allons, un dernier verre et je te montre le bloc que mon père m'a laissé. »

La jeune femme, de plus en plus conquise, finit par dire oui.

Le taxi les mena donc vers Notre-Dame-de-Grâce. En lui montrant un building de 20 étages, le prince charmant lui dit simplement :

- « Comme tu vois, tout est en rénovation. Mon appartement est un vrai chantier. Je vis un peu plus loin, dans une autre maison de mon père. »

C'était plausible et comme il avait toujours ce petit air triste, elle ne se posa pas plus de questions.

Ils s'arrêtèrent finalement devant un tout petit bloc, qui ne payait pas de mine. Comme il le disait, c'était un appartement temporaire. Elle avait cru à la limousine, au décès du père millionnaire, au building et aux rénovations : elle avala le reste de l'histoire.

Dès qu'elle fut entrée dans ce minable sous-sol, le prince se transforma en ogre. Après s'être déshabillé rapidement, il fonça directement sur elle. La jeune femme se retrouva rapidement toute nue. Le cauchemar allait commencer.

- « Il m'a frappée, violée, sodomisée, pissé et déféqué dessus. »

Il y eut une longue pause puis, d'une voix presque éteinte : « Je suis juste un bol de toilette. »

La jeune femme finira par sortir et se rendre chez-elle. Quelques heures plus tard, elle me rencontrait au poste de police.

J'allais arrêter l'homme. Rapidement, il perdit son petit sourire arrogant. Bon, une petite claque méritée. Moi aussi, j'ai mes nerfs!

Quelques semaines plus tard à la cour, j'aurai à la soutenir tout au long du témoignage. Les avocats ne font pas dans la dentelle. Finalement, un juge lui dira à la fin du procès :

- « Vous pensiez qu'il était riche et vous l'avez suivi... Comme il ne l'était pas, vous voulez vous venger aujourd'hui. Acquitté! »

Que dire à une jeune femme en pleurs? Le juge n'a rien compris, que la loi est complexe. Je ne pouvais que la serrer dans mes bras et pleurer sans larme apparente. Un flic, ça ne pleure pas. Cette jeune femme était à peine plus vieille que ma propre fille. Oui, elle avait péché par naïveté, mais c'était cher payé!

En 2011, lors d'une conférence durant laquelle j'ai raconté cette histoire, et beaucoup d'autres, une dame m'a demandé comment je pouvais dormir la nuit. Ma réponse fut laconique.

- « Je ne dors pas. »

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