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La Saint-Jean de 1968: les préparatifs ou l'art de ne pas être prêt

En 1968, Montréal flottait encore sur le nuage tout blanc et confortable de l'Expo 67. Les officiers de direction de la police avaient mis l'emphase sur la fluidité des voitures et la bonne marche des événements. Ces directeurs n'avaient pas la moindre idée de ce qu'était une confrontation. Il y avait bien eu quelques grèves, mais rien de comparable à ce qu'ils auraient à vivre.
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Souvenirs de la Saint-Jean-Baptiste de 1968 se veut une chronique sans prétention, en quatre épisodes : l'avant-parade; l'éclatement et la stupeur; la répression et les détentions; et, finalement, les conséquences à court et long termes.

En 1968, Montréal flottait encore sur le nuage tout blanc et confortable de l'Expo 67. Les officiers de direction de la police émergeant pour la plupart de la section circulation avaient naturellement mis l'emphase sur la fluidité des voitures et la bonne marche des événements. Ces directeurs n'avaient pas la moindre idée de ce qu'était une confrontation. Il y avait bien eu quelques grèves, mais rien de comparable à ce qu'ils auraient à vivre.

La Saint-Jean-Baptiste avait toujours été une fête agréable, festive, rassembleuse. Mais, en 1968, la fibre nationaliste s'éveillait après une année de grâce, marquée malgré tout par ''Vive le Québec libre'', d'un certain inconnu du nom de Charles de Gaulle. Un vague président d'un pays lointain, la France.

En dépit de tous les signes avant-coureurs, le service de police de Montréal ne croyait pas devoir se prémunir contre un éventuel dérapage. Malgré un ton provocateur de la part de gens comme Bourgault et Chartrand, la fête se ferait comme à l'habitude. Un service d'ordre serait prévu pour une fête agréable et paisible. Les hommes seraient en uniforme officiel des parades officielles, c'est-à-dire, le port des gants blancs et du couvre képi blanc. Pas question de traîner le petit bâton de bois avec nous, ce geste serait de la provocation. Nos dirigeants ne voulaient surtout pas provoquer, ne sommes nous pas des agents de la paix.

Les dernières heures précédant l'événement en avaient été d'enflures verbales. Les indépendantistes se faisaient insistants, voire menaçants. Ils allaient participer à la fête qu'on le veuille ou non. À mon poste de police, le fameux poste 4 situé au coin des rues Ontario et St Dominique, personne ne s'en faisait outre mesure. Nous étions près de quatre cents flics dans ce secteur et nous avions bien d'autres chats à fouetter. "La Main", la rue St Laurent, était le cœur de la ville et le quartier tout entier était une zone passablement dangereuse. Nous étions heureux de nous en tirer avec une seule bagarre dans la soirée. Donc, une parade ne nous inquiétait pas outre mesure. Pour nos chefs, s'ils étaient nerveux, ça ne paraissait pas du tout.

Le soir de l'événement, les policiers du service d'ordre, marchèrent sans trop d'empressement, comme à l'habitude jusqu'aux points de ralliement.

Le temps de les placer en un irrégulier et mince cordon tout le long du parcours, la parade pouvait commencer. En fait pas tout à fait... À l'arrivée de la troupe, la foule s'y presse déjà et elle envahit naturellement la rue. Le travail consiste à la refouler et ne pas se faire déborder. Une tâche presque impossible. Un policier à tous les trois mètres, aucun contact autre que visuel ou auditif entre lui et ses confrères. Le tout, soutenu par quelques sergents ne sachant pas ou peu, à quoi ils peuvent bien servir. Voilà le premier et seul rempart entre les fanfares et la foule en liesse. Les seuls à posséder des walkies-talkies sont les officiers supérieurs et eux, ils en portent deux qu'ils arborent fièrement en bandoulière.

La parade était en marche, tout se passait bien. Le maire Jean Drapeau, assis tout près de notre Pierre Eliott, semblait soucieux. Devant lui, un cordon de policiers en uniforme et en civil protégeait l'estrade d'honneur. Tout allait rondement.

En fait, tout n'allait pas rondement. Les ''Chevaliers de l'indépendance'' préparaient leur entrée avec éclat. Chandails noirs marqués au logo des Chevaliers, pancartes sur des gourdins de fortune*. Ils allaient s'avancer.

*Lors des interventions, ces gourdins faits de ce que l'on appelle communément des 2 par 4 servaient à tenir des placards de carton et furent utilisés comme armes. On retrouvera aussi des ampoules remplies de peinture à l'huile et des pavés.

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