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Rencontre avec deux aspirants policiers

Le seul conseil que je leur ai donné est de devenir rapidement enquêteur et d'éviter la politique.
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Ils auront aussi à gérer tout ce qui sera maintenant le quotidien des flics des années 2020: la cybercriminalité, le code criminel de plus en plus difficile à faire respecter, les procédures de plus en plus compliquées et fréquentes.
Roberto Machado Noa via Getty Images
Ils auront aussi à gérer tout ce qui sera maintenant le quotidien des flics des années 2020: la cybercriminalité, le code criminel de plus en plus difficile à faire respecter, les procédures de plus en plus compliquées et fréquentes.

Cette semaine alors que ma femme et moi étions à l'hôtel avec nos petits chiens, j'ai fait la rencontre des deux jeunes coursiers aux voitures; je déteste le mot «valet». Nous conversions quand l'un d'eux m'annonce qu'il était sélectionné pour l'école de police de Nicolet. Double surprise, l'autre jeune coursier me confirme que lui aussi sera à l'entrainement.

J'avoue avoir été à la fois réjoui et un peu triste. Je demandai tout de go aux deux jeunes hommes pourquoi ils choisissaient de devenir policiers. Les deux presque en même temps répondirent, les yeux brillants, vouloir faire une différence dans cette société, aider les gens, protéger ceux-ci en toutes occasions et circonstances. Je n'avais pas entendu ce discours depuis des lunes. Je n'ai surtout pas tenté de détruire ce bel enthousiasme, d'autres s'en chargeront bien à ma place.

Le seul conseil que je leur ai donné est de devenir rapidement enquêteur et d'éviter la politique.

Bien sûr, il y aura pour eux tout ce qu'il n'y avait pas pour nous à l'époque. La critique, le manque de respect, les vidéos de dizaines de chasseurs de flics et une déontologie policière de plus en plus frileuse. Il y aura les billets à donner, car ils auront des cibles à atteindre. Des opérations par programme qui ne veulent rien dire.

Ils auront aussi à gérer tout ce qui sera maintenant le quotidien des flics des années 2020: la cybercriminalité, le Code criminel de plus en plus difficile à faire respecter, les procédures de plus en plus compliquées et fréquentes, etc. Des révoltés tentant de les piéger, juste par plaisir d'en faire tomber un. Ils seront face à des arrivistes et carriéristes prêts à les sacrifier et ils se sentiront bien souvent seuls.

Malgré qu'ils soient bardés comme des RoboCops, on leur reprochera la trop grande force ou le contraire, c'est selon. Des gens les insulteront sans qu'ils puissent répliquer... Ouais, il parait que ça vient avec la fonction. La déontologie fera ce qu'elle fait le mieux, punir les erreurs comme dans un cas récent à Montréal où un jeune policier demande à un automobiliste d'Alberta, totalement agressif, de payer 277$ pour une contravention qu'il n'a pas encore écrite.

La faute est impardonnable, il n'a pas encore écrit le billet, comme s'il ne pouvait plus écrire après l'avoir informé du montant. Petite suspension pour te rappeler de le faire. Ou répondre sarcastiquement à un individu qui vous engueule comme du poisson pourri. Je le répète, c'est dans ta fonction de te faire bien écœurer. Finalement, ces jeunes flics serviront aussi de défouloir et de sac d'entrainement pour certains citoyens frustrés.

Ils ne sauront pas que les gens nous saluaient sur la rue et que nous prenions le temps de parler avec eux.

Ils ne sauront pas que nous conduisions des ambulances de police et faisions des poursuites à 80 milles à l'heure, sans ceinture de sécurité. Oui, c'était dangereux, mais les gens que nous poursuivions l'étaient encore plus et les citoyens nous en étaient reconnaissants. Ils ne sauront pas que les gens nous saluaient sur la rue et que nous prenions le temps de parler avec eux.

Ces deux jeunes hommes ne sauront pas non plus que nous avions une certaine latitude lors d'interventions. Pas plus que nous n'avions pas besoin de cours pour savoir que les SDF sont aussi des êtres humains comme nous. Ils ignoreront que lors de manifestations, nous n'avions pas d'officiers poltrons nous demandant de ne pas intervenir pour ne pas envenimer la situation. Que l'initiative était le mot d'ordre et non une chose à éviter à tout prix.

Mais l'image d'Épinal qu'ils ont du métier fait qu'ils ignorent tout cela. Ces deux garçons ont la foi et une belle naïveté, je ne vais pas crever leur ballon, ça se fera bien tout seul.

Ce soir-là, je n'ai pu que leur dire bonne chance. Ils en auront besoin, ils auront quand même 30 ans à tirer.

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