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Juillet 1979. Le grand Jean et moi terminions notre journée, quand nous recevons un dernier appel. Un homme malade, sur la rue Lafontaine. Nous sommes tout près et en moins d'une minute nous sommes sur les lieux.
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Juillet 1979. Le grand Jean et moi terminions notre journée, quand nous recevons un dernier appel. Un homme malade, sur la rue Lafontaine. Nous sommes tout près et en moins d'une minute nous sommes sur les lieux.

Devant la porte se tient un vieil homme tout rabougri que je prends d'abord pour le malade.

- Bonjour, vous voulez aller à l'hôpital?

L'homme me fait signe que non, et d'une main tremblante me montre la porte derrière lui.

- C'est mon ami, je crois qu'il est mort.

Nous suivons le vieil homme qui trotte péniblement vers une cour arrière. Devant une fenêtre poussiéreuse, il pointe d'un doigt tremblant l'intérieur de la maison. Sur le plancher de la cuisine gît un corps et juste à voir la couleur bleuâtre de la peau, je comprends qu'il n'y a plus rien à faire. Fracassant une vitre de la porte, nous entrons. Là, une caractéristique odeur fétide et doucereuse plane. L'homme n'est mort que depuis deux ou trois jours seulement, mais c'est l'été.

- Vous connaissez son nom?

- Gaston.

C'est drôle, ils se connaissent depuis des lunes, mais le vieillard ne connait pas le nom de famille de son ami. Je me mets donc à la recherche d'un nom et de la famille. De son côté, Jean s'occupe du médecin légiste. À l'époque, un médecin de la ville venait sur les lieux pour constater le décès, avant la possible remise du corps.

- Je sais qu'il a une fille, elle reste pas loin d'ici, mais ça fait des années qu'elle ne vient pas le voir. Il a aussi un neveu qui vient une fois de temps en temps, pour emprunter de l'argent.

Fouillant un tiroir de commode, je me retrouve devant une bonne liasse d'argent. Quelques centaines de dollars, sinon un millier. Je compte donc les billets devant le vieil homme, j'en suis au beau milieu quand, tout à coup, une grosse femme cheveux hirsutes, l'œil mauvais et l'air colérique, passe la porte enjambant le mort, sans même s'y attarder un instant.

- C'est mon père... Pis, il y a de l'argent icitte!

Je regarde le vieil homme à mes côtés, dont le visage se ferme en exprimant un dédain certain.

- Avez-vous trouvé de l'argent? Avez-vous fouillé?

Je lui montre la liasse que je comptais, elle y jette un œil cupide avant d'ajouter:

- Je sais qu'il y en a d'autres.

Je n'ai pas le temps de répondre qu'un revirement de situation s'opère. Un deuxième individu passe la porte, le neveu! L'homme chétif, aux yeux de fouine, regarde distraitement le corps avant d'affronter sa cousine.

- Moé aussi j'suis de la famille... Il y a de....

- On est au courant.

À voir les yeux de mon partenaire, je sais qu'il est tout près de péter un plomb. Alors, laissant là tout l'argent, je prends le bras du vieil ami du défunt.

- On n'a plus rien à faire ici. OK les deux requins, battez-vous pour l'argent, je vous laisse le cadavre en prime.

Jean et moi étions aussi tristes que ce vieil homme jetant un dernier coup d'œil à un ami inanimé. La journée prenait fin et ce n'était pas trop tôt. Le chemin du retour s'est fait en silence. Le lendemain, nous passerions à autre chose. C'était ça aussi la police.

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