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Flic et confidences: une disparition d'enfant et un mauvais plaisantin

Ce soir, c'est spécial. Le lieutenant de relève nous assigne à une disparition d'enfant. Depuis plus de trois heures, tout le monde cherche un petit garçon de sept ans qui n'est pas rentré à la maison après l'école. La radio en parle, la télé en parle, des policiers aidés de volontaires font des recherches.
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1974. Depuis quelques semaines, je travaille en civil, le job est formidable, c'est un peu comme la Mondaine, sans l'être. La visite des bars, des restos, quelques enquêtes de permis, des mineures à enquêter, ça change de l'auto-radio. Moins positif, la soirée se termine vers les quatre heures du matin et souvent nous sommes à la cour vers les neuf heures. C'est la vie!

Mais ce soir, c'est spécial. Jean Pierre, le lieutenant de relève, nous assigne à une disparition d'enfant. Depuis plus de trois heures maintenant, tout le monde cherche un petit garçon de sept ans qui n'est pas rentré à la maison depuis la fin de l'école. La radio en parle, la télé en parle, des policiers aidés de volontaires font des recherches. Notre travail? Vérifier les informations qui arrivent. La télé diffuse la photo presque aux demi-heures, et sur presque toutes les chaines: le téléphone ne dérougit pas.

Tout à coup, Jean Pierre m'apporte un mot. Un des policiers vient de recevoir une information inquiétante. Le jeune garçon aurait été vu en train de monter à bord d'une voiture rouge de marque Dodge, un vieux modèle. L'informateur aurait eu l'idée géniale de prendre la plaque. L'homme se veut anonyme, et à l'époque l'afficheur n'existait que dans nos têtes. Nous n'avons pas le choix, c'est la seule piste que nous ayons, alors nous la suivons.

Ça commence mal. La plaque de la voiture n'est pas encore validée au CRPQ (Centre de renseignements policiers du Québec) mais, après quelques recherches, on peut me dire à quelle caisse populaire elle fut émise. Il est près de 22h, les caisses sont fermées. Je retrace finalement le gérant qui ne me croit pas du tout, il est certain que c'est un piège: «Je ne vais pas m'y rendre, sauf si une voiture de police vient me chercher». C'est ce qui arrive! Au bout d'une heure, nous avons notre information, tout correspond: la marque, le modèle, l'année. C'est le branle-bas de combat.

Nous sommes six flics à nous rendre dans une rue de Saint-Léonard pour encercler un duplex pas très propre. Comme Luc et moi sommes en civil, nous ferons l'approche. La voiture n'y est pas, mais il semble y avoir une certaine activité dans l'appartement. Aurait-il caché la voiture? Nous nous faufilons dans la cour arrière, il fait sombre et on ne peut pas voir à l'intérieur. Nous longeons avec prudence le flanc de la maison. Tout à coup, de l'autre côté, face à moi sur un balcon, un homme en bedaine pointe un fusil de chasse en notre direction. Je fige!

- Don't move... I'll call the police.

Voyant ce qui se passe, les policiers en uniforme sortent de la voiture au pas de course. L'homme reste médusé, il n'avait pas encore appelé. Il rentre rapidement chez-lui, on lui expliquera le reste plus tard.

On n'a pas fini avec le voisin que la voiture suspecte se stationne. Tout le monde se précipite. Déception... L'homme est un vieil Haïtien en tenue de travail. Il nous raconte être concierge dans une fabrique de souliers. Il en revient. Le vieil homme nous fait visiter la maison, son épouse est complètement renversée, elle a peur d'être déportée ou mise en prison. Je tente de la rassurer, mais comment apaiser la panique. Nous comprenons rapidement: notre source anonyme a voulu jouer un sale tour. Comme quoi, l'intelligence n'est pas donnée à tout le monde.

Au matin, on apprendra que l'enfant a couché chez un ami et que la mère de celui-ci n'a pas appelé, ni regardé la télé. Elle sera quitte pour belle engueulade! Finalement, l'histoire finit bien! C'est aussi ça la police.

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