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Comment les jeunes découvrent-ils des séries sur Internet?

Au Québec, comme ailleurs, 70% des jeunes adultes (18-24 ans) regardent séries, émissions, films et vidéos de manière connectée.
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On constate ainsi la personnalisation d'une partie des contenus visionnés, d'où la grande diversité des séries citées par les jeunes que nous avons rencontrés.
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On constate ainsi la personnalisation d'une partie des contenus visionnés, d'où la grande diversité des séries citées par les jeunes que nous avons rencontrés.

Au Québec, comme ailleurs, 70% des jeunes adultes (18-24 ans) regardent séries, émissions, films et vidéos de manière connectée. Ces contenus sont produits et diffusés sur le Web par une pluralité d'acteurs incluant, entre autres, l'industrie télévisuelle, les acteurs du numérique comme Netflix ou Amazon et des contributeurs indépendants, semi-professionnels, qui proposent sketchs, tutoriels et sessions de jeux vidéo commentées via leurs chaînes YouTube. Le visionnement connecté implique par ailleurs de multiples équipements (téléphone cellulaire, ordinateur portable, télévision intelligente ou connectée à un ordinateur ou une console de jeu) qui sont aussi utilisés pour communiquer avec les amis, rechercher des informations, jouer en ligne, etc.).

En quoi ce nouvel univers de consommation où s'entremêlent toutes sortes de contenus vidéo transforme-t-il la façon dont les jeunes spectateurs découvrent des séries dont l'offre a considérablement augmenté ces dernières années ?

Questionnant les jeunes de 12 à 25 ans sur les séries qu'ils regardent, dans le cadre d'une recherche que nous menons au Québec depuis 2014, nous avons identifié deux types de consommation. Il y a tout d'abord les séries qui font l'unanimité au sein d'une tranche d'âge avec des différences selon le genre. Les jeunes les découvrent au travers de discussions avec leurs amis, sur les réseaux sociaux et via certains sites et chaines YouTube auxquelles ils sont abonnés, certains s'appuyant aussi sur différentes listes des meilleures productions de l'année. Tous rapportent qu'il est difficile d'échapper à ces contenus dont tout le monde parle, ne serait-ce que pour être dans la conversation : « Des fois sur Facebook, il y a comme un engouement, par exemple pour Game of Thrones, tu le vois partout. Quoi ? Tu l'écoutes pas mais tu vas mourir ! »

Mis à part ces productions incontournables, les jeunes regardent des séries qui correspondent à leurs intérêts personnels. Ils les découvrent au fur et à mesure de leur navigation, de leur visionnement et des recommandations de différents sites, par exemple sur Netflix (d'où l'importance expliquent-ils, d'avoir un profil personnel et de ne pas le partager). Ils effectuent aussi des recherches sur Google, entrant le nom d'un acteur ou d'une actrice auxquels ils se sont attachés ou celui d'une série qu'ils ont adorée.

On constate ainsi la personnalisation d'une partie des contenus visionnés, d'où la grande diversité des séries citées par les jeunes que nous avons rencontrés.

On constate ainsi la personnalisation d'une partie des contenus visionnés, d'où la grande diversité des séries citées par les jeunes que nous avons rencontrés. Cette démarche de recherche personnalisée a aussi pour conséquence qu'une partie des contenus leur parvient sans recommandation des pairs ou de la critique. Pour pallier ce manque d'information, la plupart des participants consultent en ligne, les évaluations et commentaires de spectateurs. Certains recherchent plus de détails sur la série découverte, le plus souvent sur Wikipédia ou sur des sites comme IMDb.

Reste que plusieurs commencent le visionnement d'une série avec relativement peu d'information, ce qui constitue une des nouveautés du contexte de visionnement connecté. Aussi, tous développent des stratégies d'évaluation rapide de leurs trouvailles, soit souvent dans l'ordre : lire le résumé accompagnant la série sur la plateforme, visionner la bande-annonce, regarder les premières minutes du pilote ou le parcourir en version accélérée et, si intérêt il y a, visionner le pilote dans sa totalité pour se faire une «vraie» bonne idée. Peu importe la formule, ce qu'il faut retenir, c'est qu'ils ne sont pas très patients et abandonnent la série si celle-ci ne parvient pas à les accrocher rapidement. Ils ont d'autres contenus en réserve et pas de temps à perdre.

Par contre, dès lors qu'ils s'attachent à une série, ils se montrent assez fidèles et enchaînent les saisons. Certains privilégient d'ailleurs des séries plus anciennes dont plusieurs saisons sont disponibles. L'engagement dans une série est en effet vécu comme une relation à long terme, car rechercher de nouveaux contenus reste tout de même assez exigeant : «Moi, j'ai comme une relation, une relation amoureuse très fidèle à une série (...) C'est vraiment comme un chum» explique Audrey, 21 ans. Toutefois, si la trame narrative ne se renouvelle pas, qu'une autre série les interpelle ou que le temps d'attente entre deux saisons s'éternise, l'intérêt peut faiblir même pour une de leur série préférée, sans compter que les goûts évoluent assez vite de l'adolescence à l'âge adulte.

Découvrir des contenus ne se limite donc pas à la réception passive des propositions des algorithmes même si leur rôle est important.

Face à l'abondance de séries et de contenus vidéo de toutes sortes, les jeunes que nous avons rencontrés sont ainsi plus que jamais obligés de faire des choix (et c'est aussi tout le plaisir). Ils doivent déterminer leurs préférences en lien avec les références de leur cercle d'amis et leurs préoccupations identitaires, sans compter les occasions qu'offre le parcours de visionnement et les contenus que poussent très efficacement vers eux les algorithmes des plateformes de vidéo à la demande. Dans ce nouvel univers, le spectateur semble ainsi appelé à jouer un rôle plus actif dans la sélection et l'évaluation des contenus. Cela implique comme le souligne Pierre Sérisier, dans une passionnante discussion avec Benjamin Campion sur les séries scandinaves que le spectateur de séries, tel le lecteur de romans, affine son goût, développe des tactiques pour repérer et évaluer les contenus et construise «sa propre culture». Découvrir des contenus ne se limite donc pas à la réception passive des propositions des algorithmes même si leur rôle est important.

Pour l'industrie télévisuelle, ce nouvel univers de consommation constitue tout un défi. Car en plus de proposer des contenus innovants et attractifs, il faut s'assurer que le spectateur les repère parmi la multitude de contenus numériques qu'il voit défiler en ligne et surtout qu'il les associe à la marque TV.

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