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L'Alberta en voie de vivre aux crochets du Québec

Le titre de ce billet vous fait sourciller? Vous feriez pourtant mieux de vous y préparer, car cette affirmation se sera avérée plus tôt que tard si les tendances économiques actuelles se confirment à moyen terme.
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Le titre de ce billet vous fait sourciller? Vous feriez pourtant mieux de vous y préparer, car cette affirmation se sera avérée plus tôt que tard si les tendances économiques actuelles se confirment à moyen terme.

Tous les automobilistes ont bien sûr eu tôt fait de remarquer la baisse du prix de l'essence à la pompe depuis quelques semaines. Si elle fait évidemment plaisir aux propriétaires de voitures énergivores, à l'ouest du pays, cette baisse est plutôt synonyme d'une inquiétude grandissante. Pour preuve, le gouvernement albertain - catastrophé - vient d'annoncer un gel des embauches dans la fonction publique, combiné à un frein de la croissance des dépenses dans tous les secteurs de l'économie bénéficiant d'investissements gouvernementaux. Le gouvernement de la Saskatchewan a lui aussi ordonné la cessation des embauches pour « tous les emplois gouvernementaux non essentiels » dans la foulée de la baisse du prix du pétrole.

Dressons le portrait de la situation : la valeur des cours de la ressource pétrolière est en chute libre depuis le mois de juin. Pour faire bref, cela s'explique par la stagnation de la demande mondiale combinée à une explosion de l'offre.

En effet, la présente production de pétrole est de loin supérieure à la demande pour sa consommation, jusqu'à générer des surplus de près de 500 000 barils par jour, un nombre qui pourraient bien grimper à un niveau vertigineux de 1,2 million de barils au début de l'année 2015 si la tendance se poursuit à ce rythme. Les découvertes d'or noir ayant été nombreuses au cours des dernières années, tous les pays disposant de la ressource souhaitent évidemment eux aussi bénéficier de leur part du gâteau.

Ainsi, malgré les coûts d'extraction importants du pétrole non conventionnel, des pays tels que le Canada et les États-Unis ont été de l'avant dans l'établissement de projets pétroliers d'envergure. Avec l'exploitation de leur pétrole de schiste, les États-Unis sont d'ailleurs en voie de devenir le plus grand producteur de pétrole à l'échelle planétaire, surclassant même les pays de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), jusqu'à devenir énergiquement autosuffisants, vraisemblablement d'ici une dizaine d'années.

Faisant fi de la hausse constante de la production de pétrole et de la diminution corrélée de la valeur de la ressource, la Libye, l'Arabie Saoudite et l'Irak annonçaient quant à eux une hausse de leur production au début de l'été, alors que la chute des cours commençait pourtant déjà à se faire sentir. À cet effet, les membres de l'OPEP tenaient une réunion d'urgence le 27 novembre dernier, mais comme prévu, aucun de ces pays n'a accepté d'abaisser sa production pour mieux s'adapter à la conjoncture mondiale. Il faut préciser que les pays de l'OPEP disposent d'importantes réserves et que l'exploitation de leur pétrole est beaucoup moins onéreuse que dans le cas du pétrole non conventionnel. Tant que le cours du pétrole ne tombe pas en bas du seuil de 55$ US par baril, la plupart d'entre eux s'en sortent ainsi toujours gagnants. Ce n'est toutefois pas le cas de l'Alberta. Le pétrole issu des sables bitumineux étant extrêmement coûteux à extraire - le prix de production d'un baril de ce type se situant entre 80 et 100$ US -, du fait de la dégringolade des cours pétroliers, son exploitation fracasse déjà depuis jours le seuil de non-rentabilité.

Les répercussions économiques se font par ailleurs sentir sur la valeur du dollar canadien. Oscillant ces jours-ci autour de 86 cents US, sa valeur est corrélée avec celle de la ressource pétrolière, c'est-à-dire que le taux de change reculera tant que la valeur des cours du pétrole poursuivra sa descente. Ce faisant, les économies manufacturières comme celle du Québec se voient avantagées. En effet, la baisse de la valeur du dollar canadien provoque dans son sillage une hausse des exportations, celles-ci devenant davantage alléchantes pour nos partenaires commerciaux internationaux, où figurent au premier rang les États-Unis, d'autant plus que ces derniers bénéficient actuellement d'une reprise économique intéressante.

Il faut rappeler qu'en raison du développement de l'industrie albertaine du pétrole, largement financée par Ottawa, et de l'appréciation de la valeur du dollar canadien qui s'en est suivie depuis 2002, plus de 50 000 emplois avaient jusqu'à ce jour été perdus au Québec, largement au sein des secteurs manufacturier et touristique. C'est ce qu'on appelle communément le «mal hollandais». Toutefois, aujourd'hui, le vent commence à tourner.

La Banque CIBC a déjà annoncé que la croissance économique québécoise surclasserait l'an prochain celle des provinces pétrolières canadiennes, en l'occurrence l'Alberta et Terre-Neuve. Les prévisions avancent même que le Québec pourrait fort bien se retrouver en tête de la croissance du PIB au pays, de quoi nous réjouir en ces temps d'austérité.

À l'Assemblée nationale, notre gouvernement ne sera pas sans attribuer cette croissance de l'économie québécoise à « l'effet libéral ». Dans les faits, il n'en sera pourtant rien. Pour expliquer le phénomène, il faut plutôt examiner la structure de l'économie québécoise.

À l'automne 2012, le journal Les Affaires avançait déjà que l'Alberta - et même l'Ontario! - avait une probabilité de défaut de paiement sur 20 ans beaucoup plus élevés que celle du Québec. Cela s'explique par la diversité de l'économie québécoise, où plusieurs secteurs dynamiques se conjuguent pour créer la croissance. A contrario, l'économie albertaine est pratiquement unidimensionnelle, avec une part près de 30% de son PIB étant attribuable au secteur de l'énergie. Ainsi, si ce secteur venait à s'écrouler - une inquiétude bien réelle par les temps qui courent - l'économie de la province s'écroulerait avec lui.

Dans ce contexte, la récente annonce concernant la légère hausse de la péréquation en faveur du Québec risque d'être la dernière nouvelle du genre pour les prochaines années. Au contraire, c'est plutôt le Québec qui versera vraisemblablement des paiements de péréquation à l'Alberta dans un futur pas si lointain.

En Catalogne, c'est justement ce contexte - où la région devait économiquement compenser pour le reste de l'Espagne - qui a provoqué une explosion de l'appui de la population à l'indépendance, passant d'environ 25% à plus de 70% de positions favorables dans les sondages d'opinion. En ce sens, le contexte politique pourrait bientôt se tourner à l'avantage des indépendantistes québécois, alors que l'on tient actuellement l'option pour morte. L'adage populaire dit qu'un an représente une éternité en politique. Comme le disent donc les anglophones : let's now wait and see.

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