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Dire à son travail que l'on est diabétique, pas si simple que ça!

Aujourd'hui, en réunion, il m'arrive de manipuler ouvertement ma pompe à insuline, ou encore de me percer le bout du doigt afin d'obtenir une goutte de sang pour mesurer ma glycémie, et ce, sans que personne ne semble y prêter attention. Alors, comment en suis-je arrivé là?
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Je me souviens encore de ma première réunion professionnelle en tant que diabétique au sein d'une nouvelle institution où je débutais, pour laquelle j'avais, juste avant, avalé discrètement une pâte de fruits afin d'éviter une possible hypoglycémie qui, si elle était advenue, m'aurait montré sous un autre jour à mes nouveaux collègues. Quel terrible paradoxe que d'attaquer volontairement son corps en créant l'hyperglycémie par peur, voire par honte, d'être vu dans un moment possible de perte de contrôle de soi pouvant aller potentiellement jusqu'à la perte de ses esprits lorsque l'hypoglycémie est sévère. Je suis certain que si cela était arrivé, j'aurais alors dit comme pour m'excuser : «ne vous inquiétez pas, ce n'est rien, je suis juste atteint d'une pathologie, le diabète de type 1 qui, dans le combat quotidien que je mène contre lui depuis longtemps, prend parfois le dessus».

Quelles représentations de moi auraient eues alors mes collègues? De la pitié! De l'incompréhension! Ou bien, auraient-ils eu peur que je ne fasse pas bien mon travail à cause de cette maladie semblant si incontrôlable par moment? Le diabète, dans les représentations collectives, est souvent simplement synonyme de régime, dès lors, lorsque les gens se confrontent à la réalité de cette maladie, elle peut leur apparaître comme une «inquiétante étrangeté» et susciter de multiples représentations tant positives que négatives. Et pourtant, avons-nous le choix de ne pas le dire sur notre lieu de travail? Nous le pouvons, mais, est-ce bien raisonnable?

Aujourd'hui, en réunion, il m'arrive de manipuler ouvertement ma pompe à insuline, ou encore de me percer le bout du doigt afin d'obtenir une goutte de sang pour mesurer ma glycémie, et ce, sans que personne ne semble y prêter attention. Alors, comment en suis-je arrivé là ?

Le bon moment, la bonne personne et la bonne manière

Nous sommes tous uniques, tout comme nos collègues, nos responsables, notre lieu de travail ainsi que notre rapport à la maladie qui est également singulier, il n'y a donc malheureusement pas de «recette» applicable à tous que l'on pourrait suivre pas-à-pas afin de dire au sein de notre entreprise que nous sommes diabétiques. Toutefois, il y a quelques repères à connaître pour éviter que cette annonce ne vienne bousculer négativement l'image que les autres ont de nous. Repères autour desquels chacun d'entre nous doit «créer» sa manière de l'annoncer. Pour ma part, j'étais en train de discuter d'événements extra-professionnels avec mon chef de service, lorsque j'ai décidé de lui dire. C'était le bon moment, car il n'y avait pas d'enjeux professionnels dans notre échange, et il me semblait être la bonne personne puisque finalement je faisais le constat qu'il était capable d'autodérision, montrant ainsi un certain «recul» sur les choses. C'est d'ailleurs par ce biais de l'autodérision que je lui ai annoncé en tenant à peu près ces propos : «Ah, je voulais vous dire, ne vous étonnez pas si un jour je fais bip bip, c'est juste ma pompe à insuline». Je lui ai ainsi montré ma pompe, en ajoutant sur le ton de l'humour : «Eh oui, je ne suis pas moderne, j'ai un portable avec fil!».

Après, nous avons discuté quelques minutes du diabète, pas plus, car cela aurait donné à la maladie une importance qu'elle ne doit malgré tout pas avoir en ce lieu. Une fois que l'annonce est faite, le reste suit naturellement au fil du temps.

Ainsi, le bon moment pour le dire n'est pas un instant critique, vital, comme lorsque nous devons réagir face au diabète, tout comme il n'est pas non plus spontané, sans lien cohérent avec la réalité du moment présent sinon notre «annonce» aurait un effet de surprise induisant le doute et l'incompréhension de notre entourage. Le bon moment est généralement plutôt de type informel. La bonne personne, elle, est bienveillante, c'est-à-dire qu'elle nous renvoie un sentiment de sécurité intérieure lorsque nous sommes en sa présence. Elle ne se présente pas en «juge». Quant à la bonne manière de le dire, là, c'est à notre singularité et à notre créativité de s'exprimer.

Faut-il toujours le dire?

J'ai bien conscience qu'il y a également un facteur chance, comme celui d'avoir un chef de service sympathique et ouvert aux différences, à la singularité de chacun, mais tout de même je conseille généralement de dire que nous sommes diabétiques. Pas seulement pour être soutenu au cas où, mais aussi et surtout pour ne pas avoir à nous cacher. Le diabète, au-delà d'être une maladie, devient vite une identité, car nous ne pouvons plus rien faire sans le prendre en compte. Or, l'épanouissement n'est possible que si nous pouvons nous sentir nous-mêmes. Sans quoi, les parties de nous que nous tentons de gommer pour qu'elles ne soient pas vues, viendront inévitablement entacher les plaisirs que nous pouvons tirer de certains moments où la sincérité est le principal ingrédient.

Bonne route.

Bruno Orsatelli est l'auteur de Nous, diabétiques dans la vraie vie (Josette Lyon, 2016)

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Ce billet a initialement été publié sur le Huffington Post France.

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