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La fin du Royaume-Uni

Il y a des décisions politiques qui font basculer l'Histoire. David Cameron ne portera pas seulement la responsabilité du Brexit, il aura aussi déclenché le démantèlement du Royaume-Uni.
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Il y a des décisions politiques qui font basculer l'Histoire. David Cameron ne portera pas seulement la responsabilité du Brexit, il aura aussi déclenché le démantèlement du Royaume-Uni: «Nous ne sortirons pas de l'Union européenne contre notre gré, a annoncé le Premier Ministre d'Écosse, Nicola Sturgeon dont le pays a massivement voté à 62% en faveur de l'Union. Cette fois nous gagnerons le second référendum pour notre indépendance.»

Le nouveau Maire de Londres, Sadiq Khan, a lui-aussi déclaré, ce matin, vouloir faire de Londres un État indépendant, afin qu'elle reste dans l'Union. Que cette initiative aboutisse ou non, des milliers de Londoniens ont déjà signé sa pétition.

Un pays sidéré par la nouvelle de la sortie de l'Union

La Grande-Bretagne s'est réveillée, ce matin, en état de choc. Même les partisans du Brexit avaient une mine sombre car ils n'en croyaient pas leurs yeux: la Livre n'était jamais descendue aussi bas depuis trente ans. Beaucoup d'électeurs ont déclaré avoir voté contre l'Union plutôt en guise de protestation. Devant le fait accompli, tous semblent assez décontenancés et beaucoup de gens interviewés regrettent déjà d'avoir voté en faveur du Brexit. «On ne savait pas quelles conséquences cela aurait, disent-ils. Les médias n'ont relayé aucune information de fond.» Depuis ce matin, selon le Washington Post, les recherches sur Google liées aux conséquences de la sortie de l'Union ont décuplé.

David Cameron s'est rendu à Buckingham Palace, selon la tradition, pour annoncer sa démission. Pendant la campagne, la Reine Élisabeth était sortie de sa réserve en demandant à plusieurs de ses invités: «Donnez-moi de bonnes raisons de rester dans l'Union européenne». Le Financial Times vient de lui répondre, un peu tard peut-être: «La triste réalité c'est que ce sont les classes défavorisées qui ont voté pour le Brexit contre les élites, car elles se sentaient en précarité économique, et que ce sont elles qui vont le plus souffrir en terme de perte d'emplois et d'investissements. La deuxième tragédie est que nos jeunes ne pourront plus étudier et travailler librement dans 27 pays. On ne mesure pas le nombre d'opportunité perdues, d'amitiés et même de possibilités de mariages dont leur auront privé leurs parents, oncles et grands-parents en votant pour la sortie de l'Union. Troisièmement, et c'est peut-être la plus importante, le triste constat que nous sommes dans une démocratie post factuelle qui préfère les mythes aux faits... Et le journal de conclure: Les Britanniques en avaient peut-être assez des experts, mais citez-nous une seule fois où une culture d'anti-intellectuels a mené à autre chose qu'à l'intolérance et la bigoterie.»

Car ce sont des mythes que l'on a effectivement entendus dans la bouche de Boris Johnson et de Nigel Farage, relayés allègrement par les médias qui portent une grande part de responsabilité, sur une entrée secrètement accélérée de la Turquie, sur les millions de réfugiés qui déferleraient sur le pays, ou pire sur l'échec et la dissolution annoncée de l'Union européenne.

Les Londoniens ne sont pas dupes puisqu'ils ont massivement hué Boris Johnson, ce matin, alors qu'il sortait de sa maison d'Islington.

Pour l'heure, l'essentiel est de rassembler et rassurer

Mais Boris Johnson, hier encore tribun, avait déjà changé de registre. Candidat pressenti pour prendre la tête du parti conservateur, il a adopté, lors de son intervention télévisée, une mine sombre, presque contrite. Faisant l'éloge de son rival, David Cameron, il a salué en lui le courage d'avoir donné aux Britanniques une chance «de reprendre les rênes de leur pays». Il a ensuite cherché à rassurer: «Nous ne pouvons tourner le dos à l'Europe. Nous sommes dans l'Europe et il n'est pas nécessaire de faire partie d'une fédération pour continuer à partager notre défense, nos services de renseignements...»

Or tout le monde sait, comme me l'avait confié l'ancien chef des Services Secrets, Sir Richard Dearlove, que ce ne sont pas la défense et la sécurité qui étaient en cause dans le référendum. C'est plutôt le retard que subira le pays, forcé de renégocier bilatéralement tous les accords avec chaque pays membre, ou bien la perte des subventions dans certains secteurs, comme l'éducation, ou des régions, notamment pour le Pays de Galles, qui poseront problème. D'autant que l'Union européenne ne leur accordera aucun traitement de faveur, cherchant à tout prix à décourager d'autres pays de choisir l'indépendance.

À Oxford, nous avons tous entendu les théories de grands historiens comme E. H. Carr, selon lesquelles il est hasardeux de consulter les opinions publiques sur les questions dont les pays dépendent, car elles n'ont pas toutes les cartes en mains. David Cameron, oxfordien et compagnon de classe de Boris Johnson, n'avait sans doute pas écouté en cours, ce jour-là.

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