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Indépendance 2025: un plan sur 10 ans

Il y a ceux qui souhaitent l'indépendance sans nécessairement être membres ou sympathisants du PQ. Il y a ceux qui la souhaitent, mais qui n'y croient plus. Et il y a les membres du Parti québécois, plus décidés que jamais à faire du Québec un pays indépendant. En écrivant ce texte, j'ai essayé de penser à tous, des plus hésitants aux plus résolus, et de ne pas me dorer la pilule. Je me suis concentré sur le contexte politique actuel et les défis difficiles que nous avons à relever comme parti, comme mouvement et comme nation.
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Nous sommes nombreux depuis le 7 avril à nous questionner sur le chemin que devraient prendre le Parti québécois, le mouvement indépendantiste et le Québec. Et nous sommes des milliers à souhaiter autre chose qu'un gouvernement libéral. Il y a tous ceux qui aspirent à plus et à mieux qu'une province. Il y a ceux d'entre vous qui souhaitent l'indépendance sans nécessairement être membres ou sympathisants du PQ. Il y a ceux qui la souhaitent, mais qui n'y croient plus. Et il y a les membres du Parti québécois, plus décidés que jamais à faire du Québec un pays indépendant.

En écrivant ce texte, j'ai essayé de penser à tous, des plus hésitants aux plus résolus. J'ai essayé de ne pas me dorer la pilule. Je me suis concentré sur le contexte politique actuel et les défis difficiles que nous avons à relever comme parti, comme mouvement et comme nation.

Je ne vous le cache pas, ma réflexion s'inscrit aussi dans la décision de me présenter ou non à la course au leadership du Parti québécois. Je me suis dit que mieux valait vous faire part de certaines idées fondamentales avant de prendre ma décision. Après ces quelques mois de réflexions et de discussions avec des centaines d'entre vous, j'ai acquis plusieurs convictions fortes.

J'ai déjà dit que c'était le temps, le temps idéal pour les indépendantistes (et aussi pour les hésitants) de se joindre au Parti québécois et de venir brasser la cabane avec nous. J'ai aussi affirmé ma conviction que le chantier qui s'ouvre devant nous doit s'appuyer sur l'idée très claire qu'un choix s'offre aux Québécois pour l'avenir: soit de demeurer une simple province du Canada, soit de devenir un pays indépendant.

On sait tous que le programme du Parti québécois ne se résume pas à la seule question nationale. Dans les prochains mois et les prochaines années, il va falloir offrir des réponses concrètes aux besoins et aux aspirations des Québécois dans tous les domaines : de la santé à la création de richesse, en passant par la qualité de vie, le pouvoir d'achat des familles, l'environnement et la culture (pour ne nommer que ceux-là..). Mais, dans un premier temps, je crois vraiment nécessaire de clarifier notre approche à propos de l'indépendance en tirant les leçons de nos revers passés.

Trois convictions fortes

Avec ce texte, je pousse plus loin la réflexion amorcée il y a quelques semaines. Je vous soumets trois autres convictions fortes :

La première, c'est que le Parti québécois a besoin de se donner un plan stratégique pour réaliser l'indépendance. Pas seulement un plan pour en faire la promotion, un plan en attendant ou un plan pour plus tard. Non. Ça nous prend un plan qui débuterait au lendemain de l'élection de la ou du prochain chef et qui s'étendrait jusqu'à la réalisation de l'indépendance.

La seconde conviction, c'est que le Parti québécois ne doit plus jamais se présenter devant les électeurs québécois avec une position ambiguë à propos de la tenue ou non d'un référendum. Tirer les conclusions de pareilles convictions, ça va nous demander du courage. Pour moi, ça veut dire qu'aux prochaines élections, en 2018, nous devrons nous engager à ne pas tenir de référendum dans un premier mandat. Je sais que ce sera déchirant pour bien des militants de la première heure, mais je suis convaincu que nous aurons besoin d'un mandat gouvernemental pour préparer le Québec.

La troisième conviction que j'ai acquise, c'est qu'un gouvernement du Parti québécois doit utiliser les moyens et les ressources de l'État pour préparer le Québec à l'indépendance. Agir autrement serait irresponsable. Aucun gouvernement ne renonce à utiliser les moyens de l'État pour préparer l'atteinte de ses objectifs fondamentaux. Quand un président américain démocrate s'engage à transformer le système public de santé, il met l'État au travail pour préparer cette réforme, même si les républicains s'y opposent. Quand, après l'échec de Meech, l'éventualité d'un Québec indépendant est apparue, le gouvernement libéral de Robert Bourassa a utilisé les moyens de l'État pour préparer le Québec. Quand le premier ministre Trudeau a décidé de rapatrier la Constitution canadienne, il a mis la diplomatie canadienne, le Conseil privé et le ministère de la Justice au travail pour atteindre son but. Et il n'avait même pas de mandat pour agir ainsi! Nous devons, au contraire, être bien clairs auprès des Québécois : un gouvernement du Parti Québécois utilisera les moyens de l'État pour préparer le Québec et, contrairement au Canada, nous consulterons les Québécois au moyen d'un référendum avant de réaliser l'indépendance.

Une direction claire

Vous êtes plusieurs, comme moi, à penser que ce qui nous a manqué depuis bien des années, c'est un plan stratégique clair pour réaliser le projet d'indépendance. Plutôt que d'attendre les conditions gagnantes, créons-les. Plutôt que d'attendre des événements extérieurs, une conjoncture favorable, le moment propice, agissons dès maintenant. Plutôt que d'attendre qu'Ottawa s'attaque à nos compétences, s'en prenne à nos valeurs, prenons l'initiative. Si nous voulons avoir le plein contrôle de notre avenir politique, commençons par nous donner une direction. Il nous faut un plan.

J'en propose un, ou plutôt une esquisse, étant entendu que les propositions suivantes s'inscrivent dans la vaste réflexion que nous entreprenons. Je souhaite que ces propositions soient débattues et que les membres du Parti québécois se les approprient, les transforment et les bonifient. Surtout, j'ai hâte de lire et d'entendre vos réactions.

Ce que je propose, c'est de définir clairement la direction que nous voulons prendre en ce qui concerne l'avenir du Québec. Ce plan (ou tout autre plan que voudra bien se donner notre formation pour la suite) donnera une direction claire à notre action politique et, du même coup, une vision claire à la population québécoise de ce que le nouveau Parti québécois veut accomplir dans les prochaines années.

Bien sûr, nous voudrions tous que notre projet d'indépendance se réalise le plus rapidement possible, mais je suis convaincu qu'il faut nous donner le temps nécessaire. La proposition que je fais se déroulerait en trois étapes.

La première étape, celle des années d'opposition, nous permettrait de renouveler notre parti (ce que j'appelle le nouveau parti québécois), de renouer les liens avec les organisations indépendantistes et celles de la société civile et de renouveler notre projet. Elle nous permettrait de nous reconnecter avec les jeunes en leur offrant une large place. Nous n'aurons pas trop de quatre ans pour accomplir cela.

L'étape de préparation - celle d'un premier mandat gouvernemental - me semble cruciale. Il suffit de se promener un peu et de discuter avec les Québécois pour constater que nombre d'entre eux se posent des questions et considèrent que le Québec n'est pas prêt à réaliser son indépendance. Qu'on soit d'accord ou non, nous avons l'obligation d'écouter les Québécois et de répondre à leurs questions et à leurs incertitudes. Cette étape de préparation nous permettrait à la fois de répondre à ce questionnement et de préparer l'État québécois à assumer les responsabilités d'un pays indépendant. Plus nous serons préparés, plus les Québécois auront confiance et plus ils seront susceptibles de souhaiter, d'appuyer l'indépendance.

Avec cette préparation étoffée, nous serions en mesure, dans une troisième étape, celle de la réalisation, de demander le mandat de tenir un référendum dès la première année de notre second mandat gouvernemental. Les Québécois seraient alors appelés à choisir entre deux options très claires : demeurer une simple province du Canada ou devenir un pays indépendant.

1. Le renouvellement - dans l'opposition (2014-2018)

Les prochaines années seront cruciales pour le Parti québécois et le mouvement indépendantiste. Cruciales et emballantes. Elles marqueront notre volonté de présenter un solide programme de gouvernement dès les prochaines élections et d'assumer avec rigueur notre rôle d'Opposition officielle.

Mais ces années doivent également nous permettre de reprendre la marche vers notre objectif. Il nous faut d'abord stabiliser les appuis à l'indépendance et rapidement susciter de nouvelles adhésions. Cette étape doit débuter sans attendre, à partir d'une démarche structurée, qui pourrait être déclinée ainsi :

  • La création d'un groupe de recherche et de promotion du plan Indépendance 2025. Il sera formé d'un noyau d'employés permanents d'horizons variés et comptant une masse critique de jeunes indépendantistes d'origines diverses. Ce groupe sera un laboratoire d'idées exclusivement chargé d'effectuer des recherches sur l'indépendance et de les diffuser. Il mettrait en contraste l'avenir du Québec comme province ou comme pays. Ce groupe établirait des liens de collaboration avec des chercheurs, avec les groupes indépendantistes de la société civile québécoise et d'ailleurs dans le monde et animerait des débats sur l'indépendance. Il devrait rendre compte aux membres du PQ à tous les six mois.
  • Les membres du PQ de leur côté seront appelés à alimenter le groupe «Indépendance 2025» en contenu, en proposant leurs idées, leurs réflexions, puisées dans leurs communautés respectives, à même les débats qu'ils auront animés dans les milieux, au sein de leur famille, sur les lieux de travail, dans les comtés, etc.
  • En appui à cet exercice, l'aile parlementaire et le Parti québécois seront mis à contribution pour étayer, dans tous les domaines, ce que pourra accomplir un pays du Québec pour ses citoyens. Les interventions des élus du PQ seront axées sur les mérites d'un pays québécois et sur les limites du statut provincial, chaque fois que ce sera pertinent.

2. La préparation - premier mandat gouvernemental (2018-2022)

Les quatre prochaines années - celles de l'opposition - devraient nous permettre de rehausser le niveau d'appui de la population envers notre projet. Je propose une seconde étape, celle de préparation à l'indépendance, à la fois pour rallier les Québécois et préparer l'État québécois.

En abordant les prochaines élections générales, en 2018, le PQ proposerait aux Québécois, un double objectif: renforcer le Québec dans tous les domaines et solliciter le mandat de préparer l'indépendance en vue d'un référendum dans le mandat suivant. Il ne serait donc pas question de nous limiter à offrir un bon gouvernement.

Sur notre volonté de faire du Québec un pays indépendant et les moyens que nous comptons prendre, nous devrons être parfaitement clairs. Un gouvernement du Parti Québécois utilisera les moyens de l'État pour préparer le Québec à devenir un pays indépendant. Nous agirions donc sur deux axes :

  • Renforcer le Québec. En renforçant nos finances et notre économie. En mettant en place les conditions d'une plus grande redistribution de la richesse, avec des politiques plus justes socialement. En adoptant des réformes démocratiques qui redonnent plus de pouvoir aux citoyens. En aidant concrètement les Québécois et nos familles, tout en réduisant les freins à l'esprit d'initiative et d'entreprise. En renforçant notre identité par la culture et nos créateurs, par l'éducation et par nos jeunes. En aidant plus particulièrement les nouveaux arrivants à mieux s'intégrer à la société québécoise, notamment au marché du travail. Bref, renforcer le Québec, tout en soulignant les limites qu'impose le statut de province à notre volonté de développer le Québec à sa pleine mesure;
  • Préparer l'indépendance. Il s'agit surtout de préparer l'État québécois à assumer pleinement les responsabilités d'un pays indépendant. Nous demanderons donc à la population de nous donner le mandat de préparer l'indépendance. Cela signifie, bien sûr, que nous allons utiliser les moyens et les ressources de l'État, comme le font d'ailleurs tous les gouvernements pour réaliser leurs objectifs prioritaires. Cette préparation couvrira tous les aspects du projet d'indépendance. Nous mandaterons un comité représentatif de la population pour rédiger un projet de constitution. Le gouvernement fera des projections financières et économiques d'un Québec indépendant et en rédigera les principales lois. Il développera également sa politique étrangère, y compris les politiques commerciales, de défense et de coopération internationale. Pour assurer un état de préparation maximal, le gouvernement définira une démarche précise de transition entre un référendum gagnant et la création d'un Québec indépendant.

3. La réalisation - référendum et indépendance (2022-2025)

En abordant les élections de 2022, le Parti Québécois serait encore une fois parfaitement clair en demandant aux Québécois le mandat de tenir un référendum sur la réalisation de l'indépendance. Nous pourrions procéder de la façon suivante :

  • Pour lancer les élections de 2022, le gouvernement publiera un document exhaustif sur l'avenir du Québec, qui répondra à toutes les questions que se posent les Québécois sur le Québec indépendant, en mettant cette option en opposition au statut de province;
  • Si les Québécois nous accordent leur confiance, nous organiserons en 2023 un référendum, avec la question suivante: « Voulez-vous que le Québec demeure une province du Canada ou devienne un pays indépendant? »

Dépasser les limites d'une province

Comme je le mentionnais plus tôt, il va de soi que le programme du Parti québécois ne se limite pas à la question nationale. Comme futur gouvernement, nous avons la responsabilité de développer des propositions qui répondent aux besoins et aux aspirations des Québécois. Par exemple, des propositions pour mieux appuyer nos créateurs, faire rayonner notre culture, notre langue et promouvoir notre histoire et notre identité. Nous allons devoir relever le défi du vieillissement de notre population, appuyer les familles de la classe moyenne et prendre soin des plus vulnérables d'entre nous. Nous devrons aider davantage les Québécois issus de l'immigration à obtenir la reconnaissance de leur formation académique et de leur expérience, afin qu'ils puissent plus facilement décrocher un emploi à la hauteur de leur compétence. Le Parti Québécois devra continuer à viser plus de justice sociale, tout en lançant des réformes pour faire de notre État l'un des plus efficaces de la planète. La justice sociale et un État fort n'égalent pas toujours plus de bureaucratie, au contraire. Il nous faudra, par exemple, revenir avec la proposition de rapport d'impôt unique, tout à l'avantage des Québécois et de nos entreprises.

Dans un premier temps, nous devrons faire avec les limites qui sont celles d'une province et en exposant avec force les politiques néfastes qui nous sont imposées par l'État canadien. Je pense par exemple au partage de la richesse. Le Québec demeure l'endroit des Amériques où la richesse est la mieux partagée, mais le Canada (gouvernements libéraux ou conservateurs, c'est pareil) multiplie les politiques contraires (coupures à l'assurance-emploi, financement inadéquat des transferts pour l'éducation postsecondaire, baisse de la croissance des transferts en santé...). Alors que la majorité des Québécois aspirent à une politique étrangère axée sur la coopération, le soutien humanitaire, la résolution des conflits, le Canada se dirige dans la direction opposée depuis déjà plus d'une décennie. Alors que notre économie a tout à gagner à réduire sa dépendance au pétrole, par exemple, en misant sur l'électrification des transports, le Canada prend de plus en plus l'allure d'un État pétrolier. Et, alors que nous misons plus que jamais sur notre culture et notre créativité, le gouvernement canadien prend le chemin inverse, refusant même de reconnaître l'existence de la culture québécoise, aussi bien sous les gouvernements libéraux que conservateurs.

En somme, la question se résume ainsi : voulons-nous demeurer une simple province du Canada, avec tout ce que cela comporte comme limites ou devenir un pays indépendant, avec tout ce que cela ouvre comme possibilité de développement pour notre nation?

J'entends souvent que « le plus beau cadeau qu'on puisse se faire, c'est l'indépendance. » La nôtre, individuelle. Celle de nos enfants. Et celle de notre peuple. Dépasser les limites d'une province, se donner un pays, c'est à la fois l'aboutissement en droite ligne de nos 400 ans d'histoire et le plus beau cadeau que nous puissions faire à nos enfants et à nos petits-enfants.

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Avril 2018

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