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Au-delà du vote stratégique

De même, et davantage que la stratégie grossière du PQ, il n'est pas déraisonnable de considérer le refus du gouvernement Charest à donner suite aux recommandations de la Commission Bouchard-Taylor comme étant la véritable stratégie d'instrumentalisation de l'altérité musulmane de ces dernières années.
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Il est de plus en plus admis par les observateurs de diverses obédiences politiques que le Parti québécois, sous le leadership de Pauline Marois, a cherché à instrumentaliser le projet de loi 60 afin de mousser son option souverainiste auprès de l'électorat francophone de la province. Ces observateurs s'accordent, par ailleurs, pour reconnaître que le stigmate de l'altérité musulmane représentait une pièce maîtresse dans cette stratégie identitaire conservatrice.

En réaction à cette situation, de nombreuses voix musulmanes, notamment souverainistes, appellent à voter lundi prochain pour le Parti libéral du Québec. La menace que représenterait un gouvernement péquiste majoritaire aux droits d'une frange importante et vulnérable de la communauté musulmane, c'est-à-dire les femmes portant le foulard, a ainsi réduit fortement la marge de manœuvre des membres de cette communauté. Ce vote stratégique en faveur du PLQ se justifie néanmoins pleinement sur le plan politique et constitue, par ailleurs, une action moralement légitime compte tenu de l'importance de la protection des droits fondamentaux dans nos démocraties libérales.

Il est cependant important de rappeler que si ce soutien stratégique aux libéraux est valable à court terme, il ne doit aucunement fausser notre regard sur les réalités que nous vivons au Québec depuis maintenant au moins une décennie. En effet, la récente instrumentalisation de l'altérité musulmane par le PQ est loin d'être inédite. Outre l'épisode adéquiste de 2007, c'est en réalité le PLQ qui a ouvert la voie, dès l'été 2005, à ces instrumentalisations en autorisant sa députée d'alors, Madame Fatima-Houda Pépin, à prendre l'initiative d'une mention parlementaire contre l'installation au Québec de «tribunaux islamiques». Mention qui a finalement donné le tempo au traitement stigmatisant que la classe politique québécoise réserve, depuis lors et jusqu'au maintenant, aux musulmans de la province.

Acte inaugural d'une lutte québécoise donquichottesque contre le moulin à vent de « la charia au Québec », cette mention condense en elle-même, en effet, tout ce que le PLQ condamne dans les cautions qu'apporte actuellement le PQ à tous les islamophobes de la province. À partir d'une situation montée de toutes pièces par les médias, et malgré un encadrement juridique provincial et fédéral qui n'aurait jamais permis l'instauration d'une législation parallèle exclusive aux musulmans, Madame Pépin, et donc le PLQ, avait instrumentalisé l'Assemblée nationale dans le sens d'une stigmatisation explicite de la religion musulmane. En cet été 2005, le PLQ avait ainsi indiqué, d'abord à Mario Dumont puis à ses émules péquistes, la voie facile du capital politique sur le dos des musulmans de la province.

De même, et davantage que la stratégie grossière du PQ, il n'est pas déraisonnable de considérer le refus du gouvernement Charest à donner suite aux recommandations de la Commission Bouchard-Taylor comme étant la véritable stratégie d'instrumentalisation de l'altérité musulmane de ces dernières années. En effet, après l'échec électoral péquiste de 2007, il est fort probable que les stratèges libéraux voyaient bien venir l'OPA de la mouvance nationale conservatrice sur le PQ.

Les idées des chefs de file de cette mouvance étant bien connues, les libéraux pouvaient parfaitement anticiper les dérives dans lesquelles ceux-ci allaient traîner une direction péquiste dorénavant sous leur houlette. Pour piéger le PQ, il suffisait finalement pour les libéraux de ne rien faire en vue de clore un dossier aussi sensible que celui de l'aménagement de la diversité religieuse dans la province. Cependant, en léguant ce dossier à la tendance la plus conservatrice du mouvement nationaliste québécois, les libéraux non seulement piégeaient le PQ et mettaient à mal le projet souverainiste en cherchant à le discréditer aux yeux des communautés religieuses, ils donnaient également ces communautés en pâture à cette mouvance.

Enfin, il serait très naïf de la part des communauté musulmanes du Québec, et particulièrement de leur composante maghrébine, de voir dans les discours mielleux des libéraux d'aujourd'hui autre chose que des promesses électorales probablement sans lendemain. Car, on se rappellera volontiers, ici aussi, que le chômage endémique qui frappe ces communautés est loin d'être une découverte de 2014. Ceux et celles qui avaient participé au milieu des années 2000 aux discussions menées autour de la défunte « Table de concertation pour la communauté maghrébine » du MICC se souviendront certainement des résistances dont avait fait preuve le leadership libéral de cette période quant à la prise en charge sérieuse de cette problématique.

Mis à part une page sur un soi-disant plan de lutte aux discriminations, miroitant une action qui ne sera finalement jamais mise en oeuvre, les libéraux d'alors avaient démontré à cet égard le même manque de sensibilité que l'on observe depuis deux ans chez le gouvernement Marois. Aussi, au-delà du vote stratégique de lundi prochain, lorsqu'il s'agit pour les Québécois de confession musulmane de choisir entre le PLQ et le PQ, et pour le dire à notre façon, ki sidi ki lala (bonnet blanc, blanc bonnet).

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