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Afghanistan: ce jour-là, 10 000 roquettes se sont abattues sur la ville

Trois évolutions importantes ont eu lieu récemment en Afghanistan: La participation accrue des femmes dans les domaines de l'éducation, de la politique et de l'économie, la possibilité d'avoir accès à une pluralité de médias, la liberté de parole, et l'adoption de la Constitution.
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Lorsque j'étais en classe de seconde, en 1993, ma famille a été obligée de quitter Kaboul. Ce jour-là, 10 000 roquettes se sont abattues sur la ville. Le quartier où vivait ma famille a été touché plus de 18 fois par des tirs de roquettes. Mon père a dû enlever les cadavres dans les rues pour que nous puissions nous frayer un chemin et quitter la ville. C'est le pire souvenir de ma vie, cela me hante encore aujourd'hui.

Pendant toute mon adolescence, alors que j'aurais dû construire ma personnalité intellectuelle et affective, l'Afghanistan a été dévasté par les guerres civiles. Mon seul souhait, ma seule aspiration, était que ma famille puisse survivre dans la dignité. Ma famille et moi, comme des milliers d'autres familles innocentes en Afghanistan, avons été privées de bien-être, de stabilité, de sérénité. Notre maison à Badghis a été bombardée au plus fort de la guerre civile. Je n'ai pas pu avoir une adolescence normale, nous avons juste essayé de survivre. J'ai passé tellement d'années dans une situation de crise. Je n'arrive pas à oublier ce que nous avons vécu. Aucune famille afghane n'a échappé au fléau de la guerre. Toutes ont été victimes de violation de leurs droits à différentes périodes de l'histoire de l'Afghanistan. Lorsque les moudjahidines combattaient le gouvernement, mon cousin était enseignant et s'était engagé dans le secteur social à Badghis. Il encourageait les jeunes à apprendre et à étudier. Il avait même réussi à créer une école itinérante. Pour ces raisons, il a été lynché, à seulement 20 ans, tout simplement parce qu'il enseignait et essayait d'encourager les gens à penser par eux-mêmes.

Trois évolutions importantes ont eu lieu récemment en Afghanistan. Premièrement, la participation accrue des femmes dans les domaines de l'éducation, de la politique et de l'économie. Deuxièmement, la possibilité d'avoir accès librement à une pluralité de médias et la liberté de parole. Troisièmement, l'adoption de la Constitution.

L'engagement sociétal et la participation importante d'une nouvelle génération de jeunes gens éduqués me donnent confiance dans l'avenir de mon pays. Ils ont des idées constructives et ne sont pas limités par des frontières ethniques, religieuses et administratives étriquées, contrairement à leurs prédécesseurs. Mais l'Afghanistan doit faire face à l'absence d'éducation civique, au taux de chômage parmi les Afghans instruits et à l'exode des cerveaux. J'espère que l'Afghanistan actuel n'acceptera plus que les écoles soient à nouveau interdites aux filles et que les femmes soient exclues de la vie sociale. Je ne peux m'empêcher de nourrir des inquiétudes à ce sujet. Notre histoire a montré qu'en fin de compte, ce sont les femmes qui sont les victimes des défaillances politiques en Afghanistan. Plusieurs facteurs entravent la participation des femmes à la vie sociale, économique, politique et culturelle : des interprétations changeantes et parfois archaïques des lois ; la prédominance de points de vue patriarcaux et dépassés, et l'absence d'adaptation au monde moderne ; la prévalence de la violence dans les domaines culturel, économique et politique ; l'exacerbation des crises sécuritaires et économiques ; et le faible taux d'alphabétisation parmi les femmes.

Les femmes souhaitent davantage de coordination entre les instances gouvernementales et les organisations non gouvernementales qui défendent leurs droits. Elles veulent que les lois en vigueur soient appliquées en accord avec leurs principes, et non pas de manière arbitraire comme c'est souvent le cas actuellement. Les femmes demandent que les législations soient réexaminées et modernisées pour les rendre compatibles avec les valeurs et les besoins de la société. Nous, les femmes, ne manquons pas de sources d'influence fiables dans les domaines législatif et politique.

Le problème, c'est que les lois ne sont pas appliquées et que la population n'a pas confiance dans les institutions. En tant que militante des droits civiques et politiques, et en tant que victime de la discrimination, je me suis toujours efforcée d'agir de manière efficace, individuellement et collectivement avec d'autres militants. Lorsque j'étais parlementaire, je me suis battue pour faire adopter des lois qui protègent contre la discrimination. J'ai travaillé avec des militants qui luttent contre la discrimination et avec des parlementaires qui croient en l'égalité des droits. Ensemble, nous avons réussi à soutenir et à faire promulguer des lois anti-discrimination, y compris des lois pénales pour la protection des enfants. En particulier, nous avons relevé l'âge de responsabilité pénale à 18 ans pour les deux sexes, conformément à la Convention des droits de l'Enfant. Auparavant, cet âge était de 13 ans pour les garçons et de 9 ans pour les filles. Nous avons également proposé la création d'une entité gouvernementale responsable de la question d'égalité entre les femmes et les hommes, et nous avons modifié les lois pénitentiaires afin de prévoir des lieux appropriés pour les femmes incarcérées et l'éducation de leurs enfants. Nous vivons une période charnière de notre histoire. Nous subissons l'impact de différentes crises. Il est essentiel pour nous tous, femmes et hommes, de faire notre possible pour avoir une influence positive sur notre société, en particulier en ces temps d'élections, afin de garantir la paix future. Ma devise est : «Si je me lève, si tu te lèves, tout le monde va se lever. Si je m'assieds, si tu t'assieds, qui donc va se lever?»

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Deux mois avant les élections présidentielles Afghanes, Armanshar/OPEN ASIA et la FIDH se mobilisent et lancent une campagne intitulée « Levons le voile sur l'Afghanistan : les voix inaudibles du progrès ». Durant 50 jours, 50 interviews d'acteurs sociaux, politiques et culturels influents de la société civile Afghane seront publiés sur le site du Huffington Post aux États-Unis et dans le grand quotidien Afghan, 8 Sobh. Le Huffington Post Québec a décidé de publier un échantillon de ces témoignages poignants, où il est question de droits humains et de la place des femmes. Toutes les interviews sont disponibles en anglais sur le site du Huffington Post US et de la FIDH, et en farsi sur le site d'Armanshahr/OPEN ASIA.

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