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«Un jukebox dans la tête»: le mécanisme est brisé

met encore une fois en scène l'alter ego de l'auteur, l'écrivain vieillissant Jack Waterman.
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Un jukebox dans la tête met encore une fois en scène l'alter ego de l'auteur, l'écrivain vieillissant Jack Waterman. Dans la tour qu'il habite à Québec, l'auteur rencontre une jeune femme qui le complimente sur ses romans en disant qu'elle leur a fait « une petite place dans [son] cœur ». Il cherche à la retrouver, sans succès, jusqu'à ce qu'elle cogne à sa porte pour lui demander de l'aide. Il accepte avant même de savoir de quoi il s'agit : apparemment, le nouveau voisin voudrait du mal à la jeune femme. Celle-ci vient régulièrement rejoindre Jack dans son appartement pour échanger des histoires. Elle lui parle de sa jeunesse difficile, de familles d'accueil en familles d'accueil, du bouncer qui l'a hébergée pendant un moment, puis de sa fuite aux États-Unis; lui raconte les circonstances de création de son premier roman, son aversion particulière pour le bruit et l'incendie de sa maison sur l'île d'Orléans.

La relation entre le vieil homme et la jeune femme est platonique (sauf pour un baiser et un bain partagé); Jack, de son propre aveu, n'en est pas amoureux mais l'aime beaucoup. Ils apprennent à se connaître au fur et à mesure de leurs rencontres et développent un lien de confiance. Ils se confient avec sincérité et honnêteté, chacun trouvant en l'autre un auditeur ouvert et attentif. Le tout m'a semblé un peu artificiel; dès leur deuxième rencontre, Mélodie devine la chanson que Jack écoutait, comme si le destin les réunissait, et l'embrasse en repartant. Jamais Jack ne tente de la séduire, mais Mélodie s'offre quand même à lui, sans raison apparente, et j'ai eu l'impression cynique qu'elle était en fait un fantasme assouvi par procuration.

J'ai eu du mal à me laisser emporter par l'intrigue du voisin, probablement parce que je n'arrivais pas à croire au personnage de Mélodie. Lorsqu'elle a seize ans, elle s'enfuit d'un centre pour jeunes et trouve refuge dans le cabanon d'un homme (le bouncer) à qui elle rappelle sa fille disparue; mais celui-ci entend des voix, et après avoir essayé de la tripoter à plusieurs reprises, il tente finalement de l'agresser. Elle entre dans une maison pour femmes gérée par la Petite sœur de Jack, qui l'aide ensuite à quitter le pays. Mélodie passe dix ans à San Francisco avant son retour au Québec. Et voilà que le bouncer qu'elle fuyait la retrouve, artifice narratif dont je vois mal l'utilité, si ce n'est que d'ajouter un suspense pour capter l'attention du lecteur.

La finale, qui fait intervenir la Petite sœur, personnage qu'on ne voit presque pas dans les cent premières pages, m'a semblé bâclée; elle s'occupe de dire à l'homme de ne plus suivre Mélodie, qui repart sur la route, et rachète une maison à Jack sur l'île d'Orléans, avec de l'argent sorti d'on ne sait où. En fait, de tout le roman se dégage une impression d'inachèvement. Même le titre ne fonctionne pas; si le narrateur parle régulièrement de son jukebox intérieur (il fait jouer dans son esprit ses chansons favorites), on ne voit pas l'utilité ou l'importance de celui-ci pour la compréhension de l'œuvre.

Bref, il se dégage du livre (comme du narrateur) une tendresse gentille et ennuyante. La relation entre les personnages est peu crédible, le suspense est mené sans enthousiasme et on se demande tout le long où on s'en va, comme si l'auteur avait rédigé son roman par habitude, d'une façon un peu mécanique.

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