Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.
On cherche l'épaisseur, on voit les atermoiements, on cherche l'audace, on voit le refus du conflit, on cherche l'autorité, et on voit un certain désordre dans la majorité comme au gouvernement. Les Français aiment les chefs, Bonaparte à Arcole, de Gaulle à Alger, Mitterrand au Bundestag, qui les emballe, les fasse vibrer, leur parle de la France, leur montre une vision, leur dise surtout où nous allons. Sarkozy avait abusé des coups de menton qui le rendaient peu crédible. Hollande, avec son air plus notarial que martial, peine à rassurer des Français désabusés et inquiets comme jamais.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.
AFP

Les cinéphiles, amoureux d'Hollywood, se rappellent ce moment inoubliable où Marilyn Monroe susurrait pour JFK (non, pas Jean-François Kahn, chers amis du Huff Post, lecteurs du tweet quotidien de notre cher journaliste, mais John Fitzgerald Kennedy) un "Happy Birthday Mr President" chargé de séduction !

Je crains que l'anniversaire de l'élection de François Hollande chantonne moins harmonieusement à ses oreilles.

Pas facile de fêter un an à l'Élysée quand le chômage est au plus haut, qu'on parle de récession tous les jours, que les sondages sont en berne, et que les Français ne font plus confiance à leurs dirigeants pour les gouverner.

La dernière semaine de cette première année donne à elle seule, une idée du climat dans lequel baigne la France.

On a commencé lundi par un joli pataquès franco-allemand déclenché chez les socialistes par un texte inabouti, et chez le Président de l'Assemblée, Claude Bartolone par une déclaration, elle, réfléchie, destinée à marquer sa différence et à lorgner la place de premier ministre pourtant non déclarée vacante. La "confrontation" qu'il appelle de ses vœux avec l'Allemagne, rappelle les moulinets avec les bras qu'ont toujours faits ceux qui cherchaient leur bouc émissaire à Bruxelles. Et pire, la nouvelle germanophobie rampante française a même fait réagir négativement les socialistes allemands du SPD!

Le billet d'Anne Sinclair se poursuit après la galerie

60 engagements, 200 promesses... Et maintenant?

Les 60 engagements de François Hollande

La semaine s'est poursuivie par le succès grandissant de Marine Le Pen, plus dans les sondages où elle atteint 32% de popularité (à titre de comparaison, Jean-François Copé n'en récolte que 19%) que dans la rue où elle tenait meeting avec Jeanne d'Arc. Mais elle n'a pas grand chose à faire, peu à dire, elle attend, et engrange.

Les discordes jeudi dernier entre le trop bouillant ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg et le trop calme ministre des Finances Pierre Moscovici à propos de partenariats industriels à passer avec des actionnaires étrangers (affaire de Dailymotion), ont fait désordre.

Quant à ce dimanche, ce fut au tour du Front de Gauche de dire sa colère contre l'austérité et celui qu'il appelle son premier responsable, le Président de la République. Entre 30.000 et 180.000 manifestants place de la Bastille (à ce point de décalage, les estimations n'ont plus aucun sens) ont écouté les harangues - le PS dit même "vociférations" - d'un Jean Luc Mélenchon qui réclame un coup de balai, une Constituante, voire même une "insurrection" contre le pouvoir en place et les institutions de la Vème République.

Oui, il y a anniversaire plus joyeux...

À peine y eut-il un répit dans cette semaine avec les déclarations embarrassées et les zones d'ombre embarrassantes sur les comptes en banque de Claude Guéant. Trop bavard pour être convaincant, confus dans ses explications sur ses tableaux comme sur les primes de cabinet additionnées en liquide dans son coffre, l'ancien ministre de l'Intérieur de Nicolas Sarkozy a permis de faire diversion. Cela n'a pas duré.

Le billet d'Anne Sinclair se poursuit après la galerie

Manifestation du 5 mai: l'appel au coup de balai

C'est alors que sont tombées en rafales les analyses et les bilans sans complaisance de cette première année, dont Le HuffPost a lui aussi dressé un calendrier rigoureux des réussites, des échecs, ou des renoncements.

Dans toutes les analyses, au-delà des chiffres économiques catastrophiques, dûs à une crise à laquelle le gouvernement semble en permanence hésiter à répondre par la relance ou par l'austérité ; au-delà des couacs gouvernementaux qui donnent souvent une impression de confusion, la vraie question sur François Hollande est en fait une interrogation : a-t-il la stature d'un Président ?

Mais qu'est-ce donc que cette fameuse stature, ce concept très français qu'on réclame de nos dirigeants ? Que je sache, nul ne s'interroge pour savoir si Cameron ou Merkel ont cet apanage ; nul ne s'est posé la question à propos du nouveau Président du Conseil italien, Enrico Letta ; je dirais que même en régime présidentiel, aux États-Unis, où Obama a pourtant une aura incontestable alors que Bush en semblait dépourvu, ce ne fut jamais le sujet central. De tous les autres, on demande de la compétence, de l'habileté, de la constance, le souci de la justice, le sens de l'État, mais pas forcément une posture, une attitude quasi-monarchique qu'on exige de nos présidents.

Alors, que veulent les Français et que manquerait-il à François Hollande? La capacité de décision? Il en a fait preuve lors de l'intervention au Mali - dont à cette occasion on avait dit d'ailleurs qu'il endossait les habits de président. Le respect des promesses ? Malgré tout ce qu'on lui reproche, le catalogue est cependant assez long des engagements pris pendant la campagne et déjà réalisés.

Il y a sans doute une forme de nostalgie à l'égard des dirigeants d'autrefois. De Gaulle avait la posture qui convient. Mitterrand aussi, sans conteste. Pompidou avait la sagesse pateline et conservatrice qui tenait lieu de charisme. Giscard avait le physique, la jeunesse, l'allure, la distance un peu hautaine qui fascinaient. Chirac avait l'habitude de la fréquentation du pouvoir, en a eu les attributs à de nombreuses reprises, et son leadership, même s'il ne fut pas éclatant, se transforma peu à peu en Papa de la Nation, familier, et oint, grâce à la présence de Le Pen au second tour en 2002, par 80% des Français. Après un tel sacre, on ne vient pas s'interroger sur le calibre présidentiel !

Le billet d'Anne Sinclair se poursuit après la galerie

Les meilleurs slogans de la manif du 5 mai

En fait, les deux derniers présidents ont souffert ou souffrent du même mal : une carrure un peu mince. Et pourtant comme ils sont différents ! L'un manquait de culture, de sérénité, de constance, avait certes pour lui de l'énergie à revendre, une intelligence vive, un sens de la communication poussé jusqu'au grand art, mais cela n'a pas compensé l'absence d'envergure et une image abîmée par son manque de mesure. L'autre est fin, malin, politique jusqu'au bout des ongles. Son image personnelle est bonne, on lui trouve de la sincérité et de l'honnêteté, mais sa volonté du non-sensationnel s'adressant à la raison et non à l'émotion, si elle convient aux temps calmes, n'est pas adaptée aux tempêtes.

On cherche l'épaisseur, on voit les atermoiements, on cherche l'audace, on voit le refus du conflit, on cherche l'autorité, et on voit un certain désordre dans la majorité comme au gouvernement.

Les Français aiment les chefs, Bonaparte à Arcole, de Gaulle à Alger, Mitterrand au Bundestag, qui les emballe, les fasse vibrer, leur parle de la France, leur montre une vision, leur dise surtout où nous allons. Sarkozy avait abusé des coups de menton qui le rendaient peu crédible. Hollande, avec son air plus notarial que martial, peine à rassurer des Français désabusés et inquiets comme jamais.

Ce n'est pas le caporalisme qui fabrique une stature, c'est une forme d'ascendant qui s'impose, celui du leader qui rassure par son expérience, et du capitaine qui impressionne par sa maîtrise.

François Hollande a passé un an à démontrer qu'il était sérieux, raisonnable et consensuel. Il lui en reste quatre pour affirmer son magistère et convaincre, se battre, emporter l'adhésion qui lui est, pour l'heure, chichement mesurée.

VOIR AUSSI

La photo du lendemain

LOLANDE

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.