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Les fausses couches touchent aussi les hommes

Chaque fois qu'une femme évoque sa fausse couche à cœur ouvert, le discours est le même : "je me sens tellement seule. J'ai l'impression que mon mari s'en moque. Il ne me dit rien. Pour lui, c'est comme s'il ne s'était rien passé."
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Dans le processus du deuil, la phase qui dure le plus longtemps chez moi, c'est la colère. Quand ma première tentative d'avoir un enfant s'est soldée par une fausse couche, j'ai été submergée par la rage pendant des semaines. J'en voulais à la terre entière. Débarrassée de la fatigue de la grossesse, j'ai mis toute mon énergie dans le ménage en espérant que ça m'aiderait à guérir.

Mais, pendant que je m'acharnais sur les plinthes, je n'ai jamais pensé à demander à mon mari comment il vivait ce deuil. Bien que j'aie énormément réfléchi pendant les semaines qui ont suivi ma fausse couche, l'idée que cette perte n'était pas seulement la mienne mais la nôtre ne m'a jamais effleurée. Et nous sommes nombreuses à faire la même erreur.

Chaque fois qu'une femme évoque sa fausse couche à cœur ouvert, le discours est le même: "je me sens tellement seule. J'ai l'impression que mon mari s'en moque. Il ne me dit rien. Pour lui, c'est comme s'il ne s'était rien passé."

Or, il suffit d'observer comment, au-delà du couple et du cercle familial, la société traite les hommes dont les compagnes ont perdu un bébé. Qui leur demande ce qu'ils ressentent? On s'inquiète du bon rétablissement de la maman. S'ils répondent qu'elle va bien, on passe à autre chose.

Mon objectif, en tant qu'artiste, réalisatrice et militante, c'est de lever le tabou qui entoure les fausses couches pour que les gens en parlent différemment. Beaucoup de femmes souhaitent en faire de même: en partageant leur histoire, elles tentent de faire disparaître le sentiment de honte. Mais nos efforts seront vains si nous ne nous soucions pas de la population masculine.

Pour commencer, il est nécessaire de reconnaître que les hommes souffrent autant que les femmes quand une grossesse n'arrive pas à son terme. Le chagrin n'est pas l'apanage des femmes.

Notre société collectionne les stéréotypes sur ce qu'un homme doit ressentir ou la manière dont il doit réagir face aux épreuves. De quoi décourager la plupart d'entre eux de s'exprimer. Nous leur apprenons à être stoïques, une épaule solide sur laquelle s'appuyer en cas de coup dur. On leur demande d'être là pour leurs épouses quand elles pleurent. Dans ces conditions, beaucoup d'hommes ont du mal à montrer leur fragilité et à admettre qu'ils pleurent tout autant la mort de cet enfant.

Les chances qu'un homme ose dire qu'il souffre sont d'autant plus faibles que nous avons aussi tendance à relativiser la perte d'un bébé pendant la grossesse.

Pourtant, les hommes se sentent tout aussi concernés quand le test de grossesse se révèle positif. Leur imagination s'emballe, ils s'inquiètent et se mettent à rêver. Une femme se sent mère même si son enfant ne survit pas. De la même manière, un homme a beau ne pas ressentir les nausées, la fatigue et l'ensemble des maux liés à la grossesse, il n'en est pas moins père.

Si nous voulons briser le tabou des fausses couches dans notre société, que les couples se sentent autorisés à porter le deuil du bébé qu'ils ont perdu, nous devons inclure les hommes dans le débat. La situation ne changera pas si la moitié des personnes concernées n'est pas censée intervenir.

Comme souvent, c'est de chacune de nous que viendra le changement. C'est ce que j'aurais dû faire dans mon couple. J'aurais dû demander à mon mari comment il se sentait après la mort de notre bébé, lui dire qu'il était libre d'exprimer ses sentiments, quels qu'ils soient, et qu'il pouvait les partager avec moi.

De même, si une femme me confiait qu'elle avait fait une fausse couche, je lui demanderais aussi comment les autres membres de son foyer vivent la situation, et s'ils ont besoin d'aide.

Il est essentiel de laisser les hommes exprimer leur douleur face au deuil, car ils ont eux aussi vécu la perte d'un enfant.

Je pense que beaucoup de gens s'accordent pour dire qu'il est nécessaire de déstigmatiser les fausses couches. Le chemin pour sortir du silence sera long, mais l'une des premières étapes est claire: il faut lever la chape de plomb qui pèse aujourd'hui sur les hommes.

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