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Les stéréotypes de sexe, une science controversée

La blogosphère a appris récemment et à la surprise générale que la page Facebook "I Fucking Love Science",plébiscitée par plus de 4 millions de "likeurs", était gérée par une jeune femme de 23 ans.
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STÉRÉOTYPES - La blogosphère a appris récemment et à la surprise générale que la page Facebook "I Fucking Love Science", un phénomène dans le monde de la vulgarisation scientifique, plébiscitée par plus de 4 millions de "likeurs", était gérée par une jeune femme de 23 ans.

Plus que l'âge d'Elise Andrew, c'est bien son sexe qui a fait réagir, comme on a pu le constater à la lecture des nombreux commentaires sexistes qui ont accompagné cette révélation.

La science est en effet l'un de ces nombreux milieux où on ne s'attend pas à ce qu'une femme réussisse ou bien qu'elle y soit populaire. Il en va de même pour le monde des affaires, la finance, l'entrepreneuriat ou encore le management. Dans tous ces domaines, il existe un ou plusieurs stéréotypes de sexe en défaveur des femmes, très ancrés dans notre société.

En science même, le sexe est un sujet d'étude à part entière. Les effets de sexe sont scrutés par les chercheurs car ils intéressent au plus haut point le grand public. Les résultats scientifiques liés aux différences de sexe sont également documentés, discutés et mis à la disposition des décideurs politiques et économiques afin de proposer des mesures compensatrices.

"Stéréotypes de sexe" vs "différences de sexe"

Dans le même ordre d'idée, un livre a récemment suscité la controverse: Lean in de Sheryl Sandberg. L'auteure, actuelle directrice générale de Facebook, y exhorte les femmes à se donner les moyens de leurs ambitions.

Et elle va même plus loin en affirmant que les femmes devraient également prendre plus de risques. Ce dernier point semble confirmer la croyance populaire selon laquelle les femmes seraient moins enclines au risque que les hommes.

Ce que Sheryl Sandberg se permet d'avancer, au vu de son expérience professionnelle, a pu être mis en évidence par des chercheurs en sciences comportementales. Des études montrent que sous certaines conditions, comme par exemple les situations de compétitions (qui sont la norme dans le monde des affaires), les femmes prennent en effet moins de risques que les hommes.

Un résultat qui semble donc confirmer la croyance populaire. Mais la question de l'origine de cette différence reste posée. Les femmes sont-elles par nature moins disposées au risque que les hommes? Ou alors est-ce l'existence d'un stéréotype négatif socialement partagé -"les femmes prennent moins de risques que les hommes"- qui contraint les femmes à adopter des comportements plus raisonnables?

Un biais de confirmation de nos croyances sociales

Si le livre de Sheryl Sandberg a eu tant de succès, c'est qu'il propose des moyens de remédier à la sous-représentation des femmes dans le monde des affaires. Cependant, en ne s'adressant spécifiquement qu'aux femmes, l'auteure ne laisse-t-elle pas justement sous-entendre que ces dernières seraient moins capables de réussir dans le monde des affaires que les hommes, perpétuant ainsi le stéréotype négatif largement partagé socialement? Et que c'est pour cela qu'il faudrait proposer des programmes de training spécifique à destination des futures managers?

De plus, quel impact cela peut-il avoir sur les futures générations de femmes managers d'entendre Sheryl Sandberg, qui représente pour ces femmes un modèle d'identification positif, leur annoncer qu'elles ont besoin de s'auto-affirmer?

Le succès de son livre s'explique donc par le fait que les préconisations de Sheryl Sandberg correspondent bien à nos stéréotypes. De la même façon, le public est friand des résultats scientifiques qui mettent en avant des différences de sexe mais uniquement lorsque la différence de sexe confirme nos croyances sociales partagées.

C'est pourquoi les scientifiques doivent présenter ces données avec précautions, pour éviter de naturaliser les différences de sexes qui peuvent être le fruit de processus de socialisation précoce. Ils doivent faire un travail de vulgarisation efficace car ils sont responsables de ce que les médias vont faire de leurs découvertes. Il ne faut pas conclure au-delà de ce que les résultats scientifiques permettent de faire.

Espérons que bientôt, nous n'aurons même plus à mentionner que des femmes se cachent derrière la page Facebook "I Fucking Love Science" ou le livre Lean In. S'ils avaient été l'œuvre d'un homme, nous n'aurions probablement pas parlé du sexe de leur auteur.

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