Les enfants bilingues ou allophones forment la majeure partie de ma clientèle rencontrée en clinique, comme orthophoniste, et les parents qui me consultent me demandent fréquemment quelles sont les meilleures stratégies pour amener leur enfant à parler couramment deux langues, voire plus. Car aujourd'hui, alors que 60% des gens sur la planète parlent au moins deux langues, le monolinguisme est devenu l'exception.
- Devrait-on prioriser l'apprentissage du français et parler cette langue à la maison pour favoriser les apprentissages scolaires?
- Devrait-on attendre la mise en place du français avant d'enseigner la langue d'origine à l'enfant et lui parler dans cette langue?
- Quel est le meilleur âge pour entamer l'apprentissage d'une nouvelle langue?
- Est-ce que chaque parent ne devrait s'en tenir qu'à une seule langue pour communiquer avec son enfant?
- Un enfant peut-il devenir bilingue même s'il présente un trouble de langage?
- Comment faire en sorte que les compétences dans la langue maternelle de l'enfant, lorsque celle-ci n'est pas majoritaire, demeurent fonctionnelles et perdurent dans le temps?
En effet, plusieurs parents m'ont fait part des difficultés qu'ils rencontraient à transmettre leur langue maternelle à leurs enfants et à la maintenir active au fil des années, et ceci d'autant plus quand des langues peu valorisées par l'environnement étaient en jeu. D'autres m'ont demandé quelles étaient les meilleures pratiques pour que leur enfant francophone apprenne l'anglais et en vienne à le parler avec aisance, ou au contraire, comment s'y prendre pour qu'un enfant anglophone parvienne à utiliser couramment le français. La difficulté de devenir, d'être ou de rester bilingue se traduit chez beaucoup d'enfants comme une difficulté d'être tout court, d'être bien dans sa peau, avec ses différences.
Trop souvent, j'ai été témoin de situations où la communication parent-enfant était brimée en raison de recommandations données aux parents par l'entourage, voire des professionnels de la santé ou de l'éducation (toujours avec de bonnes intentions, mais des conseils qui découlent d'une méconnaissance).
Une maman hispanophone qui se met à parler peu à son enfant, et dans un français approximatif, à partir du moment où l'enseignant lui dit qu'elle devrait parler le français à la maison pour enrichir le vocabulaire de l'enfant dans la langue d'enseignement. Un enfant à qui l'on demande de répéter toute sa phrase correctement quand il s'exprime dans une langue et complète son énoncé en empruntant quelques termes à l'autre langue qu'il connaît. Un papa arabophone qui évite de parler en arabe à ses enfants une fois qu'ils commencent la garderie.
Les mythes au sujet du bilinguisme sont très nombreux et tenaces. Non, le bilinguisme ne cause pas de retard ou de confusion chez l'enfant. Et avec chaque langue qu'on transmet à l'enfant viennent un bagage culturel, une richesse, une clé qui lui ouvre des portes pour l'avenir et des opportunités de socialisation augmentées. Quand une population urbaine est en majorité composée d'immigrants, parler plus d'une langue devient une nécessité. Et pour les enfants issus de familles allophones, la connaissance de la langue d'origine fait partie de la construction de leur identité et de leur sentiment d'appartenance à la culture. Transmettre plusieurs langues à son enfant demande du temps (en termes d'années et non en termes de semaines ou de mois), de la patience, de la persévérance, des interactions sociales nombreuses et diversifiées, sans compter la valorisation de chacune des langues par l'entourage.
Ces dernières années, les parents, éducateurs et enseignants, m'ont inspirée dans la rédaction de mon livre, par leurs questions, leurs témoignages, leurs doutes, leurs inquiétudes et leurs histoires. Le bilinguisme, un atout dans son jeu - Pour une éducation bilingue réussie (Éditions du CHU Sainte-Justine) sera en vente dans toutes les bonnes librairies d'ici la fin du mois de septembre. Il est déjà possible de se procurer le livre en ligne.
DE LA MÊME AUTEURE
>Traiter le bégaiement à l'adolescence ou à l'âge adulte: mission possible? - Agathe Tupula
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