Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

L'excision, une pratique en pleine expansion

On estime qu'il y a plus de 130 millions de femmes et filles qui ont subi des mutilations génitales, et que chaque année plus de 3 millions de filles supplémentaires subiraient ce genre de pratique. Des pays occidentaux comme le Canada ne sont pas épargnés.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

L'excision (E), ou plus correctement appelée «mutilations génitales féminines» (MGF), est une procédure chirurgicale rudimentaire de pratique ancestrale qui consiste en l'ablation partielle ou totale des organes génitaux externes féminins. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), on estime qu'il y a, de nos jours et à l'échelle mondiale, plus de 130 millions de filles et de femmes qui ont subi L'E/MGF, et que chaque année plus de 3 millions de filles supplémentaires subiraient ce genre de pratique.

Les conséquences délétères, d'ordre physique, psychologique et sexuel, de l'E/MGF chez ces femmes sont nombreuses et bien documentées.

D'abord qu'est-ce que l'excision?

Cette procédure était auparavant généralement connue par le terme de «circoncision féminine» Mais lorsqu'elle a connu des échos dépassant les communautés qui la pratiquaient traditionnellement mais discrètement, la terminologie de «mutilation génitale féminine» a été adoptée.

C'est une appellation plus réelle qui reflète concrètement non seulement l'horreur de la procédure elle-même mais aussi l'importance de ses conséquences inhumaines et de ses effets délétères sur la santé physique, sexuelle et psychique des filles et des femmes.

En 1991, et suivant la recommandation de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), l'expression «Excision/Mutilation génitale féminine» (E/MGF) a été adoptée. Suivant les endroits, l'excision est pratiquée sur des nourrissons de quelques jours, sur des fillettes âgées de 7 à 10 ans, et sur des adolescentes ainsi que sur des femmes adultes au moment de leur mariage.

En collaboration avec l'UNICEF, et d'autres organisations des Nations unies, l'OMS propose la définition et la classification de l'E/MGF en cinq différents types:

  • Type I- clitoridectomie: il s'agit de l'incision du prépuce (bourrelets de peau entourant le clitoris) avec ablation partielle ou totale du clitoris (partie génitale externe sensible et érectile de la femme).
  • Type II-excision: c'est une procédure qui consiste en l'ablation du clitoris, et souvent des petites lèvres; elle est la plus fréquemment pratiquée.
  • Type III-infibulation ou excision pharaonique: ce type se rapporte à l'excision partielle ou totale des organes génitaux externes, suivie de la suture des grandes lèvres avec rétrécissement de l'orifice vaginal pour ne laisser passer que l'urine et le flux sanguin menstruel.
  • Type IV-inclassable: il s'agit d'une série d'interventions nocives, et non thérapeutiques, exercées sur les organes génitaux féminins, engendrant la mutilation sexuelle féminine; ceci consiste en une série de pratiques variées incluant notamment la ponction et l'incision du clitoris, l'étirement de cet organe et/ou des lèvres, la cautérisation du clitoris et des tissus adjacents par des brûlures, et l'introduction des substances et des herbes corrosives dans le vagin afin d'induire son resserrement et son rétrécissement.
  • Type V-symbolique: il s'agit des pratiques, dites symboliques, se réalisant dans le cadre des cérémonies rituelles, et consistant en la piqûre du clitoris avec une aiguille pour faire apparaitre quelques gouttes de sang symbolique. Ces pratiques n'impliqueraient pas de mutilations sexuelles.

Quelques aspects historiques

L'origine précise de l'usage de l'excision est peu connue des chercheurs historiens. Cependant, il existe des textes antiques qui témoigneraient de sa pratique bien avant l'apparition des religions révélées monothéistes, dans des communautés qui les perpétuent de nos jours. Par exemple, il semblerait que l'excision des femmes égyptiennes remonte à plus de cinq milles ans avant Jésus-Christ et qu'elle aurait été pratiquée à l'époque des pharaons; d'ailleurs on a pu retrouver des momies égyptiennes excisées.

C'est peut-être pour cela que l'infibulation (type III) porterait aussi le nom d'«excision pharaonique» qui est très pratiquée en Égypte, au nord du Soudan et en Afrique de l'Est. Plus tard, mais avant l'apparition de l'islam, les pays de la corne d'Afrique justifiaient les fondements mythiques d'usage de la procédure en rapportant que l'on pratiquait l'excision pharaonique sur les femmes pour les protéger contre les viols au moment des razzias Arabes.

L'excision en général et la clitoridectomie en particulier ne se limitait pas aux pays africains; elle se pratiquait aussi en Europe au 18ème, 19ème et même début du 20ème siècle. En effet, le fameux gynécologue, Isaac Baker Brown (1811-1873), membre du Royal College of Surgeons (1848) et président de la Medical Society of London (1865), pratiquait déjà couramment l'intervention chirurgicale de la clitoridectomie et recommandait son usage pour soigner plusieurs conditions d'épilepsie, d'hystérie et de catalepsie. Il revendiquait même, dans son diagnostic, que la masturbation féminine était à l'origine de ces maladies nerveuses.

Cependant, après une série de controverses, parues dans Lancet et British Medical Journal, le docteur Baker Brown a été exclu de la présidence de la Medical Society of London et a perdu son poste de gynécologue à l'hôpital londonien St. Mary's, qu'il a cofondé en 1845. À la suite de ces événements, Il n'a jamais pu, jusqu'à sa mort en 1873, rétablir sa carrière. Ceci n'a malheureusement pas empêché la clitoridectomie de continuer à être pratiquée, jusqu'en 1935 aux États-Unis dans des hôpitaux psychiatriques et des prisons, pour prévenir la masturbation et «traiter» le lesbianisme.

Quelques prévalences géographiques mondiales

Selon l'OMS, le nombre de filles et de femmes ayant subi une forme d'E/MGF est estimé à plus de 130 millions à travers le monde, dont environ 120 millions d'entre elles vivent dans une trentaine de pays d'Afrique et du Moyen-Orient.

En outre, on estime que chaque année, 3 millions de filles supplémentaires subiraient une excision sur le continent africain. De nos jours, la grande majorité des filles et des femmes ayant subi ou susceptibles de subir l'E/MGF vivent dans les pays africains qui forment une large bande allant notamment du Sénégal et de la Mauritanie à l'ouest (côte atlantique) jusqu'à l'Égypte et la Somalie à l'est (corne de l'Afrique).

L'excision est aussi pratiquée, dans une moindre mesure, dans certains pays d'Asie (Malaisie, Indonésie, Inde, Pakistan) et du Moyen-Orient (Irak, Oman, Yémen). Cependant, les pays occidentaux de l'Europe, du Canada, des États-Unis d'Amérique et de l'Australie, ne sont pas épargnés par le développement de ce phénomène, touchant essentiellement des fillettes et des femmes immigrées qui subissent secrètement et illégalement des mutilations génitales.

L'ampleur de ce phénomène se mesure par la prévalence qui est définie comme le pourcentage de filles et femmes âgées de 15 à 49 ans ayant déjà subi une forme d'E/MGF entre 0 et 14 ans, comme il a été rapporté par leurs mères. La prévalence varie considérablement d'un pays à l'autre et parmi les communautés à l'intérieur d'un même pays, à cause du facteur ethnique. Les quelques données qui suivent sont donc des plages de moyennes au sein de chaque pays où les pratiques de l'excision sont indiquées ici par ordre de décroissance. D'abord, pour illustrer cette ampleur, notons que l'excision est presque universelle dans quatre pays où la prévalence est au dessus de 90%: en Somalie (98%), en Guinée (96%), en Djibouti (93%) et en Egypte (91%, plus de 27 millions).

Elle est proche de 90% dans quatre autres pays; c'est le cas du Mali (89%), de l'Érythrée (88%), de la Sierra Leone (88%) et du Soudan (88%, plus de 12 millions). Cette prévalence est très élevée au Gambie (76%), au Burkina Faso (76%), en Éthiopie (74%, plus de 23 millions), en Mauritanie (69%), au Liberia (66%) et en Guinée-Bissau (50%). Elle varie entre 10% et 40%, au Tchad, en Côte d'Ivoire, au Kenya, au Nigeria (20%, plus de 20 millions), au Sénégal, en Afrique centrale, au Yémen, en Tanzanie, au Benin et en Irak. Elle est en dessous de 5% au Ghana, au Togo, au Niger, au Cameroun et en Ouganda.

Pour élargir cette prévalence à travers le monde occidental, les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (Centers for Disease Control and Prevention, ou CDC) estiment qu'il y aurait au moins 200 000 fillettes qui risquent d'être forcées à subir une forme d'E/MGF aux États-Unis d'Amérique; ce chiffre est probablement une sous-estimation de la réalité car ce phénomène, qui est un tabou mais qui est interdit depuis 1997 aux USA, est pratiqué secrètement par crainte de persécutions, et n'est pas facilement dénoncé par les fillettes par peur de leurs familles. En outre, l'excision concerne environ 53 000 et 170 000 femmes, respectivement en France et en Angleterre.

Les risques sanitaires de l'E/MGF: Les effets délétères, à court et à long terme, de l'excision sur les filles et les femmes qui la subissent sont très nombreux et bien documentées dans la littérature médicale. L'Organisation mondiale de la santé a répertorié une longue liste de conséquences physiques, psychologiques et sexuelles chez ces femmes. Les complications immédiates des procédures de l'E/MGF peuvent inclure des douleurs aiguës, des hémorragies, des lésions des organes voisins, des infections avec absence de cicatrisation et même des décès. Quant aux conséquences à long terme, il peut s'agir de l'incontinence urinaire ou de l'obstruction chronique des voies urinaires, des douleurs endurées, des difficultés fréquentes au travail et des complications lors de l'accouchement. Les conséquences sexuelles sont évidentes car l'ablation partielle ou totale du clitoris, qui est l'organe génital externe le plus sensible de la femme, entraîne inévitablement des altérations de la sensibilité sexuelle. En outre, les souffrances endurées et chroniques des femmes excisées ainsi que leurs incapacités de retenir leurs urines et même leurs selles entraineraient des complications psychologiques telles que des angoisses, des dépressions voire même des tentatives de suicides.

En conclusion

Bien que des organisations internationales sérieuses, telles que l'OMS, l'UNICEF ou les CDC américains, ont répertorié de nombreuses conséquences sanitaires néfastes chez les filles et les femmes ayant subi ces formes d'excision, il est très surprenant de constater que la plupart des procédures de l'E/MGF sont pratiquées, de nos jours, par du personnel de la santé, notamment des infirmières et des sages-femmes. Ce qui est encore plus surprenant c'est qu'en Égypte, par exemple, non seulement plus de 70% de ces interventions sont pratiquées par des médecins féminins mais qu'en plus elles se passent, pour la plupart du temps, chez les parents des victimes, quelquefois sans anesthésiques.

Enfin, une simple question s'impose: comment peut-on expliquer que des femmes médecins, ayant reçu une éducation élevée en santé publique, peuvent justifier ces pratiques et continuent à être impliquées, au 21e siècle, dans ce jeu traditionnel anti-féminin?

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

1. Islande

Les meilleurs et les pires pays pour les femmes selon le Forum économique Mondial

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.