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Affaire Villanueva: pour des changements dans la police

2008 à 2013... 5 ans, pour accoucher d'un rapport de 143 pages qui au final, est un ixième pétard mouillé. On recommande un guide explicatif, un plan d'action, une meilleure formation pour les policiers et de meilleurs outils de communications. Wow... impressionnant!
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Le rapport de 143 pages du coroner André Perreault concernant la mort de Fredy Villanueava à Montréal-Nord en 2008, et les émeutes qui s'en sont suivies, vient de sortir. 143 pages, pour expliciter notamment le contexte, les acteurs, rappeler un historique des faits. 143 pages, pour déboucher sur... quatre pages de recommandations.

En voici un petit résumé:

- Au Ministère de la Sécurité publique: Qu'un guide explicatif soit ajouté au modèle national d'emploi de la force, et que ce guide explique au policier quand il doit tirer, prendre l'initiative, etc.

- À la Ville de Montréal: Faire un plan d'action pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale à Montréal-Nord.

- Au SPVM: Mieux former ses policiers à l'intervention en contexte multiculturel, doter ses véhicules de meilleures radios et de GPS, et rendre public les indicateurs de performance de son Plan stratégique en matière de profilage racial et social.

- Au Ministère de l'Éducation: Mieux informer les gens de la façon de se comporter avec un policier, des risques à refuser de s'identifier ou à ne pas coopérer.

2008 à 2013... 5 ans, pour accoucher d'un rapport de 143 pages qui au final, est un ixième pétard mouillé. On recommande un guide explicatif, un plan d'action, une meilleure formation pour les policiers et de meilleurs outils de communications. Wow... impressionnant! Mais je vous garde le meilleur. Voici, en résumé, les recommandations faites à l'École nationale de police:

- Ajouter au programme de formation des policiers une partie qui suggérerait quoi faire si son partenaire est attaqué.

- Ajouter au programme de formation des simulations sur les situations où les policiers doivent décider s'ils interviennent ou pas auprès des groupes.

- Les aider à distinguer le profilage racial, criminel et social.

- Mieux les former sur le risque véritable d'être désarmé, alors que leurs armes ont un mécanisme de protection.

- Concevoir un outil de «debriefing» éthique pour que les policiers puissent expliquer la situation vécue.

On croit rêver...Ce rapport est en train de nous dire que les policiers du Québec ne se font pas enseigner la façon de réagir si leur partenaire est attaqué? Qu'ils n'ont présentement pas d'outils adéquats pour archiver les situations vécues? Qu'ils ne connaissent pas bien les risques d'être désarmés alors que leur arme ne peut pas être utilisée à cause de son mécanisme? Mais surtout, qu'ils ne savent pas quand et comment intervenir auprès des groupes d'individus? Ciboire!! Je savais que le malaise était palpable, mais désolant à ce point, ça fait dur en...

Comprenez-moi, les gars (et les femmes): vous faites un travail difficile, dangereux, avec des horaires de fou. Vous devez constamment être sur vos gardes, être prêts à l'action, vos nerfs sont régulièrement à vif et vous devez souvent réagir très vite dans des situations complexes. Vous incarnez la Loi et ce qu'elle représente, et vous y croyez. Je respecte ça.

Par contre, lorsqu'un rapport nous informe qu'il vous faudrait un guide de plus pour savoir quand vous devez prendre l'initiative et quand vous devez tirer ou pas, je suis sceptique, pour le moins. Quand un rapport nous apprend que vous ne savez pas comment réagir si votre partenaire est attaqué, je suis dubitatif. Mais quand ce même rapport nous confie que vous ne savez pas quand intervenir auprès des groupes, là je décroche. Vous êtes des êtres humains, doués de logique et de raison. Oui, on vous paie très bien pour assurer la Loi et l'Ordre, et pour incarner le monopole étatique de la violence légitime, mais on ne vous demande pas d'être des automates!

Vous pouvez prendre un moment de réflexion pour vous demander: est-ce que mon intervention est justifiée? Si oui, est-elle adéquate? Et troisièmement, comment mon intervention est-elle perçue? On s'en jasera plus longuement si vous trouvez ça abusif, mais cela pourrait éviter des situations désolantes comme la mort de Fredy Villanueva.

Voici mes recommandations suite à cette affaire:

  • Plus que jamais, un corps indépendant incluant des civils doit être mis sur pied pour enquêter sur un corps policier. La police qui enquête sur la police, c'est de la grosse bouette: on ne poignarde pas ses partenaires dans le dos...
  • L'École nationale de la police doit mettre l'accent sur la formation psychosociale de ses policiers!!! À trop vouloir créer des défenseurs de la Loi, on leur a retiré leurs capacités d'initiative, de jugement lors d'une situation donnée, de comprendre les motifs. Sans vouloir leur faire jouer des parties de basket-ball avec des jeunes tous les samedis (le cliché par excellence de la police communautaire), disons qu'ils ont tout intérêt à raffermir leurs liens avec les habitants des quartiers, surtout envers les communautés culturelles.
  • Il faut se faire à l'idée: ce ne sont pas tous les gros bras de ce monde qui peuvent être policiers! Il doit y avoir des tests plus poussés que ceux en place actuellement pour déterminer si, intellectuellement, la personne est apte à exercer cette importante fonction. Sans vouloir généraliser évidemment, disons que par les temps qui courent, il est évident que certaines personnes n'ont pas leur place dans cet uniforme (bonjour, matricule 728).

Voilà. Je suis conscient que je ne me ferai peut-être pas d'amis dans la police avec cette chronique, mais ça fait des années que ça me démange. Cinq ans plus tard, on en revient encore au même stade: Montréal-Nord est toujours un arrondissement pauvre, multiculturel, où il y a des problèmes avec les gangs de rue et où la police n'est pas bien perçue. Et on propose, pour la ixième fois, des guides, des plans d'action, des outils, mais concrètement, c'est «fuck all».

Comprenez-moi bien: les groupes de jeunes de 50 et plus à Montréal-Nord doivent eux aussi comprendre qu'ils ne peuvent traîner sur les coins de rue sans attirer l'attention et sans faire peur aux passants, surtout lorsque leur passe-temps favori est de se chamailler violemment! Que la petite criminalité n'est pas la solution vers un avenir meilleur! Mais pour qu'ils le comprennent, il faut arrêter de leur donner des amendes pour les délits les plus superficiels (traverser au feu rouge, être dans un parc après 23 heures, etc.) Ces amendes-là, je ne les acceptais pas non plus à l'époque!! Les jeunes vont toujours contester l'autorité, c'est à la base du développement de la personnalité. Si en plus ils sont victimes de racisme, de préjugés et d'abus de la part de celles et ceux qui exercent la Loi, ce cocktail peut devenir fort explosif...

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