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L'Égypte devrait renvoyer chez lui le journaliste canadien Mohamed Fahmy

Qu'a donc fait le gouvernement canadien ? Il a publié un bref communiqué, rédigé par un subalterne, qualifiant la situation d' « inacceptable », exigeant la libération « totale et immédiate » de M. Fahmy et la mise en œuvre d'une procédure d'amnistie générale. De telles jérémiades sont malheureusement inappropriées quand il s'agit de faire appliquer un accord de libération conclu avec un État souverain.
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Le nouveau procès de Mohamed Fahmy, poursuivi pour terrorisme et diffusion de « fausses nouvelles », devait s'ouvrir fin février 2015 devant une cour pénale égyptienne. Cependant, dès la première audience, les juges ont décidé de renvoyer l'affaire au 8 mars. Actuellement en liberté sous caution, ce journaliste qui n'a commis aucun crime sera alors reconduit dans la cage insonorisée des accusés.

Au début du mois, la plus haute juridiction du pays a fait connaître ses motifs d'infirmation du premier verdict, tant sur le principe de la condamnation que sur la peine prononcée. L'arrêt de la Cour de cassation admet le caractère inéquitable du procès initial, comme je l'avais soutenu. Les magistrats ont relevé les multiples violations des règles procédurales, révélatrices de la partialité et de l'injustice des poursuites engagées par les autorités. La cour a aussi considéré que l'accusation d'actes de « terrorisme » était absurde puisqu'aucune charge pour menaces ou violences n'a été retenue à l'encontre de M. Fahmy. Elle a conclu que le jugement « laissait à désirer et que les motifs contradictoires avancés justifiaient son infirmation ».

Des documents rendus disponibles révèlent que le jugement du tribunal de première instance ‒ présidé par un magistrat surnommé le « bourreau » ‒ avait même été critiqué par le ministère public. Le procureur général de la plus haute juridiction égyptienne a fait valoir qu'il n'existait pas de preuves suffisantes pour confirmer ce jugement.

Il estime tout d'abord qu'il n'existe aucune preuve de l'appartenance de M. Fahmy et de ses coaccusés à une « association de malfaiteurs ». Concernant les autres charges, il ajoute que « le jugement n'ayant pas permis de démontrer la fausseté des nouvelles propagées, ou que l'appelant ait eu connaissance de leur fausseté, il en résulte que les éléments constitutifs du crime dont celui-ci a été reconnu coupable ne sont pas réunis. » Le procureur critique par ailleurs les violations de procédure, dans la conduite du procès et l'examen des preuves, et conclut que « le jugement en appel, fondé sur des preuves irrecevables, est lui-même invalide. » La position du ministère public ‒ l'entité qui a initié les poursuites ‒ démontre donc l'absurdité des charges retenues et du procès qui s'en est suivi.

L'issue du nouveau procès et son calendrier demeurent incertains. Quoi qu'il en soit, M. Fahmy ne devrait pas en faire les frais. Il y a quelques semaines, il a fêté avec sa famille l'extradition vers l'Australie de son confrère et coaccusé, Peter Greste, en vertu d'un décret autorisant le transfert de prisonniers étrangers vers leur pays d'origine. Or cette disposition est applicable à M. Fahmy, et la procédure de révision en cours n'y change rien.

M. Fahmy est un ressortissant canadien, victime du même procès inique que M. Greste. Des hauts fonctionnaires égyptiens lui ont indiqué qu'au vu de sa double nationalité, il devait renoncer à la citoyenneté égyptienne pour pouvoir bénéficier d'une mesure d'extradition. C'est le prix qu'il a payé pour être remis en liberté.

Depuis lors, les autorités égyptiennes ont pris des mesures pour procéder à sa libération. Sarenonciation a été publiée au Journal officiel. Le gouvernement canadien a également obtenu l'assurance que sa remise en liberté avait fait l'objet d'une décision de justice et que son départ était imminent. Ceci lui a été confirmé par des fonctionnaires des ministères des Affaires étrangères, de la Justice et de l'Intérieur. Fort de ces assurances, le Canada a déclaré que la libération de M. Fahmy était « imminente ». Ce n'est pas ce qui s'est passé.

Qu'a donc fait le gouvernement canadien ? Il a publié un bref communiqué, rédigé par un subalterne, qualifiant la situation d' « inacceptable », exigeant la libération « totale et immédiate » de M. Fahmy et la mise en œuvre d'une procédure d'amnistie générale. De telles jérémiades sont malheureusement inappropriées quand il s'agit de faire appliquer un accord de libération conclu avec un État souverain. Le Canada devrait à présent se mobiliser pour veiller à ce que l'Égypte honore sa promesse. Rien ne s'oppose à son extradition immédiate. Pourtant, les appels de la société canadienne et de personnalités politiques demandant que le Premier ministre, M. Harper, intervienne personnellement dans cette affaire sont pour l'instant tombés dans l'oreille d'un sourd.

M. Fahmy n'a pas non plus bénéficié du soutien d'Al Jazeera. On espère toutefois que la chaîne anglaise du diffuseur ‒ qui employait le journaliste au moment de son arrestation ‒ ne prendra aucune mesure susceptible de compromettre sa liberté.

J'ai aujourd'hui l'intention de me rendre en Égypte afin de rencontrer mon client et de discuter du dossier avec des représentants des gouvernements canadien et égyptien. Le ministère des Affaires étrangères égyptien a accusé réception de ma requête, et ma demande de visa est en cours de traitement. J'espère que cette visite permettra une résolution rapide et complète de cette affaire.

Amal Clooney est l'avocate de Mohamed Fahmy.

Ce blog, publié à l'origine sur Le Huffington Post (États-Unis), a été traduit de l'anglais par Odile Van de Moortel pour Fast for Word.

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