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«La rencontre n'était pas commencée, ma mère a dit: ''je ne veux plus de cet enfant-là''. Et elle est partie.»

Nancy Audet, 42 ans.

Nancy Audet n’a jamais été très bavarde sur son enfance. Peu de gens dans son entourage savent qu’elle a été placée deux fois dans une famille d’accueil en raison de la violence qu’elle vivait chez elle. Lorsqu’elle a accepté de rencontrer le HuffPost Québec pour participer à notre série La DPJ a 40 ans: voici mon histoire, elle a fait un douloureux plongeon dans son passé.

La DPJ a 40 ans: voici mon histoire

La Direction de la protection de la jeunesse a soufflé ses 40 bougies cette année. Mais comment fonctionne cette entité qui s’occupe de dizaines de milliers d’enfants chaque année au Québec? Comment se remet-on d’un abandon? Comment se passe la vie en centre jeunesse? Le HuffPost Québec a rencontré quatre anciens enfants de la DPJ et vous propose quatre entretiens intimistes dans la série La DPJ a 40 ans: voici mon histoire.

Nancy avait 7 ans quand son parcours à la DPJ a commencé. Quelqu’un - elle ignore toujours qui - a fait un signalement. Il faut dire que la maltraitance dont elle était victime était assez visible sur son corps. Sa mère lui faisait subir beaucoup de violence physique. Mais le pire, selon elle, c’était la violence psychologique.

Après le signalement, la DPJ a placé Nancy d’urgence dans une famille d’accueil: une dame qui s’appelait Rose-Aimée, et qui a su la réconforter. Mais Nancy n’est pas restée longtemps à cet endroit. Il faut dire qu’à St-Dominique-du-Rosaire, le petit village de 400 habitants d’Abitibi d’où elle vient, tout le monde se connaît. Les gens se demandaient où elle était passée. Son grand-père mettait beaucoup de pression sur ses parents pour qu’ils retournent la chercher. Ce qu’ils ont fini par faire, après quelques mois.

À 14 ans, Nancy n’en pouvait plus. Elle a fait une fugue. Quand les policiers l’ont retrouvée, ils l’ont amenée dans un centre jeunesse. Un endroit «traumatisant», selon elle, où elle se sentait comme une détenue. Elle a demandé à un intervenant d’appeler Rose-Aimée. Peut-être qu’elle se souviendrait d’elle... Rose-Aimée se souvenait parfaitement de la petite Nancy. Elle avait déjà huit enfants dans sa maison et n’avait pas de place pour elle, mais elle ne pouvait pas se résoudre à laisser l’adolescente en centre jeunesse. «Cet endroit qui scrappe des enfants», lui a-t-elle dit. Elle l’a alors accueillie à nouveau, pour quelques mois.

«Elle m’a sauvé la vie», lance aujourd’hui Nancy, la voix étranglée par l’émotion.

Il y a quelque temps, quand elle a accepté d’accorder une entrevue au HuffPost Québec, Nancy a décidé de se lancer à la recherche de cette Rose-Aimée, pour lui dire merci. Et elle l’a retrouvée. Rose-Aimée est toujours en Abitibi. Elle a 76 ans, et elle est malade.

«Ça faisait longtemps que je voulais le faire, mais je n’étais pas prête. J’avais peur qu’elle ne se souvienne plus de moi. Mais elle se souvient vraiment de moi, elle se souvient de tout. Il faut que j’aille la voir. Parce que peut-être qu’après, il sera trop tard. Je vais aller la remercier, la prendre dans mes bras. Et lui présenter Launa», dit-elle, en regardant sa fillette de trois ans qui gambade dans le salon.

Nancy Audet et sa fille Launa
Courtoisie
Nancy Audet et sa fille Launa

Aujourd’hui, Nancy a 42 ans. Elle est journaliste sportive. Mais très peu de gens savent d’où elle vient. D’ailleurs, pendant le tournage de l’entrevue, chez elle, son conjoint est arrivé plus tôt que prévu du travail, en se demandant ce qui se passait.

«Je ne lui ai pas dit pour l’entrevue, parce que j’avais peur de changer d’idée. Je n’en ai jamais parlé, même à mes amis proches... »

Mais aujourd’hui, «après 10 ans de thérapie», lance-t-elle en riant, elle se sent prête à retourner dans le passé. Pour mieux regarder vers l’avenir.

Voyez le témoignage de Nancy dans la vidéo au haut de l’article.

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