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Le Parti québécois à la croisée des générations

La nostalgie, c’est fini, disent les milléniaux impliqués au PQ.
Photo prise lors du huis clos du Conseil national du PQ, qui montre une rangée de jeunes qui appuient le plan d'action de relance du parti.
Parti Québécois
Photo prise lors du huis clos du Conseil national du PQ, qui montre une rangée de jeunes qui appuient le plan d'action de relance du parti.

TROIS-RIVIÈRES - Les générations montantes «méritent qu'on les écoute avec ouverture et attention, avec la tête et le coeur».

Tels étaient les mots de l'ex-première ministre Pauline Marois en ce début de Conseil national du Parti québécois (PQ) à Trois-Rivières. La séance de samedi promettait d'être houleuse à la suite de la démission de la députée Catherine Fournier et de ses appuis au sein du parti.

La suite des choses a pourtant prouvé tout le contraire. Résumé d'une journée mouvementée où le choc des générations s'est fait sentir au PQ.

Les milléniaux sur le pied de guerre

Parmi les jeunes péquistes qui se faufilaient parmi les têtes grises, une poignée d'entre eux avaient signé la lettre en appui à la députée Fournier plus tôt cette semaine.

Dès les premiers moments de la journée, un membre de l'exécutif de la commission jeunesse, Félix Pelletier-Belzile, a annoncé sa démission devant les journalistes. Il accusait le parti d'avoir décidé du plan d'action d'avance et s'est dit déçu de l'attitude du chef intérimaire Pascal Bérubé.

D'autres étaient tout simplement sceptiques face à la démarche entamée par le PQ.

«On voit très bien que présentement, ça ne marche pas et que ce n'est peut-être pas juste au niveau des idées», a déclaré Marc-Olivier Neveu, président sortant du PQ dans Saint-Jérôme et l'un des signataires de la fameuse lettre.

«On a eu auparavant la "saison des idées", qui a été un projet, on a eu par la suite les "trois mousquetaires', on a eu ensuite l'"ABC de la souveraineté", "Osez repenser le PQ"... pourquoi cette fois-ci serait la bonne? C'est la question que je me pose, sincèrement.»

Tommy Hurteau, ex-représentant des jeunes du PQ dans Ungava, est d'avis que le discours indépendantiste a été «remâché et remâché depuis 1995» et que sa génération s'attend maintenant à un «mouvement plus général, un mouvement beaucoup plus rassembleur».

Frédérique St-Jean, présidente du Comité national des jeunes du Parti québécois, a contribué à rallier les jeunes et moins jeunes pendant un Conseil national qui s'annonçait houleux.
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Frédérique St-Jean, présidente du Comité national des jeunes du Parti québécois, a contribué à rallier les jeunes et moins jeunes pendant un Conseil national qui s'annonçait houleux.

La démission surprise de la députée Fournier a donné un «électrochoc» aux péquistes, admet Frédérique St-Jean, la présidente du Comité national des jeunes du Parti québécois (CNJPQ).

D'abord, parce que Mme Fournier a participé aux discussions pour la relance du PQ, mais aussi parce que son départ était une surprise pour les rangs péquistes. «On a été déçus, c'est clair», fait valoir Mme St-Jean.

La démissionnaire n'était pas présente au Conseil national, mais elle a annoncé avoir recueilli près de 1500 signatures de personnes prêtes à s'allier pour la souveraineté sur sa plateforme web.

Les vieux routiers défendent leur parti

À son arrivée au conseil national, l'ex-députée péquiste de Champlain, Noëlla Champagne, a sorti les griffes pour défendre son parti.

«Détruire n'est pas une avenue pour moi. Reconstruire, revoir, repasser, retravailler intelligemment est un avenir pour moi», a déclaré l'ancienne politicienne qui soufflera ses 75 bougies sous peu.

«Si tu as un peu de génie et un petit peu de spring en toi, ce n'est pas en pleurant sur nous qu'on va accomplir quoi que ce soit. J'ai eu deux défaites électorales, trois victoires dans ma vie. J'ai bien aimé les victoires, mais je n'ai pas pleuré parce que j'ai confiance.»

La députée Noëlla Champagne lors de sa première victoire en 2003.
La Presse canadienne
La députée Noëlla Champagne lors de sa première victoire en 2003.

Marc Laviolette, ex-syndicaliste et militant dans Suroît, en avait vu d'autres.

«Je vais vous expliquer quelque chose: le Parti québécois est né en 1968. En 1970, on voulait tellement qu'il meure que (Pierre Elliott) Trudeau a envoyé l'armée icitte en associant le Parti québécois aux terroristes!»

Il n'a pas voulu commenter outre mesure sur la démission de la députée Fournier ou des militants qui voudraient suivre son exemple. «On ne peut pas les garder attachés, que ceux qui veulent s'en aller s'en aillent. Nous, on va continuer de travailler et on va faire avancer la cause.»

Mais le PQ a-t-il toujours sa raison d'être en 2019? «Peut-être qu'on devrait fermer le Canadien, tant qu'à y être? Ça fait une couple d'années qu'ils perdent!» s'est exclamé M. Laviolette.

Plaidoyer pour une «alliance des générations»

La présidente du CNJPQ se dit bien consciente qu'il existe un «fossé générationnel» au PQ. «Il faut que le Parti québécois redevienne une alliance des générations», a exprimé Mme St-Jean dans son discours d'ouverture.

Elle s'est voulue rassurante quant aux intentions des jeunes qu'elle représente. Pas question de pousser les péquistes du passé vers la porte de sortie. Mais la situation actuelle ne peut plus durer, dit-elle. «Il faut que ça change. Le statu quo est devenu intenable.»

Un jeune péquiste est maintenant vu comme une «curiosité», a-t-elle témoigné.

Moi, je n'ai pas honte d'être péquiste. Je n'en suis pas gênée. Bien au contraire, j'en suis fière.

«Mais j'ai envie que d'être péquiste redevienne un synonyme d'être ambitieux, d'être rêveur, d'être innovant, d'avoir de grands projets pour le Québec.»

«Ma génération, elle est engagée, a poursuivi Mme St-Jean. On est peut-être des enfants rois. Mais des enfants rois qui savent marcher dans les rues pour que notre éducation soit accessible ou pour qu'on prenne soin de notre planète.»

La semaine dernière, quelque 150 000 manifestants étaient dans les rues de Montréal pour réclamer plus de mesures pour la planète.

«Imaginez-vous maintenant une manifestation comme ça pour l'indépendance du Québec», a laissé tomber Mme St-Jean, avant d'avoir droit à une ovation debout par l'ensemble des militants péquistes.

La charte, toujours la charte

L'épisode de la charte des valeurs du gouvernement Marois est l'une des raisons pour lesquelles la nouvelle génération fuit le parti, ont déclaré plusieurs militants.

Cela n'avait pas été inclus dans une présentation exhaustive en matinée sur les constats des défaites du PQ entre 1995 et 2019. L'idée était d'explorer les raisons derrière la défaite historique du parti lors des dernières élections.

Les jeunes militants interviewés ont exprimé leur malaise à propos de l'héritage de la Charte des valeurs du gouvernement Marois.
La Presse canadienne
Les jeunes militants interviewés ont exprimé leur malaise à propos de l'héritage de la Charte des valeurs du gouvernement Marois.

L'ancienne candidate dans Hull, Marysa Nadeau, a déploré le fait que la charte collait encore à la peau du PQ et servait de «carte de visite» au parti. Elle se disait étonnée de voir que cet élément avait été omis de la présentation.

«Il y a une étiquette qui s'est collée au Parti québécois (...) qui revient à dire que le parti est vieux, que le parti n'est peut-être pas ouvert à l'immigration, une étiquette de gens refermés sur eux-mêmes», acquiesce Tommy Hurteau, ex-représentant jeune dans Ungava.

Le secrétaire national du parti, Jocelyn Caron, a répondu que les tensions relatives à la charte étaient représentatives de la société.

Diviser, puis rassembler

Une militante de Prévost, qui avait constaté la tension qui régnait au conseil national du PQ, s'est dirigée vers le micro pour implorer les militants de cesser de se diviser.

«J'ai senti une genre de division entre les jeunes et les moins jeunes. Ça me fait de la peine. Nous, les jeunes, on veut se battre, on veut prendre part à un projet révolutionnaire.»

Ce n'est pas très révolutionnaire de dire à d'autres révolutionnaires avant nous de dire: tassez-vous, nous, on sait comment faire.

Au retour du dîner, au cours duquel on suppose que des discussions entre les jeunes et moins jeunes ont eu lieu, tous les militants sont entrés dans le huis clos de l'après-midi pour adopter le plan d'action et décider si un congrès extraordinaire aurait lieu.

En fin d'après-midi, l'ex-députée Carole Poirier, devenue directrice générale du PQ, laissait les portes ouvertes délibérément de façon à ce que les journalistes puissent constater la bonne humeur et les applaudissements à tout rompre dans la salle.

La présidente de la CNJPQ est sortie avant la fin du huis clos, flanquée d'un groupe de jeunes afin d'annoncer, tout sourire, que le plan d'action a été adopté à l'unanimité. Tout serait sur la table pour le congrès extraordinaire qui sera en novembre.

Quelques jeunes militants observaient la scène, à l'extérieur du groupe. Ils laisseront la chance au coureur, une dernière fois, pour prouver que le PQ n'est plus le parti de la nostalgie des militants d'autrefois.

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