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Montréal abandonne le terme «Ville sanctuaire»

La Ville met tout de même en place des mesures pour offrir des services aux sans papiers, sans crainte de déportation.
Olivier Robichaud

La Ville de Montréal ne se définira plus en tant que «Ville sanctuaire». L'administration Plante a décidé d'abandonner ce terme un peu moins de deux ans après l'adoption du statut du même nom afin d'éviter la confusion avec le modèle américain.

La mesure fait partie du nouveau plan d'action pour l'intégration des immigrants annoncé mercredi. Selon la mairesse Valérie Plante, la Ville veut éviter d'envoyer le message que la police peut ignorer un mandat d'arrêt émis par les services frontaliers, comme c'est le cas dans certaines villes des États-Unis.

«Le cadre juridique fédéral est différent au Canada. Nos policiers ne peuvent pas ignorer un mandat d'arrêt», souligne Mme Plante.

Montréal sera désormais une «Ville respectueuse et engagée».

La police ne vérifiera plus le statut d'immigration

Le plan comprend tout de même plusieurs mesures visant les immigrants sans papiers. Une nouvelle politique d'accès «sans peur» aux services de la Ville sera adoptée en 2019. Cette approche, souvent appelée «don't ask, don't tell», consiste à interdire aux fonctionnaires municipaux de vérifier le statut d'immigration.

Selon Mme Plante, la politique s'appliquera aux policiers. Finie, donc, l'époque où les policiers pouvaient vérifier le statut d'une personne et l'arrêter après une simple infraction au Code de la sécurité routière, par exemple.

«L'intention est de réduire les demandes faites sur le statut d'une personne. [...] On veut diminuer pression pour que les policiers ne sentent pas le besoin d'approfondir les recherches», affirme-t-elle.

Cette approche ne s'appliquera toutefois pas aux mandats d'arrêt des services frontaliers. Ceux-ci apparaissent en même temps que les mandats criminels lorsque les policiers en font la vérification. Les agents devront alors les exécuter, conformément à leurs obligations juridiques.

En parallèle, la Ville mettra en place une «cellule d'intervention et de protection» qui permettra aux immigrants sans papiers de dénoncer des crimes tout en gardant un bras de distance avec la police. Selon un rapport obtenu par le HuffPost Québec au mois d'août, le Centre d'aide aux victimes d'actes criminels (CAVAC) deviendrait un guichet unique recueillant des dénonciations pour des abus sexuels, des abus liés à l'emploi, des crimes contre la personne et des problèmes liés au logement. Ces dénonciations seraient ensuite transmises à la police.

Montréal, champion canadien des vérifications de statut

Rappelons qu'en 2017, le Service de police de la Ville de Montréal est devenu champion canadien de la vérification du statut d'immigration. Plus de 3600 communications ont été logées à l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), en forte augmentation sur les années précédentes. Plus de 80% des appels étaient pour vérifier le statut d'immigration d'une personne.

Le SPVM peine à expliquer cette augmentation, alors que le statut de Ville sanctuaire a été adopté en début d'année.

Contactée par le HuffPost Québec, l'inspecteur Caroline Cournoyer affirme que le «don't ask don't tell» ne diffère pas des règles qui s'appliquent déjà au SPVM.

«Un agent ne peut pas demander le statut d'immigration sans raison valable. Ce n'est pas nouveau», dit-elle.

L'inspecteur Cournoyer affirme avoir fait le tour de la Division des enquêtes et des postes de quartier pour rappeler aux agents les consignes en la matière. Elle s'attend à ce que les chiffres de 2018 soient beaucoup plus faibles en ce qui concerne les communications avec l'ASFC.

Une politique de don't ask don't tell appliquée à Toronto a été suivie d'une importante réduction du nombre d'appels du service de police torontois aux services frontaliers. Mais la Ville-Reine, autrefois championne, reste tout juste derrière Montréal avec 3500 appels logés l'an dernier.

L'opposition pas convaincue

Lionel Perez, chef du principal parti d'opposition Ensemble Montréal, n'est pas convaincu que le choix d'abandonner le terme «Ville sanctuaire» soit judicieux.

«Vancouver a adopté le terme "Ville sanctuaire". Hamilton, Toronto et d'autres aussi», souligne-t-il.

M. Perez ajoute que les mesures annoncées à titre de «Ville respectueuse et engagée» sont les mêmes que celles qui avaient été prévues avec le statut de Ville sanctuaire adopté en février 2017 sous l'administration de Denis Coderre, dont M. Perez faisait partie.

Silence sur le lieu de résidence

Autre mesure importante, la Ville étudie les façons de ne plus demander le lieu de résidence des personnes qui ne souhaitent pas le divulguer, par peur de recevoir la visite de l'ASFC. Selon Marie-Christine Ladouceur-Girard, directrice du Bureau d'intégration des nouveaux arrivants de Montréal (BINAM), la Ville pourrait demander aux organismes communautaires d'attester que le demandeur réside à Montréal.

«Il y a des façons de faire qui se développent dans d'autres villes, par exemple la méthode du «third party referral» («attestation par un tiers»). Des organismes communautaires pourraient attester que cette personne réside à Montréal. À partir de l'attestation, qui sera valide dans les services municipaux, ils pourront bénéficier des services.

L'idée d'une «carte d'identité municipale», telle qu'évoquée dans des documents consultés par le HuffPost, semble donc écartée.

Les immigrants sans papiers auraient ainsi accès, entre autres, aux services de logement même s'ils ne peuvent pas produire une permis de conduire ou une autre carte gouvernementale. Comme nous le rapportions cet été, les fonctionnaires municipaux craignent une pression accrue sur le logement social, puisqu'une part importante des quelque 50 000 sans papiers de Montréal pourraient vraisemblablement demander ce service.

Montréal vit actuellement une pénurie de logements sociaux. L'administration Plante a toutefois promis de créer 12 000 nouveaux logements sociaux et abordables d'ici la fin de son mandat, en 2021.

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