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Premier anniversaire de Valérie Plante: lenteur et déception en habitation

Mme Plante a alimenté les espoirs en campagne électorale. Malgré des avancées certaines, les résultats ne sont pas au rendez-vous.
Olivier Robichaud

Le HuffPost Québec s'est entretenu avec des experts et des organismes pour faire le bilan des actions et des directions prises par l'administration Plante au cours de la première année de son mandat. Nous publierons une analyse de chacune des cinq priorités énumérées lors de l'assermentation de la mairesse, soit la mobilité, la sécurité, l'habitation, l'efficacité des services publics et le développement économique.

Valérie Plante l'avait annoncé lors de son assermentation: l'habitation serait le dossier le plus difficile à mener à terme, entre autres à cause des négociations nécessaires avec les gouvernements provincial et fédéral. Un an plus tard, Mme Plante a reculé sur un important engagement électoral et la déception est grande dans le quartier le plus insalubre de Montréal, malgré des avancées.

L'insalubrité, Annie Lapalme s'y connaît. Co-coordonnatrice de l'organisme L'Oeil de Côte-des-Neiges, elle se bat depuis des années contre des propriétaires de taudis, et aussi contre une fonction publique qu'elle juge lente et peu proactive.

Mme Lapalme nous amène dans un immeuble de la rue Goyer, qui a une des pires concentrations de taudis du quartier. Pour éviter des ennuis avec le propriétaire, elle nous demande de taire l'adresse.

L'escalier à l'entrée tombe en ruines. Dans le corridor, des trous percent le mur çà et là, au niveau du sol.

«C'est infesté de souris, souligne Mme Lapalme. Ça fait longtemps que le propriétaire le sait.»

Des trous parsèment le bas du mur d'un logement de Côte-des-Neiges infesté par des souris.
Olivier Robichaud
Des trous parsèment le bas du mur d'un logement de Côte-des-Neiges infesté par des souris.

Une administration «naïve»

Les employées de L'Oeil avaient de grands espoirs après l'élection de Mme Plante, qui promettait un grand coup de barre en matière de salubrité et de logements sociaux. Elles n'ont pas encore vu les résultats.

«Projet Montréal ont été très naïfs. Ils ont dit clairement qu'après quatre ans, il n'y aurait plus de logements insalubres à Côte-des-Neiges. [...] Ils avaient promis des résultats après un an, mais nous, ce qu'on voit, c'est qu'il y en a très peu ou pas», affirme Mme Lapalme.

La militante des droits des locataires est convaincue de la bonne volonté des élus, mais les avancées ne se font pas assez rapidement selon elle.

Des problèmes qui persistent

Mme Lapalme souligne que les fonctionnaires de la direction de l'habitation sont les mêmes qu'à l'époque de Denis Coderre. Elle garde un très mauvais souvenir de Russell Copeman, qui était alors responsable de l'habitation et maire de l'arrondissement Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce.

Annie Lapalme, co-coordonnatrice de l'organisme L'Oeil de Côte-des-Neiges.
Olivier Robichaud
Annie Lapalme, co-coordonnatrice de l'organisme L'Oeil de Côte-des-Neiges.

«Les gens à la direction de l'habitation, ce sont des gens qui, il y a un an, nous disaient qu'ils n'avaient pas de pouvoirs face aux propriétaires. [...] Mais nous, on sait qu'avec la réglementation actuelle, il y a moyen de structurer le marché locatif à Montréal», affirme Mme Lapalme.

Aujourd'hui, tant l'arrondissement que la ville-centre sont dirigés par Projet Montréal. Mais les employés de L'Oeil voient les mêmes problèmes se répéter: peu d'amendes, peu de suivis après les inspections, des logements reloués sans avoir fait les travaux, etc.

Certains cas décrits par Mme Lapalme sont hérités de l'administration précédente. D'autres dateraient de ce printemps.

Multiplier les inspections ou les suivis?

En juin, Mme Plante a annoncé une nouvelle stratégie pour contrer les problèmes de salubrité. Le plan prévoit notamment l'embauche d'inspecteurs et la multiplication des inspections.

Une mise à jour des amendes et des mécanismes de suivi est aussi au programme, mais seulement pour 2021. Ce qui déçoit énormément Mme Lapalme.

«Plus d'inspections, à la limite on s'en fout complètement. Par le passé, le nombre d'inspections était l'indicateur du succès. Mais le succès était à zéro parce que les propriétaires sont bien conscients qu'ils reçoivent des avis et qu'il n'y a aucune conséquence quand ils ne font pas les travaux appropriés», dit-elle.

Mme Lapalme attend de voir les résultats des nouvelles rondes d'inspections lancées par l'administration Plante. L'important sera le suivi des constats émis et la facturation des amendes.

Hélène Bélanger, professeure à l'UQAM et experte en logement, est beaucoup moins dure à l'égard de l'administration Plante.

«Je leur donnerais 7/10. C'est encore tôt, mais ils sont sur la bonne voie», dit-elle.

Mme Bélanger estime que Montréal avait besoin de plus d'inspecteurs. Mais elle croit aussi que la Ville devrait assurer un meilleur suivi et publiciser les résultats.

«C'est un pas dans la bonne direction, il y a un manque criant d'inspecteurs. On parle aussi beaucoup d'inspections préventives. Mais qu'est-ce qu'on fait avec ça? C'est difficile d'avoir les données par arrondissement. On a de la difficulté à avoir un portrait de la situation», déplore la chercheuse.

Logements sociaux: promesse rompue

Mme Bélanger est toutefois déçue de la promesse brisée concernant les logements sociaux et abordables. En campagne électorale, Mme Plante avait promis la construction de 12 000 nouvelles unités. Le mois dernier, elle a annoncé que ce chiffre comprendra des unités déjà existantes qui seront seulement rénovées.

«Ce recul déçoit. L'annonce de 12 000 logements répond aux besoins des plus démunis», dit-elle.

Non pas que le bilan de Mme Plante en la matière soit particulièrement négatif. La mairesse a financé la construction de 805 nouvelles unités dans sa première année, soit bien plus que la moyenne de 590 par année sous Denis Coderre. Il y en a notamment dans le futur complexe immobilier Frontenac, au-dessus du métro du même nom.

Le complexe immobilier Frontenac, mené conjointement par la Société de transport de Montréal et la Société d'habitation et de développement de Montréal, est le premier projet à remplir les exigences de 20% de logements sociaux, 20% de logements abordables et 20% de logements familiaux.
Courtoisie - STM
Le complexe immobilier Frontenac, mené conjointement par la Société de transport de Montréal et la Société d'habitation et de développement de Montréal, est le premier projet à remplir les exigences de 20% de logements sociaux, 20% de logements abordables et 20% de logements familiaux.

Mais c'est bien en deçà du rythme de 3000 unités par année nécessaires pour remplir la promesse électorale, même si on ajoute les 250 unités rénovées.

«La réalité du terrain montre qu'il sera difficile de respecter cette annonce de campagne. Pour le financement des nouvelles unités, Montréal attend toujours de voir comment le gouvernement fédéral va distribuer les fonds aux provinces», affirme Mme Bélanger.

Sophie Lanno-Cyr, responsable du dossier du logement social à L'Oeil de Côte-des-Neiges, abonde dans le même sens.

«Les résultats se font attendre. Dans le quartier, il ne s'est rien construit. C'est décevant», dit-elle.

Mme Lanno-Cyr se dit convaincue des bonnes volontés de l'administration Plante, mais elle est insatisfaite des résultats jusqu'à présent.

La pièce maîtresse de Mme Plante en matière d'habitation viendra toutefois en 2019. C'est la promesse d'obliger les constructeurs à inclure 20% de logements sociaux, 20% de logements abordables et 20% de logements familiaux dans tout grand projet résidentiel. Fort critiqué par l'industrie immobilière, ce règlement devrait permettre de grandes avancées pour potentiellement livrer les unités promises.

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