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«La Rose du ciel», la BD féministe imaginée par l'artiste malvoyant Jipi Perreault

«Évidemment, comme je suis un homme, je n'aurai jamais la perspective d'une femme, mais j'essaie d'être aussi empathique que possible...»
Courtoisie/Éditions Michel Quintin

Le féminisme, l'anxiété, le défaitisme, l'autodétermination : plantés dans le Québec des années 50, les thèmes abordés dans la bande dessinée La Rose du ciel témoignent pourtant d'une réalité bien actuelle. À travers le personnage de Maria Richard, super-héroïne loin d'être à l'abri du doute, l'artiste Jipi Perreault donne la parole à un personnage fort, visionnaire et imparfait, comme il aime en découvrir et en dessiner.

Aborder l'anxiété de manière métaphorique

Originaire de l'Abitibi, Jipi Perreault a gradué en BD à l'Université du Québec en Outaouais en 2009. S'il a auto-publié de nombreuses BD au fil de la dernière décennie, La Rose du ciel est sa première œuvre diffusée par une maison d'édition. Une opportunité que le créateur malvoyant entend bien saisir avec tout son enthousiasme d'artiste.

Cette Rose du ciel se veut un personnage du recueil baptisé Le Front #7, créé en 2014. Une super-héroïne qu'on a ensuite retrouvée dans quelques histoires courtes, jusqu'à ce que Jipi Perreault soit atteint de dépression et passe à un cheveu de mettre fin à ses jours.

Courtoisie/Éditions Michel Quintin

«À travers cela, j'ai eu la vivacité d'esprit de consulter, de suivre un traitement médical et une thérapie de groupe, dit-il. J'ai alors découvert que je suis une personne qui souffre d'anxiété. Lorsque je me suis sortie de cela, j'ai eu envie de faire quelque chose sur l'anxiété, mais je n'avais pas envie de créer un livre sur la dépression. Je voulais quelque chose de positif qui rejoindrait le plus de gens possible. D'où cette idée de la BD racontant l'origine du personnage de La Rose du ciel en insérant la notion d'anxiété dans le récit.»

Il se penche alors sur sa tablette graphique (littéralement, car l'artiste à la basse vision doit travailler de très près et créer ses BD par ordinateur) pendant les onze mois que dure la production.

«Pour dire les choses simplement, j'ai besoin d'une loupe pour lire, explique-t-il. Je ne peux pas, par exemple, me tenir devant vous et pouvoir dire quelle est la couleur de vos yeux. Et vous ne voudriez pas que je conduise votre voiture!»

Courtoisie

Ces limitations techniques à la création de BD ne l'empêchent aucunement de planter sur écran, puis sur papier, l'histoire de Maria Richard, jeune canadienne-française vivant dans le Québec des années 50, rêvant de devenir pilote comme son père.

«Malheureusement ça ne se passera pas vraiment comme elle le voudrait. Par un concours de circonstances, elle va devoir déjouer les plans d'une nazie avec son réacteur dorsal.»

La force des femmes

«Je suis toujours attiré par les personnages qui sont un peu négligés, qui ont beaucoup de difficultés devant eux, ajoute celui qui avoue que planter l'action dans le contexte de l'après-guerre brimant les femmes menait inévitablement à aborder le thème du féminisme. Cette époque qui ne permettait pas aux femmes de faire ce qu'elles voulaient est déjà un plus intéressant, car cela amène des conflits, et les conflits amènent des histoires riches. Évidemment, comme je suis un homme, je n'aurai jamais la perspective d'une femme, mais j'essaie d'être aussi empathique que possible.»

L'auteur se disait aussi déjà très attiré par l'imagerie du pulp magazine, du super-héros propre à cette époque. «Au Québec, c'est une période très intéressante. D'ailleurs, l'album souligne aussi le défaitisme qu'on retrouve beaucoup dans la culture québécoise. Les personnages autour de Maria lui rappellent que "ça ne vaut pas la peine" et qu'elle devrait "se tourner vers des choses plus accessibles".»

Courtoisie/Éditions Michel Quintin

Courageuse, vaillante, pas toujours certaine de sa réussite, mais combative et parvenant toujours à ses fins, le personnage de Maria n'en est pas moins aux prises avec une forte pression sociale lui faisant vivre beaucoup d'anxiété «qui lui amène des pensées qui la rabaissent et l'empêchent d'avancer».

«La culture québécoise me semble souvent anxieuse, poursuit-il. J'ai vu plus de 200 films québécois dans ma vie et je ne saurais calculer le nombre de films déprimants - bien que de qualité - qui nous ramènent à cet état d'esprit de vaincus sans avenir. Bien sûr, la culture est l'état d'esprit d'un peuple. Mais je ne me vois pas dans cette réflexion qui remonte au temps de la bataille des Plaines et qui me donne la nausée. Je voulais faire un contrepoint à cela en déclarant que nous ne sommes pas nés pour un petit pain. Et c'est ce que Maria fera au bout de son aventure.»

Quant au personnage de vilain, la Baronne Noire, c'est «une baronne nazie qui, cinq ans après la guerre, est encore convaincue de l'idéal d'Hitler, même si elle est désillusionnée sur ses idéaux, explique son créateur. On est dans une vision du nazisme qui est plutôt dans l'imagerie pulp, comme ce qu'on voit par exemple dans Indiana Jones. Ce sont vraiment les nazis aux moustaches torsadées qui ricanent, des bouffons qui sont un peu à l'image de la Baronne. Celle-ci, qui désire se venger d'un personnage qui l'a profondément humiliée pendant la Deuxième Guerre mondiale, n'est d'ailleurs peut-être même pas consciente de ce qui se passait lors de cette triste période.»

Son plan de conquête s'entamera au Québec, menant les personnages de la Belle Province à l'Ontario, en passant par Terre-Neuve, le temps d'une aventure teintée d'humour, mais surtout pourvue d'action et d'aventure.

La Rose du ciel de Jipi Perreault, publiée aux éditions Michel Quintin, se trouve en librairie depuis le 20 septembre.

CORRECTION: Une version précédente de cet article référait au personnage de Maria Bouchard. Il s'agit plutôt de Maria Richard.

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