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Marie-Christine Lê-Huu fait revivre l’identité de Pauline Julien et de Gérald Godin

La pièce est à l'affiche au Théâtre Denise-Pelletier jusqu'au 29 septembre.
Julie Artacho

Malgré des airs juvéniles qui lui ont permis de jouer durant 12 ans dans Cornemuse et Toc, Toc, Toc, Marie-Christine Lê-Huu est assez vieille pour avoir manifesté durant les années 80 au nom de la souveraineté. Se souvenant très bien de Gérald Godin et de Pauline Julien, lorsque ceux-ci évoquaient l'identité québécoise comme une façon de s'affirmer sans rejeter l'autre, elle a imaginé une œuvre théâtrale qui rend hommage à leur dignité et à leurs idéaux : Je cherche une maison qui vous ressemble.

Quelle place occupait le couple mythique dans ta vie pour que tu veuilles écrire sur eux?

En fait, la demande est venue de Catherine Allard, qui avait un fort désir de créer un spectacle sur Pauline depuis longtemps. J'ai toujours aimé son rapport aux textes dans la chanson, mais mon affection était plus grande encore pour Godin, sa perspective identitaire et sa façon de raconter le Québec dans une sorte d'ouverture et d'envie de rencontres. Catherine voulait incarner Pauline et la chanter, mais je savais que je ne pouvais pas écrire à partir de l'envie de quelqu'un d'autre.

Comment vous êtes-vous rejointes dans la création?

Un moment donné, elle m'a expliqué qu'elle adorait Pauline parce que son père, qui est Manitobain, lui avait confié avoir déménagé au Québec après avoir entendu Pauline Julien chanter. Il avait senti un mouvement de liberté de la parole francophone. Je trouvais ça intéressant, mais je ne voulais pas juste raconter les faits historiques. Je préférais explorer notre rapport à eux, ce qu'ils nous ont laissé. J'ai donc imaginé Catherine sous forme de personnage pseudo fictionnel, en me donnant le droit de faire la même chose avec Pauline et Gérald, qui deviennent des personnages de théâtre.

On n'est donc pas dans l'œuvre purement biographique.

Je pars d'éléments biographiques et j'extrapole des émotions et des pensées. On reconnaît des moments vécus, mais on n'est pas du tout dans la chronologie ni dans la nécessité du réel. Quand il y a des chansons, elles continuent de construire le sens de ce qu'on est en train de raconter. C'est un récit assez déconstruit, une forme de mosaïque qui passe par le filtre de ce qu'on est et notre regard sur eux.

Comment ont-ils influencé le Québec, selon toi?

Ils ont été des phares. Ils ont appartenu à une époque de la dignité politique. Les intellectuels étaient proches du pouvoir. Il y avait un discours, une intelligence, un humanisme et une élégance qu'on a beaucoup de mal à retrouver dans les débats actuels. On pense que Gérald Godin était plus engagé parce qu'il était député, mais Pauline aussi a défendu le projet québécois sur plusieurs tribunes. Quand on écoute des entrevues qu'elle a données à des anglophones, elle explique qu'on ne veut pas écraser ou dire non aux autres, mais plutôt se tenir ensemble pour les regarder au même niveau, en se donnant le droit de se tenir debout.

L'identité sous toutes ses formes est au cœur de plusieurs de tes projets. Y compris dans Jouliks, la pièce de théâtre que tu as écrite et jouée en 2005, et qui vient d'être adaptée pour le cinéma.

En effet, la pièce parle des tensions identitaires, du poids du conformisme à la société, de l'identité qu'on choisit et de la famille à laquelle on appartient, quand on appartient à deux cultures, à deux familles qui ne se ressemblent pas ou si on ne sent pas d'appartenance à notre famille de naissance et qu'on en a créé une autre.

Comment résumes-tu l'histoire du film?

C'est l'histoire vécue et racontée par une petite fille de sept ans qui aime passionnément ses parents et dont les parents s'aiment tout aussi intensément. Quand elle réalise que la pression du conformisme les sépare, elle va tout essayer pour les garder ensemble. Le film évoque l'écart entre le père et la mère, dans leurs façons d'aborder le monde. La maman est issue d'un monde plus conformiste. Elle a cru s'émanciper avec son amoureux, mais quand le regard de sa famille arrive sur le couple qu'elle forme, elle est obligée de requestionner qui elle est.

As-tu été découragée par la longueur du processus d'adaptation?

Non, car j'étais très consciente qu'une grosse partie du délai reposait sur mon emploi du temps. Je travaillais en télévision jeunesse et j'avais plusieurs jours de tournage par année. En plus, c'était la première fois que j'adaptais une pièce pour le cinéma. Je n'étais pas familière avec cette façon de raconter. Le théâtre est un espace d'évocation : on nomme beaucoup de choses auquel le public adhère. Au cinéma, il faut le montrer. Quand j'ai débuté le travail, j'avais l'impression d'enlever au public ses images pour en imposer d'autres que je devais choisir. J'ai eu besoin de temps pour assumer ça, pour y trouver une liberté et réaliser qu'il restait encore une liberté pour les spectateurs.

Comment la production a choisi la très jeune actrice qui porte le film sur ses épaules?

On a reçu plus de 200 candidatures. La réalisatrice et la productrice ont vu une quarantaine de petites filles en auditions. Peu à peu, l'entonnoir se resserrait vers de bonnes candidates. Mais un matin, on a senti un malaise entre nous. On a réalisé qu'on ne l'avait pas réellement trouvée... On a donc relancé le processus de casting pour finir avec deux choix : une actrice solide qui ferait très bien le travail, ce qui est rassurant pour la production, et la petite Lilou, qui est plus échevelée et imprévisible, mais qui apporterait davantage de surprises durant le tournage.

Comment t'es-tu sentie en assistant à quelques jours de tournage?

J'avais très confiance en Mariloup Wolfe, la réalisatrice. J'étais prête à ce que l'histoire devienne d'autres images que celles dans ma tête. Et j'ai trouvé ça beau de voir cette famille de tournage si aimante autour d'un projet dont il prenait tous grand soin. Ça m'a particulièrement touchée.

La pièce « Je cherche une maison qui vous ressemble » sera présentée à la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier du 11 au 29 septembre 2018. Cliquez ici pour plus de détails.

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