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«Ti-Gars»: le caporal Vincent-Gabriel Lamarre vit sa transition de genre devant les caméras

Vincent-Gabriel Lamarre a débuté sa carrière dans l'armée sous les traits de Virginie Lamarre. Aujourd'hui, il peut enfin être lui-même.

Changer de sexe, c'est un choix éprouvant pour n'importe quelle personne transgenre. Le faire devant les caméras, c'est un défi qui peut sembler insurmontable. C'est pourtant ce qu'a accepté de faire le caporal Vincent-Gabriel Lamarre dans le documentaire Ti-Gars, présenté en avant-première à la Grande Bibliothèque jeudi soir. Le HuffPost Québec a eu l'occasion de s'entretenir avec le jeune homme, qui partage son expérience avec une candeur désarmante.

Né dans un corps féminin, Vincent-Gabriel Lamarre a débuté sa carrière dans les Forces armées canadiennes (FAC) sous les traits de Virginie Lamarre, que ses collègues surnommaient alors «Ti-Gars». Lorsqu'on le rencontre dans les premières minutes du documentaire, le vétéran de l'Afghanistan a déjà fait son coming-out à sa famille et à sa hiérarchie au sein des FAC.

Vincent-Gabriel avoue avoir trouvé difficile d'exposer à la caméra un corps avec lequel il n'était pas à l'aise.
Fata Morgana
Vincent-Gabriel avoue avoir trouvé difficile d'exposer à la caméra un corps avec lequel il n'était pas à l'aise.

Mais sa transition physique, il la vivra devant les caméras de la réalisatrice française Doris Buttignol. Celle-ci livre ici un film intimiste et touchant, qui esquive toutefois certains des aspects les plus sombres de l'expérience trans.

«Une belle histoire»

Ce ton résolument positif qui transpire tout au long du documentaire, Doris Buttignol et Vincent-Gabriel l'ont adopté de façon délibérée.

«L'objectif, quand on en a parlé la première fois, c'était de montrer une belle histoire», explique le caporal Lamarre. Les deux comparses voulaient ainsi rompre avec le discours pessimiste et «négatif» qui prévaut dans la société actuelle lorsqu'on parle de personnes transgenres.

«Toutes les informations qu'on trouvait étaient négatives», déplore le jeune homme.

«Il valait mieux ne pas transitionner, carrément, à voir tout le négatif»Vincent-Gabriel Lamarre

Il concède néanmoins que toutes les personnes transgenres ne bénéficient pas du soutien et de l'acceptation qu'il a reçus, tant dans son milieu de travail qu'au sein de sa famille.

«Moi, j'ai été vraiment choyé par ma famille, souligne-t-il. C'est une histoire positive de A à Z. Mon entourage m'a accueilli à bras ouverts avec un amour inconditionnel. Mais je sais que c'est pas toujours le cas.»

La famille Lamarre - et particulièrement la maman de Vincent-Gabriel - a accepté de se prêter au jeu dans le documentaire «Ti-Gars».
Fata Morgana
La famille Lamarre - et particulièrement la maman de Vincent-Gabriel - a accepté de se prêter au jeu dans le documentaire «Ti-Gars».

Être trans et militaire

Les Forces armées canadiennes ont levé leur interdiction des personnes transgenres en 1992, mais le chemin pour que celles-ci soient acceptées au sein de la communauté militaire a été long et ardu. En 2014, un examen externe indépendant sur l'inconduite sexuelle et le harcèlement sexuel dans les FAC a conclu que la culture organisationnelle était «hostile à l'égard des femmes et des LGBT», dont font partie les transgenres.

Toutefois, l'organisation a depuis multiplié ses efforts pour que ses membres transgenres - qui seraient environ 200, selon les estimations des dirigeants - soient mieux soutenus.

Dans Ti-Gars, on peut d'ailleurs voir une partie de l'accompagnement dont le caporal Lamarre bénéficie dans son milieu professionnel.

«Même moi avant de m'enrôler, je pensais que l'armée était un milieu très conservateur. Mais du début à aujourd'hui, j'ai jamais senti que c'était conservateur», assure Vincent-Gabriel Lamarre. «Au contraire, je sentais dès mon enrôlement en 2008 qu'il y avait vraiment une ouverture vers la diversité.»

Bien qu'elles ne compilent aucune statistique sur la question, les Forces armées canadiennes estiment qu'environ 200 de leurs membres sont transgenres.
Fata Morgana
Bien qu'elles ne compilent aucune statistique sur la question, les Forces armées canadiennes estiment qu'environ 200 de leurs membres sont transgenres.

«Quand j'ai fait l'annonce de ma transition, j'ai jamais senti que j'étais tassé. On m'a vraiment supporté [...] au contraire de ce qu'on peut penser.»

Les toilettes

Si la «bataille des toilettes» qui a récemment opposé la communauté LGBT à la droite religieuse aux États-Unis peut sembler anodine pour certains, le caporal Lamarre confirme que la question de savoir quelle salle de bain utiliser peut créer un grand malaise chez les personnes transgenres.

«Quand j'ai fait le changement [d'utiliser la toilette des hommes], c'est sûr qu'au début on aurait pas eu une discussion autour du lavabo», se remémore-t-il. «Même moi j'étais mal à l'aise autant qu'eux. C'est l'inconnu, on ne sait pas comment réagir face à ça.»

«Aujourd'hui, c'est comme si j'étais n'importe quel homme dans les toilettes. »

Selon lui, il est normal que les gens éprouvent un malaise face à des situations qu'il ne connaissent pas ou ne comprennent pas. C'est pourquoi il essaie toujours de répondre aux questions qu'on lui pose. «Si la question est posée de façon respectueuse, ça me fait toujours plaisir de répondre.»

Et c'est un peu la mission de Ti-Gars: répondre aux questions, autant à celles de la société en général qu'à celles que peuvent se poser d'autres «Virginie».

«Quand j'étais jeune, je n'avais accès à aucune information. Je n'avais pas de mots pour expliquer comment je me sentais», raconte celui qui sent depuis l'âge de 3 ans qu'il aurait dû être un garçon.

«Voir un documentaire comme celui-ci, ça m'aurait aider à ne pas avoir peur d'être... moi.»

Une version condensée du documentaire Ti-Gars sera diffusée sur les ondes d'ICI RDI le 30 août à 20h.

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