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Juste pour rire: un 15e gala sympathique et revendicateur pour Laurent Paquin

«Ben oui, il y en a un gala finalement! Qui l'eût cru?»
Éric Myre

Pour célébrer cette quinzième animation en autant d'années d'un gala Juste pour rire, Laurent Paquin a eu carte blanche afin de s'entourer de vieux et de nouveaux amis. Des humoristes aux styles et aux propos tantôt éloquents, tantôt nettement plus légers, dont certains n'ont pas manqué de revenir sur les récents déboires du festival et du reste de la scène artistique québécoise.

Quelques pointes sur l'affaire Rozon

«Ben oui, il y en a un gala finalement! Qui l'eût cru?», a lancé Laurent Paquin en entamant son numéro d'ouverture. Évoquant un éléphant dans la pièce dont on se devait de parler («un éléphant qui se touche en ce moment»), il a prétendu avoir d'abord refusé d'animer ce gala, ajoutant qu'il «avait dit non, mais comme il s'agissait de Juste pour rire, qu'eux avaient compris que cela voulait dire oui». L'humoriste a ensuite poursuivi en faisant le parallèle entre les référendums «qui auraient pris une tout autre tournure si un non avait voulu dire oui» et sa peur bleue de la stupidité naturelle.

Éric Myre

«Plus les bébelles pensent à ta place, moins tu te mets à penser, a-t-il ajouté en parlant des maisons intelligentes ainsi que de son grand-père qui, lui, était bon de ses mains et était «capable de tout faire... paqueté.»

«Pourquoi ne mise-t-on pas sur l'importance de ne pas être cave?», s'est-il questionné en s'insurgeant contre les voitures qui freinent toutes seules. «Si tu as besoin d'un char qui break à ta place, reste donc chez vous.» Les vélos, les «estis de piétons» et la possibilité de s'injecter de l'intelligence «à grands coups de clé USB dans le derrière» sont venus compléter ce numéro d'ouverture porteur de sens, sans toutefois être trop moralisateur. Bref, fidèle à l'humour de Laurent Paquin.

Une dizaine de numéros et encore plus d'humoristes amis se sont ainsi succédés sur scène au fil de cette soirée fort amusante. Guillaume Pineault a brisé la glace avec un numéro relatant l'achat et les péripéties vécues au volant de sa moto neuve, se terminant par une escorte policière le ramenant dans son quartier d'Hochelaga. Un moment sympathique, mais loin d'être hilarant.

Adib Alkhalidey a charmé la salle en une fraction de seconde en lançant un «je dois faire ça vite, je fais du Uber après le spectacle» avant de revenir sur ce moment où un client d'Uber l'avait confondu avec un «Mohamed dans une Honda». Il a enchaîné en partageant avec l'auditoire son grand problème : celui d'être trop gentil, donc naïf, donc souvent trahi. Tout cela «à cause de ma mère qui me disait sois gentil ou je vais te tuer». La peur de tomber devant les autres («ça dit dans une fraction de seconde je suis imparfait, je marche depuis 35 ans, mais là je l'ai échappé»), l'impossibilité d'aider une dame qui allait tomber dans le métro à cause des stéréotypes («je suis arabe, j'avais oublié») et les tatouages («on dirait que finir sa manche de tatouage, c'est le seul projet de société de ma génération», s'est-il alarmé) ont composé ce bon numéro, qui s'est pourtant abruptement terminé sur une décevante blague scatologique.

Jess Salomon, décrite par Laurent Paquin comme «l'un de ses coups de cœur de l'année» a pris les spectateurs par surprise avec son accent et ses racines anglophones («je sais que mon accent sonne politicien de Calgary venu gagner des votes»). Elle en a profité pour rire de certains surnoms français, dont «le gros pour un meilleur ami et une graine pour un pénis, l'unité la plus petite que l'on doit regarder avec un microscope»). Elle a aussi créé un bel effet lorsqu'elle s'est déclarée juive et mariée avec une Palestinienne qui aimait bien les jeux de rôles.

De son côté, Sam Breton a bien mis la table pour livrer un numéro qui n'allait pas être oublié; un retour tout en détails sur cette journée où sa douce, coincée dans la circulation, a dû uriner dans un verre à café... Si l'anecdote en elle-même manquait de finesse, les talents de conteur de l'humoriste ont rapidement fait rire la salle aux éclats.

Éric Myre

Une seconde partie revendicatrice

La seconde moitié du gala s'est faite légèrement plus cinglante, revendicatrice et porteuse de sens. Le numéro des lignes ouvertes mené par Laurent Paquin a mis en scène des Mélanie Couture, Salomé Corbo, Katherine Levac, Anaïs Favron, Mélanie Maynard et Louise Deschâtelets, qui en avaient long à dire sur la place et les nombreux problèmes des femmes dans la société. «Le problème, ce sont des hommes connus qui peuvent agresser des femmes, alors qu'on ne dit rien...», a lancé l'une d'elles «non c'est non, oui c'est oui, il n'y a pas autre chose qui veut dire autre chose que oui», a insisté une autre. Ce numéro revendicateur abordant le pouvoir, le féminisme, le sentiment de sécurité, les vêtements genrés, le mouvement #MoiAussi, les photos de pénis non sollicitées («auxquelles on répond : Non, je n'irai pas aux recettes pompettes!») a valu à ses 6 interprètes féminines une ovation debout.

L'humoriste d'origine marocaine Neev n'a pas déçu en livrant un numéro sur les immigrants rempli de succulents accents, alors que le duo Dominic et Martin a choisi de parler de «ces choses que l'on n'ose pas dire» lors d'un numéro qui, malheureusement, fut loin d'être convaincant.

Les éclats de rire et les ovations debout sont plutôt allés aux trois derniers humoristes de la soirée : Jérémy Demay, Christine Morency et Mike Ward. Le premier s'est fait sympathique comme tout en évoquant l'acceptation de soi (son physique, son nom), les choix que l'on fait et dont notre vie résulte et les activités de couple auxquels on consent par amour, comme le pédalo.

Pour son «premier gala à vie», Christine Morency a proposé un hilarant numéro relatant une date Tinder rencontrée aux glissades d'eau à Pointe-Calumet, «là où le mot fun a été mourir». Une descente en glissade qui s'est mal terminée livrée par une humoriste dont le talent de conteuse n'est pas sans rappeler celui d'un certain Jean-Marc Parent.

Éric Myre

Comme à son habitude, Mike Ward ne s'est pas gêné pour aborder les thèmes controversés et attendus de la soirée. «J'ai découvert que tout le monde que je connaissais était un prédateur sexuel, a-t-il lancé. Qui aurait cru, finalement, que c'était moi le bon gars dans le milieu artistique?» À propos d'Éric Savail, avec qui l'humoriste a jadis travaillé, il a expliqué avoir «été un peu insulté de ne jamais avoir été invité à ses partys de saucisses». Quant à Gilbert Rozon, dont l'affaire l'a dégoûté, il s'est permis de lancer : «Moi, les enfants, je le blesse avec des jokes, pas avec mon pénis», écorchant l'intouchable René Angélil au passage. Après avoir salué le courage dont font preuve les transgenres, il a conclu en parlant des urinoirs pour femmes et en se questionnant sur l'identité «du dragon qui a dit oui à cela... je suis sûr que c'était Gilbert Rozon».

Sont venus retrouver Laurent Paquin sur scène afin de souligner sa 15e animation de gala Juste pour rire :ses deux enfants, son gérant ainsi que la légende Yvon Deschamps qui avait présenté l'humoriste sur scène lors de son tout premier gala.

Pier-Luc Funk, les Denis Drolet et Jérémy Demay animeront tour à tour leur gala carte blanche respectif les 20, 21 et 22 juillet prochains. Cliquez ici pour tous les détails.

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