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L'entreprise montréalaise Motorleaf utilise l'intelligence artificielle pour augmenter la production en serre

Une entreprise québécoise affirme pouvoir augmenter la production et diminuer les pertes.
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La technologie est maintenant partout, et même dans les champs. Une entreprise technologique québécoise propose d'utiliser l'intelligence artificielle (IA) et l'apprentissage automatique pour augmenter la production en serre de 30 à 40%.

Motorleaf, qui vient tout juste de bénéficier d'une nouvelle ronde de financement de 2,85 M$ US, fait le pari que sa technologie va conquérir le marché de la production en serre au cours des prochaines années. Le cofondateur de cette start-up montréalaise lancée en avril 2016, Alistair Monk, demande toutefois aux producteurs d'abandonner leur façon de faire actuelle.

«Les producteurs utilisent des humains pour marcher dans la serre et compter les fleurs et les fruits afin de prédire combien de kilos de produits ils auront au final. Nous utilisons l'IA et l'apprentissage automatique pour remplacer complètement leur processus», explique-t-il d'entrée de jeu en entrevue avec le HuffPost Québec. Ce nombre de kilos produits est important pour ces agriculteurs, car ils ont généralement des ententes pré-établies de fourniture auprès des distributeurs et des supermarchés.

Alistair Monk est très confiant envers la capacité de sa technologie à faire un meilleur travail que l'humain dans la prédiction des récoltes. «Même si pas mal toutes les serres du monde font les estimations de la même façon, elles ne le font pas correctement. Ils atteignent un nombre, mais il peut être de 30 à 40% au-dessus ou en-dessous de ce qu'ils récolteront.»

L'IA dans ce processus ne fait pas que de l'évaluation. Les algorithmes créés par Motorleaf permettront également d'évaluer ce qui pourra être fait pour augmenter la capacité de production en serre.

«Quand vous comprenez comment calculer le rendement, vous réalisez que ce n'est pas un chiffre, mais plutôt de comprendre pourquoi ce client aura une certaine quantité de produit. Par conséquent, vous pouvez alors donner au client des indications sur ce qui se passerait s'il changeait quelque chose, quel serait le résultat», expose M. Monk.

Et s'ils réduisent leur énergie? Et s'ils ont commencé à utiliser des lumières artificielles? Donc, si vous comprenez comment calculer le rendement, vous comprenez quels changements doivent être faits pour améliorer le processus de culture.- Alistair Monk

Comment ça marche?

Pour arriver à ses fins, Motorleaf a développé depuis deux ans des algorithmes basés sur les données amassées de différentes sources. «C'est un peu comme une recette de soupe. vous commencez toujours avec une base, comme le bouillon de poulet, et ensuite pour faire la soupe parfaite, vous devez changer la saveur», image-t-il.

Motorleaf examine la base de la production en serre, mais évalue «de nouvelles données, car nous fabriquons du matériel qui en enregistre davantage que normalement, c'est l'ingrédient supplémentaire que nous mettons dans la soupe». Ainsi, Motorleaf peut prédire le rendement, mais se targue également de pouvoir évaluer si une plante va être atteinte de maladie, pour réduire les pertes et augmenter les profits.

Pour arriver à présenter un tel produit sur le marché nord-américain aujourd'hui, Alistair Monk et son cofondateur Ramen Dutta ont passé les deux dernières années à tester leurs algorithmes, à la vitesse de la croissance des plantes en serre. «Ça nous a pris plusieurs mois et au moins 100 essais avant qu'on puisse arriver à une prédiction juste. Et ensuite, on a testé encore, et encore, et encore...», relate-t-il.

Pour l'instant, Motorleaf a perfectionné son IA pour la culture des tomates et travaille à l'adapter pour la culture des poivrons.

Un Eldorado promis? Des doutes subsistent

Directeur général de l'Ordre des agronomes du Québec, Guillaume Labarre a été producteur en serre une dizaine d'années avant de rejoindre l'administration de l'ordre. Pour lui, les avancées promises par Motorleaf doivent être prises avec une certaine précaution.

«La théorie derrière tout ça est correcte. Mais je vous dirais qu'en tant qu'ancien producteur de serre, si j'avais eu les résultats des promesses que j'ai eues des fournisseurs, ils me paieraient pour faire de la culture en serre!», ironise-t-il de prime abord.

M. Labarre explique que la technologie est présente dans les serres depuis plusieurs années au Québec, mais n'a pas remplacé le travail humain pour autant. «La culture en serre, comme toute l'agriculture, ce n'est pas une science exacte. On se rapproche de l'art. On appelle ça les règles de l'art dans le milieu, et ce n'est pas pour rien. Les paramètres qui influencent les résultats sont infinis», évalue-t-il.

L'agronome émet également des réserves sur la façon dont Motorleaf est financée.

«En agriculture, il y a beaucoup de machinerie. Les agriculteurs doivent se faire financer par les banquiers. Dans ce projet, les banquiers sont associés au projet. Donc, ils ont doublement intérêt à ce que le prêt se fasse, ils ont l'intérêt sur le prêt, et ils ont intérêt à ce que la compagnie soit le plus rentable possible. Si toutes les promesses ne sont pas au rendez-vous, le producteur a tout de même un prêt à rembourser.»

En conclusion, M. Labarre lance ce conseil aux producteurs: «faites preuve de très grande prudence, faites confiance aux professionnels qui travaillent avec vous. L'oeil humain et la formation, ce n'est pas vrai qu'on est rendu au point de remplacer tout ça.»

Motorleaf et la production en serre en chiffres

  • Fondé en 2016
  • Emploiera 18 personnes en juin 2018
  • 2,85 M$ US obtenu dans la dernière ronde de financement en mai
  • 900 serres au Québec en 2016, dont 26% de superficie en Montérégie
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