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Ottawa a un grave problème de violence

Ville tranquille? il y a eu 15 fusillades dans la capitale fédérale depuis le début de 2018.

Ottawa, une ville de fonctionnaires qui ferme les livres à 17h et qui s'éteint le week-end venu? Oubliez ce cliché.

La capitale fédérale est aux prises avec un grave problème de fusillades.

Selon les chiffres du Service de police de la Ville d'Ottawa (SPO), en date du 7 février, il y a eu 15 fusillades depuis le début de 2018, dont quatre mortelles, faisant quatre victimes. Si le rythme se maintient, la ville pourrait connaître une année sans précédent de violences par arme à feu en approchant les 180 fusillades.

Fusillades sur le territoire de la Ville d'Ottawa:

2015: 46

2016: 68

2017: 74

2018: 15 (en date du 7 février) - Source: Service de police de la Ville d'Ottawa

Statistique somme toute positive dans ce contexte difficile, les homicides sont passés de 24 en 2016 à 14 en 2017. La moitié des meurtres se sont fait avec une arme à feu dans cette ville d'environ 990 000 âmes.

Juste mardi matin, la police d'Ottawa a annoncé qu'elle enquêtait aussi un autre meurtre commis en fin de semaine. La vague de violence ne finit plus.

L'inspecteur Mark Patterson, responsable de l'Unité des armes à feu et des bandes de rue du SPO, redouble d'efforts pour tenter de retirer des armes à feu circulant dans les rues de la ville. L'opération Sabotage menée sur une période de six mois a permis de mettre la main sur plus d'une vingtaine d'armes à feu illégales et de procéder à l'arrestation de 14 individus - dont 9 ont été relâchés sous caution en janvier. Le chef du SPO avait alors déclaré que «la plupart d'entre eux sont de retour dans la communauté, faisant leur métier».

L'inspecteur Patterson, de son côté, confirme que la violence par les armes à feu est directement liée au commerce de la drogue. «Lors de l'opération Sabotage, nous avons pu constater que les armes à feu étaient utilisées par des gens qui tentent d'établir leur réseau de vente de stupéfiants. Il y a une connexion directe entre le trafic de fentanyl, de cocaïne et de marijuana. C'est 100% dû au trafic de drogue», assure-t-il en entrevue avec le HuffPost Québec.

Les vendeurs tentent d'intimider leurs rivaux et se procurent les armes pour y arriver. «Ceux qui utilisent des armes à feu sont intrinsèquement liés au commerce de la drogue et portent leurs fusils pour intimider, menacer et "régler des comptes" contre des revendeurs rivaux», remarque le policier.

Un autre phénomène qui complique le travail de l'inspecteur Patterson est l'étendue des fusillades, qui ne sont pas contenues, comme on pourrait le croire à tort, dans un quartier chaud. Il sont plutôt diffus à travers l'agglomération. «Puisque les revendeurs traînent leurs fusils pour régler des comptes, les fusillades ont lieu partout dans la ville, dépendamment d'où ces gars-là commettent leurs activités criminelles», expose-t-il.

Un sentiment d'inquiétude est bien palpable chez la population, selon ce qui a été dit au HuffPost Québec. Une personne qui a demandé l'anonymat a révélé que les événements «se passent plus souvent qu'autrement en pleine rue et que des balles se perdent. D'ailleurs, des voitures et des maisons ont été atteintes par des projectiles d'arme à feu».

De plus, les gangs de rue ne semblent pas très organisés. «Il semble qu'on ait affaire à des personnes qui saisissent des occasions de faire de l'argent et de servir leurs propres intérêts grâce à de vagues affiliations et associations avec d'autres et qui réagissent impulsivement aux conflits, plutôt qu'à de traditionnelles bandes de rue hiérarchisées et bien organisées», est-il écrit dans la Stratégie d'Ottawa relative aux bandes de rue et à la violence dans les rues.

Pour lutter contre cette crise, le SPO a augmenté les effectifs de l'unité de Mark Patterson au cours des dernières années. Ce qui a débuté comme une force de deux personnes en 2000 a considérablement grandi en 18 ans. Quatre enquêteurs ajoutés en novembre dernier ont porté les effectifs à 12 enquêteurs et deux sergents, dont un membre qui effectue un travail conjoint avec l'Unité des armes provinciale de la Police provinciale de l'Ontario (OPP). «Le problème n'est pas seulement à Ottawa, il est partout à travers la province», rappelle l'inspecteur Patterson.

Mais est-ce assez pour enrayer le problème?

«Ce n'est pas la police qui va régler tout ça»

mihailomilovanovic via Getty Images

Pour la directrice générale de l'organisme municipal Prévention du crime Ottawa, Nancy Worsfold, la problématique des fusillades est enracinée dans un contexte global de problèmes sociaux. «Ce n'est pas la police qui va régler tout ça», laisse-t-elle tomber, rejointe au téléphone par le HuffPost Québec.

Autrement dit, les gangs de rue sont alimentés par une pauvreté et une marginalisation grandissantes, qui mènent une certaine partie de la population vers la consommation de drogues.

C'est pour cette raison que la Stratégie d'Ottawa relative aux bandes de rue, mise sur pied en partenariat avec Prévention du crime, les instances publiques et la police, ne mise pas seulement sur la répression, mais également sur la cohésion communautaire, la prévention et l'intervention.

Soutien aux familles touchées, amélioration de l'accès aux activités sportives et culturelles, appui à la recherche d'emploi: Prévention du crime mise sur un filet social renforcé pour venir à bout des problèmes. «Dans le type de chose que l'on fait, ça prend des années avant d'avoir des résultats. Les gens veulent des résultats maintenant, et je comprends ça. On essaye», plaide Mme Worsfold.

Le germe de la haine qui secoue Ottawa est toutefois bien profond. «Le trafic de drogue, l'écart entre les riches et les pauvres qui augmente, et l'expérience vécue de racisme, ce sont des questions sociales complexes à régler», estime-t-elle.

Les gouvernements provincial et fédéral pourraient-ils en faire plus pour améliorer la situation? «Moi, je travaille pour la Ville et je me sens très bien appuyée par la Ville. Les gouvernements pourraient toujours en faire plus», conclut-elle.

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