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Des arbres qui croissent plus vite que les salaires

Des arbres qui croissent plus vite que les salaires

Imaginez une promenade de huit heures en forêt avec un sac de 50 livres sur les épaules, à travers une nuée d'insectes. Ajoutez à cela des conditions météo souvent difficiles et des terrains accidentés. C'est le quotidien des reboiseurs canadiens, dont les salaires n'ont pratiquement pas changé au cours des 20 dernières années.

Un texte de Léa Beauchesne

Alain Simoneau plante des arbres chaque été depuis 20 ans. Il se lève aux petites heures du matin avec une seule idée en tête : mettre en terre le plus de semis possible. Comme presque tous les reboiseurs, il est payé au rendement. Comme les autres, son salaire est demeuré presque le même depuis les années 90.

Il n'y a pas eu une grosse augmentation. Puis quand le terrain n'est pas beau, veut veut pas, il faut que tu slaques! Parce qu'il faut que tu fasses une belle qualité, puis tu n'as pas le choix.

Le planteur d’expérience se souvient que les plus petits semis valaient environ huit cents, il y a 20 ans, et qu’ils atteignent aujourd’hui environ 13 cents chacun. Les plus gros arbres valent davantage et peuvent atteindre une vingtaine de cents, mais il ne peut en planter autant.

Le directeur général de la Coopérative forestière de la Gaspésie, René Babin, affirme que les salaires sont loin de suivre l’augmentation du coût de la vie.

On a le salaire qui augmente en partie, les taux au reboisement augmentent, mais les difficultés pour faire le reboisement augmentent aussi. Puis ça, ce n'est pas nécessairement rémunéré.

Pour assurer la pérennité de la forêt, les règles de reboisement sont plus strictes que dans les années 90. Les reboiseurs doivent par exemple respecter de plus grandes distances entre les arbres et il devient difficile d'en planter autant.

C'est tout le temps nous autres qui pousse un peu plus notre machine pour tout le temps faire pas mal le même salaire.

Entre 150 $ et 400 $ par jour

Si le salaire des reboiseurs est sensiblement le même partout au pays, il varie d'un travailleur à l'autre. Les néophytes peuvent espérer gagner environ 150 $ par jour alors que les plus chevronnés atteignent 400 $ pour de bonnes journées.

Même si le salaire journalier peut être alléchant, les planteurs ne peuvent être en forêt que durant la belle saison. Au Québec, ils travaillent en moyenne 21 semaines par an et gagnent rarement plus de 40 000 $ annuellement.

Difficultés à recruter

Puisque les salaires stagnent, il est difficile de conserver la main-d'œuvre, dont la moyenne d'âge atteint maintenant 50 ans dans la province.

En vieillissant, les planteurs voient même leurs revenus diminuer puisque leur productivité baisse.

Benoit Pitre supervise une équipe de 40 planteurs et cumule plus de 20 ans d’expérience en forêt. Jamais le recrutement n’a été aussi difficile, selon lui.

Pour le reboisement, on engageait beaucoup des étudiants et des jeunes. Puisque les familles sont moins nombreuses, on a de la difficulté de plus en plus à recruter du personnel. Et aussi, les jeunes ont plus le choix dans les emplois étudiants.

Le superviseur estime que les conditions de travail difficiles liées au reboisement expliquent en bonne partie pourquoi les jeunes boudent ce domaine.

Les travailleurs se lèvent vers 4 h 30 du matin et doivent soulever des charges de plusieurs dizaines de livres. Pendant qu’ils frappent le sol de leur outil d’une main pour y faire une place pour le semi, ils plantent l’arbre de l’autre, des centaines de fois par jour.

Malgré toutes les difficultés, une étude menée en 2014 par le Comité sectoriel de main-d'oeuvre en aménagement forestier révèle que plus de 90 % des travailleurs aiment leur travail et l'ont choisi par amour de la nature et pour le sentiment de liberté qu'ils y trouvent.

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