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L'épreuve du maillot n'en sera plus une le jour où on cessera de se juger soi-même

En matière de jugement sur le physique, nous sommes certainement notre meilleur ennemi.
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Un jour, peut-être, l'épreuve du maillot de bain n'en sera plus une
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ÉTÉ - Un tout petit petit bikini ou un grand maillot une pièce? Un short de bain ou un simple slip? Avant d'exposer votre blanche peau au soleil, il va falloir passer par la case déshabillage. Aux yeux de tous et surtout, des plus exigeants, les vôtres. Vous avez peut-être commencé à y penser dès le printemps. Un régime par ci, un peu plus de sport par là.

La plage est un tribunal implacable. Contrairement à la rue, où le jugement portera surtout sur le vêtement et ce qu'il laisse deviner du corps, là, c'est le corps presque sans artifice qui est dévoilé. Un seul et très fin morceau de tissu nous protège de la complète nudité. C'est une situation quasi inédite pour quiconque n'habite pas à 500 mètres d'une plage.

Les Américains ont une expression pour désigner le corps qui se découvre ainsi l'été: le "beach body" (littéralement, "le corps pour la plage"). Il doit être, tout à la fois, athlétique, mince, bronzé, élancé. Il doit en fait ressembler à un corps exposé depuis plusieurs semaines au soleil et aux activités sportives estivales qui sculptent les silhouettes. Un objectif inatteignable et donc extrêmement culpabilisant. Si en France, nous n'avons pas d'expression aussi précise, les préoccupations et les diktats sont les mêmes.

Mais, cela change. La mode s'ouvre à des physiques différents. Les mannequins dits "grandes tailles", comme Ashley Graham, offrent de nouvelles perspectives et de nouvelles silhouettes.

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Depuis plusieurs années, l'expression "beach body" est souvent détournée grâce en partie à des illustrations qui rencontrent un vif succès sur les réseaux sociaux.

"Comment avoir un 'corps pour la plage'? 1. Avoir un corps 2. Aller à la plage."

"Vous avez déjà un corps pour la plage!"

Une tendance qui en est encore à ses débuts et qui ne peut remplacer les décennies d'injonctions à répondre aux critères esthétiques de son époque. Des diktats qui se sont accrus alors même que le maillot de bain rétrécissait et que notre envie d'aller à la plage grandissait. Dans "Histoire du corps", Anne Marie Sohn décrypte "l'érosion de la pudeur" qui commence à la Belle Époque et prend chair surtout pendant les Trente Glorieuses.

"Dès lors qu'hommes et femmes ne peuvent plus tricher avec leur corps, écrit-elle, les canons de la beauté physique s'avèrent très contraignants. Dès la Belle Époque, le modèle de l'homme et de la femme minces et élancés est dominant. Avec la nudité estivale, il faut, de plus arborer une chair ferme". Depuis le monokini lancé dans les années 60, "rien n'est plus caché à la plage".

Un système de pensée contre lequel Sophie Cheval, psychothérapeute spécialisée dans les souffrances liées à l'apparence physique, entend lutter. Dans l'épreuve du maillot, nous avons moins peur du regard des autres que du nôtre. "L'injonction va au-delà du regard d'autrui car elle est intériorisée, comme une règle comportementale, explique-t-elle. Nous nous disons intérieurement: 'je vais me sentir mal parce que je n'aurai pas fait ce qu'on m'avait dit de faire. Je n'aurais pas perdu mes 3 kg avant le maillot!' Cette règle intériorisée est d'autant plus forte que ce 'régime du maillot' est vraiment l'épreuve ultime".

L'idée n'est pas non plus de dire que nous sommes les seuls à émettre des jugements sur notre propre corps mais que le chemin à faire pour que le maillot de bain ne soit plus une épreuve commence par nous. "Concrètement, nous pouvons tout à fait profiter d'une belle journée à la plage en ayant un petit bourrelet qui s'échappe!", rappelle à toute fin utile Sophie Cheval. Une belle idée qui va encore mettre du temps à s'imposer.

Ce texte a été publié originalement dans le HuffPost France.

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