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Le chanteur-poète et ses cinq musiciens ont pris position sur scène, dans l’obscurité.
FILE - In this Jan. 12, 2012, file photo, Bob Dylan performs in Los Angeles. The city of Hibbing, Minn., has few things honoring its most famous son and Nobel laureate, Bob Dylan, and some residents think the city should do more. The singer-songwriter will be awarded the Nobel Prize in literature Saturday. Minnesota Public Radio News reports that Gov. Mark Dayton has proclaimed Saturday Nov. 11, 2016 as Bob Dylan Day in Minnesota. (AP Photo/Chris Pizzello, File)
The Associated Press
FILE - In this Jan. 12, 2012, file photo, Bob Dylan performs in Los Angeles. The city of Hibbing, Minn., has few things honoring its most famous son and Nobel laureate, Bob Dylan, and some residents think the city should do more. The singer-songwriter will be awarded the Nobel Prize in literature Saturday. Minnesota Public Radio News reports that Gov. Mark Dayton has proclaimed Saturday Nov. 11, 2016 as Bob Dylan Day in Minnesota. (AP Photo/Chris Pizzello, File)

La marée humaine n'est pas monstre devant les portes d'entrée du Centre Bell, vendredi soir, une demi-heure avant le début du concert de Bob Dylan, présenté dans le cadre du Festival international de jazz de Montréal (FIJM). Le passage dans les quelques détecteurs de métal se fait de manière fluide et sans flafla. Pas d'appareil photo, pas d'ordinateur, pas de sac à dos. Tout va bien, on commence à en avoir l'habitude.

Ah oui, chose notable, les journalistes aussi étaient «sous surveillance». En fait, ceux-ci pouvaient bien entendu entrer dans l'amphithéâtre, mais ils devaient payer leur billet ou du moins l'obtenir d'une quelconque façon, l'équipe de Dylan ou l'artiste lui-même ayant décidé qu'il n'offrirait aucun billet de faveur (accréditation) pour la critique médiatique. Eh oui, lui aussi... Ainsi, les responsables des relations de presse FIJM ont dû faire savoir aux journalistes qu'il n'y aurait pas de faveur... De quoi a-t-on peur au juste ? Certainement des témoignages désobligeants à l'égard de ce monument de la musique... Triste. Comme raconte la chanson, les choses ont changé.

Things Have Changed

Comme décorum sur scène, un immense rideau noir sur lequel courent, en deux rangées, 16 globes lumineux jaunâtres. Dans chaque ligne, on perçoit une légère courbe. Sur les planches, des instruments, partout, disposés en demi-cercle. Côté cour, le piano de Bob Dylan. Proposition visuelle épurée. C'est slick.

À 20h pile, on entend le son d'une guitare acoustique traverser l'amphithéâtre en guise d'introduction. Mélodie qui évoque une vieille chanson folk. Pas le folk des jeunes musiciens branchés du Mile-End, nope, le folk américain de Bob Dylan...

Le chanteur-poète et ses cinq musiciens ont pris position sur scène, dans l'obscurité. L'effet est sobre, mais réussi. Puis, les caisses de la batterie de George Receli grondent, doucement. La voix de Dylan vous arrive au corps comme du sable sur la peau. Chaud et granuleux. Dépendamment du vent, tout peut arriver.

«A worried man with a worried mind

No one in front of me and nothing behind

There's a woman on my lap and she's drinking champagne

Got white skin, got assassin's eyes

I'm looking up into the sapphire tinted skies

I'm well dressed, waiting on the last train»

Things Have Changed de l'album Modern Times (2006) est racontée tout autant qu'elle est chantée. C'est l'approche Dylan, ces derniers temps. Il n'a jamais bénéficié d'une grande voix, mais depuis une dizaine d'années elle s'est grandement détériorée. Peu importe. Nonobstant le détestable écho qui s'installe entre la scène et les bancs rouges, son offrande fonctionne. Vêtu d'un pantalon de cuir noir d'une veste blanche, Bob Dylan, assis devant son piano, envoie des notes aiguës, comme il peut. «I used to care, but things have changed» chante la légende avec son timbre de voix qui ferait peur à un enfant.

Highway

En mode saloon, le sextette envoie la bluesy Don't Think Twice, It's All Right (The Freewheelin' Bob Dylan, paru en 1963). C'est plus ou moins réussi. Certes le solo de guitare jazzy est apprécié, mais cette version country-blues-swing est étrange. À vrai dire, elle manque de mordant ou de conviction.

Debout-penché devant son piano, Dylan envoie ensuite Highway 61 Revisited. Tout s'éveille, musiciens et spectateurs compris. Sur quelques belles lignes au piano, le chanteur crache les paroles plus qu'il ne les chante. Il faut toutefois spécifier que l'effet doit être tout autre au parterre, où selon nous, l'expérience sera définitivement à son meilleur durant toute la soirée.

Belle surprise à la reprise de Why Try To Change Me Now (de Cy Coleman) sur laquelle le chanteur a pris le micro (sur trépied) au centre de la scène. Sur des lignes de pedal steel guitar larmoyante et des arrangements plus aérés, la voix de Dylan est plus audible et plus convaincante. Du moins elle parvient de manière plus jolie jusqu'aux spectateurs. Étonnante proposition.

Après, les chansons Summer Days et Make You Feel My Love sont passées rondement. En fait, la seconde est tombée un peu à plat. En tout cas, l'étirement du Yooooouuuu par la voix terrassée de Dylan n'était pas le plus flamboyant des messages d'amour !

Le groove de Duquesne Whistle a par la suite plu à l'audience. Avec se petite touche hawaïenne en introduction, sa batterie énergique et ses riffs de guitares accrocheurs, la version hip de cette pièce donnait presque envie de danser. En plus, on sent les musiciens prendre part au plaisir.

Après, Melancholy Mood (Bob Dylan a publié sa version sur l'album Fallen Angel, sorti en 2016) évoquait davantage Tom Waits que Frank Sinatra, autant dans le geste théâtral de Dylan que dans son interprétation très rauque.

Étrangement, on a l'impression à mi-chemin du concert, que Bob Dylan and his band serait formidable dans une salle de 1000 personnes tout au plus. Voilà où la magie ferait tout son effet. Au Centre Bell, ces délicates offrandes perdent beaucoup de leur charme dans cette immensité métallique et bétonneuse qui nous distancie de l'homme.

Quand Bob Dylan offre des morceaux issus du The Great American Songbook, il semble ragaillardi. Souvent au centre de la scène, le micro en main, on dirait que ce sont ces pièces qui l'allument le plus. Par exemple le morceau Stormy Weather de Harold Arlen, compositeur américain né en 1905. Malgré l'enthousiasme relatif de Dylan, on est resté mitigé devant cette offrande nostalgique et contemplative. Disons qu'elle livrait l'effet escompté, à savoir un sentiment d'ennui par temps incertain...

«Don´t know why

There´s no sun up in the sky

Stormy weather

Since my man and I ain´t together

Keeps raining all of the time»

À Once Upon a Time (de Tony Bennett) aussi on à la conviction que cette chanson serait sublime dans une salle de moindre dimension. C'est beau, mais on peine à se laisser complètement absorber par l'histoire de Dylan, dont la voix de ferraille ne rend pas bien la valeur du texte. Dans un bar ou une salle de spectacle comme le Club Soda, on y croirait davantage. On serait plus près du conteur, de son histoire et de son univers.

Magic

Un peu plus loin, That Old Black Magic (de Johnny Mercer) a néanmoins démontré que Bob Dylan peut se faire entendre. Le mélange des genres musicaux - merengue, swing, rock'n'roll, blues – dopé aux soubresauts frénétiques (mais contrôlés) du batteur sur ses cymbales - a revitalisé la foule dans l'amphithéâtre. Superbe.

Après la plate Long and Wasted Years, Dylan a offert Automn Leaves (de Yves Montand) devant des spectateurs attentifs, voire médusés. Autre moment fort de la soirée, comme ont font foi les applaudissements généreux.

The Man

En guise de rappels, la bande a livré le mythique morceau Blowin' in the Wind dans une version quasi méconnaissable avec ses trainées de pedal steel guitar et l'envolée pianistique du chanteur en finale.

Question de finir en beauté, Ballad of a Thin Man a parfaitement fait l'affaire. Dans une proposition semblable à l'originale, on a eu droit a des jeux de guitares dynamiques et une charge émotive convaincante de la part du grand Bob Dylan. Efficace.

Au final, 20 chansons pour une durée de 100 minutes.

Contrairement à son décevant concert de 2012, livré au même endroit, on peut dire que la scène est encore, malgré tout, un lieu de rayonnement incontournable pour l'Américain de 76 ans. Le privilège d'assister à ses performances serait de toute évidence décuplé en importante s'il se donnait en spectacle dans des salles de petite ou moyenne tailles, comme dans le bon vieux temps. Ça ne coûte rien de rêver, au moins.

La liste des chansons:

1. Things Have Changed

2. Don't Think Twice It's All Right

3. Highway 61 Revisited

4. Why Try To Change Me Now

5. Summer Days

6. Make You Feel My Love

7. Duquesne Whistle

8. Melancholy Mood

9. Stormy Weather

10. Pay In Blood

11. Once Upon a Time

12. Tangled Up In Blue

13. Early Roman Kings

14. Desolation Row

15. Soon After Midnight

16. That Old Black Magic

17. Long and Wasted Years

18. Autumn Leaves

Rappels:

1. Blowin' In the Wind

2. Ballad of a Thin Man

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