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Les ingénieurs de l'État scandalisés par la façon de négocier de Québec

Les ingénieurs de l'État scandalisés par la façon de négocier de Québec

Québec maintient la ligne dure envers les ingénieurs de l'État, en grève depuis maintenant deux semaines. « Ils ont une négociation à faire et elle ne peut être basée sur le fait qu'il va y avoir des travaux qui vont être arrêtés », a déclaré le ministre des Transports, Laurent Lessard.

On va pas commencer à faire des économies sur des travaux ponctuels pour payer des ingénieurs toute leur vie.

En entrevue à Gravel le matin à la radio de Radio-Canada, le président l'Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec, Marc-André Martin, avance avoir soumis une nouvelle offre, lundi, au gouvernement. « On a mis de l’eau dans notre vin, on a diminué de 30 % nos demandes, mais le gouvernement n’a pas fait son bout de chemin », dénonce-t-il.

Le président du syndicat confie en effet que les ingénieurs ont proposé d’étaler l’augmentation salariale de 20 % qu’ils réclament sur sept ans, plutôt que sur cinq ans, comme initialement demandé.

On est prêt à travailler plus d’heures pour gagner le même salaire et ils nous ont dit non.

Une augmentation de 20 % sur une période de sept ans représente une augmentation de quelque 2,3 % ou 2,4 % par année, selon M. Martin, dans un contexte de rattrapage salarial.

« Nous sommes le groupe d’ingénieurs le moins bien payé dans l’ensemble de la province au niveau des organismes publics. On est 41 % en retard sur nos confrères des villes, du parapublic, d’Hydro-Québec et du fédéral », insiste-t-il, soutenant que Québec n'a d'ailleurs pas réfuté ses chiffres.

M. Martin est d'autant plus outré que, selon une note interne du ministère des Transports du Québec (MTQ), obtenue par La Presse, les retards occasionnés par leur grève pour le seul chantier de l’échangeur Turcot pourraient engendrer des pénalités de 118 millions de dollars.

Il semble que ça peut leur coûter 118 millions si on est en grève deux semaines et ils [le gouvernement] nous laissent faire alors qu'on milite pour une augmentation de trois à quatre millions de notre masse salariale.

« Les pénalités ne sont pas applicables maintenant, tempère le président du Conseil du Trésor, Pierre Moreau. Elles seraient applicables dans l’éventualité où le chantier serait paralysé. Je n’ai pas d’informations à l’effet que le chantier soit paralysé ».

Pierre Moreau a par ailleurs précisé qu'il répondrait jeudi à la plus récente offre des ingénieurs.

Un gouvernement incapable, dit Lisée

« [La situation] est critique à cause de l’incapacité du gouvernement de régler ses conflits », a déploré le chef de l’opposition officielle, Jean-François Lisée.

On a eu une loi spéciale sur les juristes, on a eu une loi spéciale sur la construction et là, ils parlent d’une loi spéciale pour les ingénieurs.

« Ils [le gouvernement] sont incapables de gérer correctement leurs relations de travail, poursuit M. Lisée. C’est quand même extraordinaire. »

Laissant planer un éventuel recours à une loi spéciale, le ministre Moreau a répété ce matin que la grève des ingénieurs de l’État ne pourrait durer tout l’été puisque la saison estivale, propice aux travaux, est courte au Québec.

Le rôle stratégique des ingénieurs

« On a une place majeure dans l’État, on a un rôle essentiel et deux semaines de grève, effectivement, ça a un impact sur notre échéancier », souligne Marc-André Martin, puisque les ingénieurs de l’État sont chargés d’analyser les demandes de dérogation des entrepreneurs, de même que toutes les demandes d’extra et les imprévus.

Le président du syndicat en a profité pour rappeler une fois de plus que la commission Charbonneau avait conclu à un déficit d’expertise en ingénierie au sein de l'État pour s’assurer que les deniers publics soient bien dépensés sur les chantiers de la province.

« Présentement, je vous le dis, on n’en a pas pour notre argent, soutient d'ailleurs M. Martin. À moyen terme, on va avoir un gros problème et il n’y a pas que nous qui le décrie : la Vérificatrice générale, chaque fois qu’elle met le nez dans les dossiers du ministère, a les mêmes conclusions : ''vulnérabilité en ingénierie, besoin de renforcer l’expertise''. »

Ça n’a pas de bon sens qu’un trou sur l’autoroute 25 ça prenne plus que deux mois pour le boucher. Ça vient confirmer qu’il y a un problème d’expertise.

Le chef du Parti québécois a également invoqué les conclusions de la Commission Charbonneau pour souligner l’importance pour le gouvernement de s’entendre avec les ingénieurs.

Les ingénieurs disent : "si vous ne nous donnez pas des salaires plus importants, on n’arrivera pas à attirer de la compétence''.

Refusant de se commettre sur les augmentations salariales à consentir aux ingénieurs - « nous ne sommes pas à la table de négociations », plaide-t-il –Jean-François Lisée insiste toutefois sur l’importance pour le gouvernement québécois d’avoir « la capacité d’attirer de la compétence ».

L'arbitrage souhaité

Opposé au dépôt d’une loi spéciale pour forcer leur retour au travail, le président du syndicat explose d’enthousiasme à l’évocation d’un arbitrage.

« S’il nous donne un arbitrage, on saute dessus tout de suite ! S’il y a un arbitre, quelqu’un d’indépendant vient gérer notre dossier, qui vient trancher sur nos augmentations, on signe! », a-t-il insisté.

« Si les paramètres de l’arbitrage ne sont pas prédéterminés par la ministre du Travail, [Dominique] Vien, si on est capable d’avoir un vrai arbitrage indépendant, hey tabarouette on va être gagnant là. On est les enfants pauvres de la fonction publique. »

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