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Le soccer au Canada : 4 experts, 4 questions

Le soccer au Canada : 4 experts, 4 questions

L'équipe nationale de soccer féminine connaît de bons moments sur la scène internationale, mais difficile d'en dire autant de la formation masculine qui peine à percer le classement des 100 meilleurs pays. Pourquoi? Quatre experts issus du monde du soccer au Manitoba ont accepté de se prononcer sur la question.

Un texte de Pierre-Gabriel Turgeon

Quel est le principal problème lorsqu’il est question de développer les jeunes joueurs de soccer au Canada ?

Patrick Di Stefani (analyste de soccer à Radio-Canada et propriétaire de l'Académie de soccer élite Focus 9) : Nous avons un problème au niveau du coaching : on parle beaucoup de coach alors qu’il faudrait parler plus d’éducateur. Nous manquons d’éducateurs. Nous avons tendance à donner les meilleurs coachs aux catégories U16, U17, alors que les meilleurs devraient être au grassroot [à la base], les 7, 8, 9, 10, 11, 12 ans. C’est là que l’on devrait mettre l’emphase. Il faut débloquer de l’argent. Il faut que les formations soient plus accessibles, plus pointues, tout en demeurant ouverts à d’autres techniques de personnes qui ont un bagage différent. Il faut les accepter.

Justin Légaré (entraîneur de l'équipe masculine de soccer Les Rouges de l'Université de Saint-Boniface) : Ce n’est juste pas dans notre culture. Au Canada, c’est sûr que c’est le hockey et pendant des années on poussait le hockey. Maintenant, le foot commence à se développer, mais nous sommes encore derrière et nous faisons du rattrapage et il y a beaucoup d’ouvrage à faire.

Eduardo Badescu (entraîneur et propriétaire du WSA de Winnipeg) : Il n’y a pas d’issues pour les jeunes, le niveau universitaire est le plus haut niveau de compétition qu’ils peuvent atteindre. À Winnipeg, nous avons aussi la Premier Development League (PDL). C’est le plus loin qu’ils peuvent se rendre. Peu de joueurs réussissent à percer jusqu’à l’équipe nationale et lorsqu’ils vieillissent, ils se rendent compte que le rêve est impossible alors ils changent de sport.

Vanessa Martinez (entraîneuse de l'équipe féminine des Bisons de l'Université du Manitoba) : Le Canada a plusieurs autres sports que les garçons privilégient, comme le hockey et le football. J’ai vu plusieurs bons joueurs délaisser le soccer pour un de ces sports. La culture du soccer n’est pas très élevée, mais elle s’est améliorée dernièrement.

À quel âge peut-on cibler le potentiel chez un jeune?

P. D. : C’est très difficile à dire. On doit asseoir les bonnes bases entre 7 et 12 ans, et après espérer que le gamin va se développer sur ses acquis. Ici on a tendance à dire que si tu ne t’es pas affirmé à 16 ans, c’est fini. En Europe, à 16 ans il ne fait que commencer sa post-formation. Donc, il a encore trois ans pour convaincre.

J. L. : C’est vraiment une question difficile parce que je vois beaucoup de potentiel dans des jeunes de 3 ans dans mon programme de jeunes, donc tu peux le voir jeune, mais il faut le développer à un rythme assez intense pour voir si ça peut continuer, parce que ça peut changer.

V. M. : C’est bien de pouvoir les identifier lorsqu’ils sont jeunes tout en préservant un système flexible puisque certains se développeront plus lentement. Des études ont démontré qu’il requiert 10 ans ou 10 000 heures d’entraînement de haute qualité pour atteindre un niveau élite dans un sport.

Est-ce que l’équipe masculine canadienne pourrait voir sa position au classement mondial s’améliorer lors des cinq prochaines années?

V. M. : Si des changements sont apportés tels qu’une meilleure infrastructure, si les entraîneurs reçoivent des formations d’éducateur et que tout est mis en œuvre pour développer les joueurs et si cette ligue [la Première ligue canadienne] est créée, je vois un avenir prometteur. Mais si rien ne change, ça sera difficile.

J. L. : Bien sûr, je pense qu’il y a beaucoup de monde qui mettent beaucoup d’ouvrage pour nous rendre à une meilleure position mondiale. Alors je pense que dans les cinq prochaines années, j’espère nous voir dans les 50 meilleurs.

E. B. : Je crois que nous avons d’excellentes chances de nous améliorer parce que nous sommes beaucoup plus bas que nous devrions l’être [NDLR : le Canada occupe le 109e rang mondial]. Cependant, l’aspect politique nous ralentit.

Est-ce que les Canadiennes, qui occupent actuellement le cinquième rang mondial, pourront conserver cette position lors des quatre prochaines années?

P. D. : Je l’espère, mais la dernière Coupe du monde nous l’a prouvé, les équipes africaines sont en plein boom. Elles sont recrutées par des clubs européens et ça rehaussera le niveau, en espérant que l’on suivra. Il y a 10 ans, j’avais dit que l’Europe allait se développer et c’est ce qui s’est passé. En France, elles ont un championnat professionnel, en Hollande, en Allemagne, en Finlande, en Islande, donc ils ont développé un système de compétition beaucoup plus fort.

V. M. : La compétition a augmenté, plusieurs pays améliorent constamment leur infrastructure, forment leurs entraîneurs. Le Canada doit continuer d’investir. […] À 17 ans, les filles ne peuvent plus participer au programme de Centre d’excellence régional. Si elles ne sont pas retenues par l’équipe nationale à cet âge, elles n’ont nulle part où aller afin de poursuivre leur développement. Il y en a certaines qui continueront à se développer, mais nous en perdons en cours de route. Peut-être que dans le futur, les universités pourraient offrir un encadrement d’excellence pour ces joueuses âgées entre 18 et 23 ans.

E. B. : Elles croient qu’elles grimperont au classement, mais je ne le crois pas. C’est une opinion personnelle. Nous avons le même problème que les hommes du côté féminin. La différence du côté masculin est que 300 pays qui pratiquent ce sport et c’est une culture. Du côté féminin, nous avons cette culture de soccer, mais c’est en train de changer et ça sera très difficile pour nous par la suite.

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