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Légalisation du cannabis : que fait-on ailleurs?

Légalisation du cannabis : que fait-on ailleurs?

Quand le Canada rendra la marijuana légale, le 1er juillet 2018, il ne sera pas le premier État à procéder ainsi. L'Uruguay l'a fait en 2013, et plusieurs États américains au cours des dernières années. Mais les règles ne sont pas les mêmes partout. Comment pourrait-on comparer l'approche du Canada à ce qui se fait ailleurs?

1. La quantité

  • Dans la plupart des États américains, la quantité de cannabis que l’on peut acheter ou avoir sur soi est de 28,5 grammes (1 oz).
  • La capitale fédérale (Washington DC) est un cas particulier, puisqu’on peut posséder jusqu’à 57 grammes (2 oz) de cannabis, mais son achat et sa vente demeurent illégaux. Par contre, on peut transférer à une autre personne, sans recevoir de paiement, jusqu'à 28,5 grammes de cannabis.
  • En Uruguay, on peut acheter 10 grammes de cannabis par semaine pour un maximum de 40 grammes par mois.
  • Au Canada, le projet de loi permettra l’achat et la possession de 30 grammes de cannabis séché ou l’équivalent en autres produits (cannabis frais, liquide, concentré, etc.).

2. Qui peut en consommer?

  • Dans les États américains, ces règles s’adressent aux personnes âgées de 21 ans et plus.
  • En Uruguay, il faut avoir 18 ans et s’enregistrer auprès des autorités en tant qu’utilisateur.
  • Au Canada, la loi s’applique aux personnes de 18 ans et plus. Il s’agit toutefois d’un plancher qui pourra être revu à la hausse par les provinces.

« Les provinces pourront changer l’âge comme elles voudront », précise Eugene Oscapella, avocat et professeur en criminologie à l'Université d'Ottawa. « Par exemple, en Ontario, on pourrait vouloir suivre l’âge limite pour la consommation d’alcool, qui est de 19 ans, alors que c’est 18 ans au Québec. »

En ce qui concerne les touristes, ils peuvent se procurer du cannabis dans tous ces États, sauf en Uruguay. Au Colorado, cependant, ils ne peuvent en acheter que 7 g, soit quatre fois moins que les résidents.

Dans tous les États américains, ainsi qu’en Uruguay et au Canada, il est interdit de consommer de la marijuana en public.

3. Où peut-on l’acheter?

  • Dans les États américains, la vente de cannabis se fait dans des magasins spécialisés ayant obtenu une licence et respectant certains critères de zonage, notamment une distance limite des établissements scolaires. De plus, certaines municipalités peuvent devenir « sèches » et ne pas autoriser ces commerces sur leur territoire.
  • En Uruguay, les utilisateurs doivent s’approvisionner dans les pharmacies.
  • Au Canada, on ne sait pas encore quel sera le modèle retenu, puisque ce sont les provinces et les territoires qui fixeront les modalités de la distribution et la vente de cannabis. Les avis sont partagés sur la question.

« Les pharmacies sont probablement le meilleur endroit pour aider les gens qui ont des problèmes liés aux drogues », croit Eugene Oscapella.

Si l’on achète dans un dépanneur, c’est dans leur intérêt de vendre autant [de cannabis] que possible.

Une autre option à l’étude est celle de confier la vente de cannabis aux régies d’alcool des provinces, comme la Société des alcools du Québec ou la Régie des alcools de l'Ontario, qui pourraient créer une division distincte pour ces produits. « Ils ont déjà un système de vérification d’âge et un réseau de points de vente, notamment au Québec et en Ontario », avance M. Oscapella.

Pour sa part, Line Beauchesne, professeure au département de criminologie de l’Université d’Ottawa, s’inquiète de voir l’industrie du cannabis se positionner. « Que vont faire les provinces, particulièrement la Colombie-Britannique, où toute une industrie s’installe, dont certaines succursales de magasins américains, dans le désordre le plus complet? » demande-t-elle.

C’est plus difficile de détricoter un marché qui s’est installé que de ne pas le laisser s’installer.

Elle se méfie de ce qui est arrivé aux États-Unis, particulièrement au Colorado, où « on fait maintenant face à une industrie multimillionnaire, très peu encadrée ».

4. La culture à la maison

  • En ce qui concerne la production personnelle, plusieurs États américains permettent la culture de 6 plants par adulte jusqu’à un certain maximum par résidence (Alaska, Californie, Colorado, Maine, Massachusetts, Washington DC). L’Oregon n’en permet que 4, alors que le Nevada ne l’autorise qu’à condition que le magasin de cannabis le plus proche se trouve à plus de 40 km. L’État de Washington interdit la culture du cannabis, à moins d’avoir un permis spécial.
  • En Uruguay, on peut faire pousser 6 plants par résidence, à condition qu’ils soient enregistrés, et jusqu’à 99 dans un club comptant 45 membres.
  • Au Canada, on a opté pour une limite de 4 plants par résidence. Les provinces, territoires et municipalités pourront toutefois imposer d'autres restrictions.

5. Les produits comestibles

  • La législation varie beaucoup d’un État à l’autre. Dans certains (Alaska et Oregon), chaque portion ne peut contenir plus de 5 mg de THC, dans d’autres (Colorado, Californie et Washington) c’est plutôt 10 mg.
  • Le Maine, le Massachusetts et le Nevada (trois États qui ont voté pour la légalisation du cannabis en novembre dernier) n’ont pas encore réglementé la question.
  • À Washington DC et en Uruguay, les produits comestibles ne sont pas permis.
  • Au Canada, le gouvernement souhaite attendre avant d’autoriser la vente de produits comestibles. Il veut auparavant mettre en place une réglementation qui prendra en compte les tailles et les teneurs en THC de portions, ainsi que les exigences en matière d'emballage pour protéger les enfants.

6. La taxation et les revenus

  • La façon de taxer les revenus du cannabis varie aussi beaucoup d’un État à l’autre. Certaines taxes s’appliquent aux producteurs, d’autres, aux consommateurs. Dans les États américains, une taxe de vente entre 10 % et 15 % s’applique habituellement lors de l’achat, alors que les grossistes paient une taxe plus importante. Les prix du cannabis fluctuent selon les États, mais aussi en fonction des variétés.
  • En Uruguay, le gouvernement a décidé de ne pas ajouter de taxes pour maintenir le prix compétitif par rapport au marché noir. Un gramme de marijuana se vend 1,35 $ CA.
  • Au Canada, on ne sait pas encore quelle sorte de taxation sera appliquée. En ce qui concerne le prix de vente, le gouvernement vise environ 8 $ le gramme.

« On sait que dans une première phase, il faudra aller en dessous des prix habituels pour casser le marché noir », croit Line Beauchesne, « alors que, dans une deuxième phase, on pourra augmenter la taxation, et les prix vont baisser à cause du volume. » Il faudra également réglementer les ventes en ligne, croit-elle.

7. La conduite

La conduite sous l’influence du cannabis, une question qui inquiète grandement les Canadiens, est réglementée de différentes façons selon les endroits.

  • Dans certains États, on ne permet aucune présence de THC dans le sang (Massachusetts, Washington DC), alors que dans d’autres, on autorise 5 nanogramme par millilitre (Colorado et Washington) ou 2 ng/ml (Nevada). Dans d’autres États, il n’y a pas de limite clairement établie, les agents évaluant l'intoxication à partir de signes physiques (Alaska, Californie, Maine et Oregon).
  • En Uruguay, on interdit de conduire après avoir fumé du cannabis.
  • Au Canada, la limite a été établie à 2 ng/ml de sang.

Sur quoi se basent ces critères? « Sur rien », répond Line Beauchesne. « C’est complètement arbitraire. Pourquoi on s’en va dans cette direction-là qui est complètement erronée? »

Ce qu’on veut savoir, c’est si quelqu’un a les facultés affaiblies, que ce soit par la fatigue, par la médication ou par le cannabis.

En fait, il s’agit surtout d’un choix politique, croit-elle. « Dans les sondages sur la légalisation, la plus grande crainte des gens c’est la conduite avec facultés affaiblies […] Politiquement parlant, il faut rassurer les gens et c’est plus facile [d'ajouter des lois sur les niveaux de THC sur le sang] que de les changer pour viser toute personne qui conduit avec les facultés affaiblies [quelle qu’en soit la cause]. »

Des différences dans l’approche

En comparant ces approches, on voit des différences marquées entre les États américains, où la légalisation a suivi un processus référendaire d’initiative populaire, et les cas de l’Uruguay et du Canada, où l’initiative législative est venue du gouvernement.

L’Uruguay et le Canada ont mis l’accent sur la protection de la santé publique et la lutte contre le trafic de drogue, alors que dans le cas des États américains, si la fin du marché noir et la lutte contre le crime organisé font partie de l’équation, la possibilité de revenus additionnels pour l’État est également un facteur important.

« Il faut éviter de suivre cette approche très commercialisée », croit Eugene Oscapella, qui s’inquiète de la possibilité que les producteurs de cannabis thérapeutique commencent à produire également du cannabis récréatif et que « ces entreprises deviennent si grandes et si puissantes qu’elles puissent influencer le gouvernement pour qu’il prenne ses distances des buts de santé publique. »

En fait le Canada est dans une position unique dont il doit profiter, croit Line Beauchesne. « On peut mettre la table, au complet, d’une façon beaucoup plus cohérente », croit-elle.

Le fédéral a créé un cadre qui est en santé publique, mais la distribution peut venir bousiller les choses. On ne le sait pas encore.

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