Après avoir perdu une première manche en Chambre la veille, l'opposition s'est tournée mardi vers le comité des langues officielles pour tenter de barrer la route à la nomination de Madeleine Meilleur au poste de commissaire.
Le député néo-démocrate François Choquette y a déposé une motion pour réclamer la comparution de dix personnes impliquées de près ou de loin dans le processus ayant mené au choix de la libérale de longue date.
Car selon lui, le comité des langues officielles ne peut produire son rapport sur cette désignation contestée sans disposer de toute l'information requise. L'élu a plaidé devant ses collègues qu'il était primordial de "s'assurer qu'on ne commette pas une erreur très grave".
Il a argué que la nomination de l'ancienne ministre au sein du gouvernement libéral ontarien avait donné naissance à "une controverse qui ne cesse jour après jour de s'alourdir" alors que s'accumulent des informations qu'il juge "préoccupantes".
La dernière en lice: Mme Meilleur a indiqué au comité dans une lettre qu'elle n'est "plus membre d'aucun parti politique depuis le 7 avril 2017", alors qu'elle avait affirmé le 18 mai qu'elle "croyait" n'avoir plus de carte de membre du Parti libéral depuis "la fin de l'année".
"C'est très préoccupant de savoir (...) qu'elle était encore membre du Parti libéral, et qu'elle a eu tous ces contacts privilégiés avec des proches du premier ministre", a lâché le député du Nouveau Parti démocratique (NPD) après la rencontre du comité.
La démarche n'a pas abouti, la députée libérale Linda Lapointe s'étant empressée de proposer un ajournement du débat sur la recevabilité de la motion que venait de soulever le président du comité, Denis Paradis. La proposition a été adoptée par les libéraux, majoritaires au comité.
Les conservateurs, qui approuvent la motion du NPD, comptent eux aussi soumettre une liste de personnes dont ils aimeraient entendre le témoignage, a indiqué la députée Sylvie Boucher à sa sortie de la rencontre du comité des langues officielles.
La discussion devrait reprendre lors de la prochaine réunion du comité, jeudi matin.
Cette offensive de l'opposition en comité survenait quelques heures après que les conservateurs et les néo-démocrates eurent essuyé lundi une première défaite en Chambre dans leur tentative de bloquer la désignation de Madeleine Meilleur comme commissaire aux langues officielles.
Le président de la Chambre, Geoff Regan, a refusé de s'immiscer dans le débat qui avait été porté à son attention par un rappel au règlement en concluant qu'il outrepasserait son rôle en se prononçant sur la question de droit qui lui avait été soumise.
Le comité des langues officielles, qui a entendu le témoignage de Mme Meilleur, dispose de 30 jours de séance pour produire un rapport sur la nomination du commissaire.
Lors de sa comparution, l'ancienne députée libérale d'Ottawa-Vanier à Queen's Park avait affirmé qu'elle avait approché Gerald Butts ainsi que la chef de cabinet du premier ministre, Katie Telford, pour leur signifier son intérêt pour le poste.
Cette révélation a fourni des munitions additionnelles aux partis d'opposition, qui avaient déjà qualifié la nomination de Madeleine Meilleur de "partisane" dès que le choix du gouvernement avait fuité aux médias, quelques jours avant l'annonce officielle.
Et depuis des jours, à la Chambre des communes, la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, fait face à un barrage de questions, et répète inlassablement que le processus "ouvert et fondé sur le mérite" a mené à la sélection de la candidate la plus qualifiée.
Mais il n'y a pas que les députés de l'opposition que le processus intrigue. Au cours des derniers jours, des organismes de défense des droits linguistiques ont aussi réclamé des clarifications au gouvernement libéral.
La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) fait partie du lot. Au courant de la fin de semaine, elle avait réclamé une rencontre avec le premier ministre Justin Trudeau.
On a plutôt offert à la FCFA un entretien avec Mélanie Joly. La rencontre a eu lieu mardi matin à Ottawa. "Je les ai entendus, je les ai écoutés, a relaté la ministre responsable du dossier des langues officielles à l'issue de la rencontre. J'espère les avoir rassurés."
Visiblement, l'objectif n'a pas été atteint.
"La FCFA sait (...) que les inquiétudes au sein des communautés demeurent bien réelles et elle conclut que ces inquiétudes ne seront pas résolues par la rencontre d'aujourd'hui", a déclaré l'organisation par voie de communiqué, mardi après-midi.
L'organisation insiste "pour rencontrer le premier ministre du Canada, qui est l'ultime responsable de la politique des langues officielles au pays", et a "communiqué à la ministre Joly" qu'elle "s'attend à rencontrer le premier ministre Trudeau, à son retour d'Europe".
Le premier ministre rentre au pays mercredi.
Témoins que le NPD veut entendre en comité
1. La présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA)
2. Michel Doucet, l'un des candidats malheureux au poste de commissaire
3. Le responsable du processus de sélection de Boyden
4. Le sous-ministre de Patrimoine canadien
5. Mathieu Bouchard, conseiller pour le Québec au bureau du premier ministre
6. Gerald Butts, secrétaire principal du premier ministre
7. Rémi Léger, professeur spécialisé dans les questions liées à la francophonie
8. Le sous-ministre de la Justice
9. La dirigeante principale des ressources humaines du Secrétariat du Conseil du Trésor
10. La sous-secrétaire du Cabinet du Bureau du Conseil privé (BCP)
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